Les BRICS veulent revenir à une monnaie garantie-or.
La révolution de 2023 sera aussi marquante que celle de 1789 dans le renversement de l’ordre établi.
Mais faisons d’abord un petit retour en arrière…
Le 26 avril 2006, dans son bulletin GEAB, le laboratoire européen d’anticipation politique écrivait :
"Nous estimons désormais à plus de 80% la probabilité que la semaine du 20 au 26 Mars 2006 voit se déclencher la principale crise politique mondiale depuis la Chute du Rideau de Fer en 1989, accompagnée d’une crise économique et financière d’une ampleur comparable à celle de 1929. Cette semaine de la fin Mars 2006 marquera le point d’inflexion d’évolutions critiques, entraînant une accélération de tous les facteurs conduisant à une crise majeure, même sans intervention militaire américaine ou israélienne contre l’Iran.
Dans le cas d’une telle intervention, les probabilités d’une crise majeure atteignent 100%.
L’annonce de cette crise résulte de l’analyse de décisions prises par les deux acteurs-clés de la crise internationale principale actuelle que sont les Etats-Unis et l’Iran :Il s’agit d’une part de la décision iranienne d’ouvrir à Téhéran le 20 Mars 2006 la première bourse pétrolière en Euros, ouverte à tous les producteurs de pétrole de la région ;
Et d’autre part, de la décision de la Réserve Fédérale américaine d’arrêter à partir du 23 Mars 2006 de publier les chiffres de M3 (l’indicateur le plus fiable sur la quantité de dollars circulant dans le monde)."
Le 1er février 2021, la Réserve fédérale des États-Unis a arrêté de publier les données monétaires M1 et M2.
Il est aujourd’hui impossible de connaître la quantité réelle de dollars circulant dans le monde.
La Fed peut imprimer à volonté en fonction des besoins, pour éviter un défaut sur les dettes à court terme de telle ou telle banque ou telle ou telle nation.
Beaucoup d’évènements ont eu lieu depuis avril 2006.
Le premier a été la crise systémique de 2008 et le sommet du G20 à Washington en novembre, durant lequel la plupart des grandes nations ont réclamé un changement de système monétaire international.
Dès 2009, les quatre leaders des pays émergents (Brésil, Russie, Inde et Chine – BRIC) ont commencé à se structurer en vue de s’émanciper du système financier occidental.
La première réunion officielle des BRIC a eu lieu en juin 2009 à Ekaterinbourg, en Russie.
L’année suivante, l’Afrique du Sud a intégré le groupe, dont l’acronyme devint BRICS.
En 2013, la Nouvelle banque de développement (NBD) a été créée en vue de s’affranchir du néocolonialisme financier de la Banque mondiale et du FMI.
Lors des G20 post-2008, les pays émergents demandaient à avoir plus de voix dans ces deux organismes, mais le Congrès des États-Unis refusait d’entériner ces changements.
Il faut 85% des voix pour faire changer l’ordre des choses au FMI, or les États-Unis en détiennent 17%, ce qui leur permet de bloquer toute évolution significative.
Washington usait et abusait de son droit de vote.
Tant et si bien que Christine Lagarde, directrice du FMI, a dû poser un ultimatum au Congrès le 14 avril 2014 pour obtenir une très légère évolution du statu quo.
L’année suivante, en 2015, le yuan obtenait finalement un strapontin dans le panier du DTS et la Chine doublait son pouvoir de vote, passant de 3,8% à 6,1%.
Mais les États-Unis n’ayant pas lâché leurs droits de véto pour autant, la volonté des BRICS de créer un système parallèle s’est vue renforcée.
En mars 2009, la Chine a publié une lettre d’intention sur le futur système monétaire, avec une référence au Bancor proposé par John Maynard Keynes à Bretton Woods en 1944.
Cette monnaie devait être constituée d’un panier des principales devises mondiales, comme le DTS du FMI, et être stabilisée par un panier de 40 matières premières, pondérées en fonction de leur rareté.
Ce graphique montre les volumes d’or physique échangés sur le Shanghai Gold Exchange (SGE) et donne une idée des stocks de métal jaune existants en Chine.
À la même époque, la politique des principales banques centrales vis-à-vis de l’or a pris un virage à 180°.
