Le Blog de Lazare

La France et l’Europe ne doivent pas se laisser embarquer dans une guerre des États-Unis avec la Chine, quel que soit le prétexte

À l’issue du sommet de l’Alliance atlantique en novembre 2019 à Madrid, le Président Macron a pu dire : « Nous avons eu de longs débats (…). La position de la France est claire : l’OTAN n’est pas une alliance contre la Chine. (…) Il n’y a pas de fatalité au rapprochement sino-russe ».
Lors de l’audition du chef d’état-major de la Marine nationale, le 27 juillet 2023, à l’Assemblée nationale, l’amiral Pierre Vandier a confirmé que « Nous assistons à un réarmement naval sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2030, le tonnage de la marine chinoise sera 2,5 fois supérieur à celui de la marine américaine. À l’heure actuelle, les Chinois construisent une flotte de cinq brise-glaces pour s’offrir la possibilité de basculer leurs forces du Pacifique vers l’Atlantique, avec l’amitié des Russes ».

Le 17 juin 2022, la Chine a inauguré le lancement de son troisième porte-avions, le Fujian, avec des catapultes électromagnétiques qui lui permettent de rivaliser avec l’US Navy. Ce lancement fait figure d’affichage politique car selon Valérie Niquet, dans l’hypothèse d’une invasion de Taïwan ou même de contrôle des détroits « des sous-marins, des missiles et des mines flottantes sont plus efficaces qu’un porte-avions pour dénier l’accès aux détroits ». Le ministre de la Défense, le général Wei Fenghe, a juré que la Chine était prête à la « guerre » en cas de déclaration d’indépendance de Taïwan, lors de sa première rencontre avec le chef du Pentagone le 10 juin 2022 à Singapour. De leur côté, les États-Unis, sous couvert d’assurer la « liberté de navigation », multiplient les manœuvres dans le détroit de Taïwan.

Alors que la tension monte entre Pékin et Washington, Emmanuel Macron a eu la lucidité de s’opposer, en juin 2023, à l’ouverture en 2024 d’un bureau de liaison au Japon, estimant que l’Alliance de l’Atlantique Nord devait se concentrer sur sa zone géographique historique. Ce bureau ne se justifie pas et pourrait alimenter le ressentiment chinois, plaide-t-on côté français. Depuis une visite historique au siège de l’OTAN en 2007 par le Premier ministre de l’époque, Shinzo Abe, le Japon, très encouragé en coulisses par les États-Unis, ne cesse de vouloir se rapprocher de l’OTAN.

Si l’Amérique cherche à forger une sorte d’Alliance militaire globale contre l’axe Moscou-Pékin, rares sont ceux qui en Europe (hormis les États baltes), sont prêts à mettre en péril leurs relations commerciales avec Pékin. À commencer par l’Allemagne dont la puissance industrielle et la stabilité dépendent des exportations vers la Chine. De plus, les propos du Président Macron, lors de sa visite en Chine, début 2023, contredisent les objectifs de Washington, répétés à la réunion, mi-2023 de l’OTAN à Vilnius, visant à embarquer l’Europe entière dans une confrontation globale avec la Chine. Il serait complètement stupide et il est extrêmement douteux que l’Europe se mobilise pour Taïwan, comme elle a su le faire à tort et très naïvement pour l’Ukraine. À l’heure, enfin, où Washington s’installe dans un protectionnisme sans complexe, dont les Européens avec l’IRA (Inflation Reduction Act) sont de fait, les premières victimes… la Réunion de l’OTAN à Vilnius en 2023, malgré les apparences et les sourires diplomatiques, n’a donc rien réglé sur le fond. Ni la guerre en Ukraine, ni l’après-guerre en Europe, et encore moins la montée de la puissance chinoise en Asie-Pacifique.

Les Anglo-Saxons ne sont pas les amis de l’Europe. Le coup de poignard dans le dos de la France, orchestré par les membres de l’AUKUS pour torpiller le contrat de sous-marins avec l’Australie, en est la preuve. Le projet OTAN 2030 visant à impliquer l’Europe dans une nouvelle guerre américaine en Asie avec la Chine doit être rejeté par les Européens.
Pour conserver sa suprématie planétaire, Washington a recours à toutes les machinations possibles. En cas de guerre contre la Chine, ce ne sera plus le peuple ukrainien qui servira de chair à canon, ce seront les peuples européens déchiquetés par les missiles hypersoniques chinois.
La France, comme les autres nations européennes, doit redevenir la nation puissante, indépendante et souveraine du général de Gaulle. Et si les forces navales de l’Europe patrouillaient en Méditerranée plutôt qu’en mer de Chine pour éviter aux Européens un nouveau « Camp des saints » ? (à suivre)

Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » -Préface de Piotr Tolstoï – 370p – Librinova – 2024