Presque immédiatement après le G20 de novembre 2008, les banques centrales vendeuses nettes d’or depuis plus de 20 ans sont devenues acheteuses nettes.
L’année 2022 a été marquée par une très forte augmentation de ces achats d’or, pour les raisons que nous allons voir plus loin.
Les États-Unis, en coupant l’accès au réseau SWIFT à l’Iran en 2018, ont poussé la Chine et la Russie à développer leurs propres systèmes de messagerie interbancaire.
Ces systèmes étaient déjà opérationnels quand l’Occident a récidivé en privant la Russie de SWIFT en février 2022.
Il est bon de rappeler que toute transaction internationale en dollars passe obligatoirement par une banque américaine.
De ce fait, les États-Unis tracent la quasi-totalité des échanges entre les différents acteurs du commerce mondial.
En février 2022, les États-Unis et leurs alliés ont gelé les avoirs financiers des russes dans les banques occidentales.
Cette sanction a fait prendre conscience à toutes les autres nations que Washington pouvait les ruiner du jour au lendemain et que détenir des avoirs en dollars aux États-Unis ou dans l’Union européenne était risqué, si on ne se pliait pas servilement à la politique américaine.
Comme toujours, ce n’est pas l’événement qui compte, mais l’exploitation de l’événement.
Or, la Chine et la Russie ont fait en sorte de faire passer le message à de nombreux pays, les encourageant à se dédollariser au maximum.
Le rouble était alors remonté en flèche contre le dollar et la demande d’or à Londres s’était envolée, notamment du fait des courtiers indiens en pétrole.
En effet, payé en or, le prix du pétrole russe était très bon marché.
Les négociants indiens et chinois ont pu ainsi acheter du pétrole et du gaz en provenance de Russie, interdit en Europe, pour ensuite le revendre avec une forte marge à l’Union Européenne.
En 2022, l’Inde a multiplié ses achats de pétrole Russe par 33 par rapport à l’année précédente.
Les sanctions occidentales ont davantage étranglé l’Europe que la Russie, plongeant les nations européennes en pleine crise énergétique et inflationniste.
Comme chacun le sait, l’inflation est une baisse du pouvoir d’achat des monnaies.
Dans les années 1970, l’économiste Martin Armstrong s’est rendu compte qu’il était impossible de faire des prévisions économiques fiables si on ne calculait pas soi-même un certain nombre de données, notamment celles de l’inflation, chaque pays utilisant ses propres recettes pour la minimiser.
Ces différentes recettes évoluent régulièrement pour cacher toujours plus la réalité.
Selon Martin Armstrong, l’inflation aux États-Unis en 2022 était en réalité de 32% (voir ici).
L’économie américaine a donc beaucoup souffert de la guerre commerciale et monétaire menée à la fois contre la Russie et la Chine.
Le système pétrodollar, négocié entre les États-Unis, le "Cartel des sept soeurs" et l’OPEP dans les années 1970, obligeait les pays producteurs à vendre le pétrole et le gaz en dollars américains.
De ce fait, tous les pays consommateurs d’énergie devaient détenir d’importantes réserves de change en dollars pour payer leurs factures.
En 2018, la Chine a lancé le Shanghai International Energy Exchange sur lequel les contrats à terme s’échangent en yuans.
Le 9 décembre 2022, lors de la première visite d’un dirigeant chinois dans le Golfe Persique, Xi Jinping a jeté un pavé dans la mare en faisant pression pour que les transactions de pétrole et de gaz soient réglés en yuans plutôt qu’en dollars.
Lors du forum de Davos en janvier, le ministre saoudien des Finances, Mohammed Al-Jadaan, a déclaré que son pays était maintenant prêt à commercer dans d’autres monnaies que le dollar ou l’euro.
On sait que la Russie vend déjà son pétrole et son gaz en yuans à la Chine, ou en or à l’Inde.
Par la voix de son vice-président, Mahamudu Bawumia, le Ghana a annoncé le 24 novembre que le pays achèterait désormais son pétrole en or plutôt qu’en dollars.
Nous assistons au crépuscule du pétrodollar !
Le 14 février 2022, The Cradle publiait une interview (ici en français) de Sergey Glazyev, économiste russe, ministre en charge de l’intégration et de la macro-économie pour l’Union économique eurasiatique.
Glazyev a révélé que depuis plus de 10 ans, la Russie et l’UEE travaillent en collaboration avec la Chine sur un projet de réforme monétaire, qui devrait être rapidement voir le jour.
Ce système est extrêmement proche du Bancor de Keynes, avec un panier de devises stabilisé par un panier de 20 matières premières.
Le 27 décembre 2022, dans une interview pour Vedomosti.ru, Sergyev Glazyev s’est exprimé sur l’évolution de ce projet monétaire.
Après un rappel sur le rôle historique de l’or et l’argent en tant qu’étalons monétaires, Glazyev a déclaré que toutes les matières premières pourraient être valorisées en grammes d’or.
En s’appuyant sur les calculs de Zoltan Pozsar du Crédit Suisse, il affirme que la Russie envisage de valoriser 2 barils de pétrole à 1 gramme d’or, ce qui doublerait automatiquement le prix de l’or en dollars, pour l’amener à 3.600$.
Entre Bretton Woods et la fin du Gold Exchange Standard en 1971, période durant laquelle le prix de l’or était fixe à 35$ l’once, le prix du pétrole a évolué de façon presque linéaire.
Pour une once d’or, on obtenait entre 11.4 et 13 barils de pétrole (WTI).
Donc, un gramme d’or permettait d’obtenir 0.35 ou 0.40 baril de pétrole.
Le 28 décembre, la plus grosse banque russe, la SberBank, a annoncé avoir réussi sa première transaction impliquant un stablecoin lié à l’or.
L’opération a été réalisée sur la plateforme blockchain créée par Atomyze, l’un des nombreux émetteurs d’actifs financiers numériques (DFA) autorisés par la Banque de Russie.
Ce stablecoin est adossé à un stock d’or et pourra être utilisé comme monnaie d’échange.
Depuis, la Russie et l’Iran ont interconnecté leurs messageries interbancaires.
D’après Pepe Escobar, les deux pays travailleraient sur la création d’un stablecoin pour leurs échanges commerciaux, c’est à dire une monnaie digitale garantie-or comme celle que vient de lancer la SberBank.
Les discussions se multiplient en coulisse.
La dédollarisation et la remonétisation de l’or s’accélèrent.
En 2023, le groupe des BRICS va définir de nouveaux critères d’adhésion au bloc et statuera sur l’admission de nouveaux membres éligibles.
L’Arabie Saoudite est candidate pour rejoindre les BRICS, mais aussi les Émirats Arabes Unis, l’Algérie, l’Iran, le Nigéria, l’Egypte, la Turquie, l’Argentine, l’Indonésie et la Thaïlande.
Les principaux pays producteurs de pétrole veulent rejoindre l’Union des pays émergents.
Pour Zoltan Pozsar, les nations du G7, qui dominent le monde monétaire et financier depuis Bretton Woods, n’ont pu prospérer que grâce à l’énergie bon marché et la main d’œuvre à bas prix des pays émergents.
Aujourd’hui, le clan des 7 pays consommateurs se retrouve en confrontation avec le club des 5.
La monnaie purement fiduciaire, imposée par les États-Unis et ses partenaires du G7, peut être fabriquée en quelques clics et sans aucune création de richesse équivalente.
Les pays riches en matières premières aspirent désormais à obtenir une vraie contrepartie dans leurs échanges avec les pays consommateurs.
Tout cela laisse présager une forte hausse des prix des métaux précieux et de l’ensemble des matières premières.
En d’autres termes, l’inflation ne fait que commencer.
La Chine est le premier pays producteur d’or au monde avec 370 tonnes, ainsi que le troisième pays producteur d’argent avec 3.400 tonnes.
En Chine, le ratio de la production or/argent est donc proche de 1/9. En Russie, les mines produisent seulement 4,3 fois plus d’argent que d’or.
Tous les pays producteurs savent que le ratio actuel de 1/85, imposé par la coalition LBMA/COMEX, est totalement absurde.
Ces derniers vont certainement travailler au réajustement de ce ratio, c’est pourquoi il pourrait être intéressant d’acheter de l’argent physique avant cela.
2023 sera le théâtre de bouleversements sociaux, monétaires et financiers, d’une ampleur similaire à celle de la Révolution française de 1789.