Le Blog de Lazare

L’Ukraine, à l’exception de la Galicie, entièrement sous domination russe de 1772 à 1991

La domination russe à l’Est du Dniepr devient progressivement une véritable colonisation. Catherine II introduit le servage, conquiert le sud de l’Ukraine jusqu’au littoral de la mer Noire ainsi que la Crimée (1774-1783) en mettant fin au khanat tartaro-turc, fonde Odessa, ancienne forteresse turque, en 1792, nomme le Français Richelieu gouverneur de la région, ouvre les détroits aux navires russes, colonise et russifie, sous l’autorité de son protégé Grigory Potemkine, ces « terres peu peuplées de la nouvelle Russie » prises aux Turcs.
L’Ouest demeure une région agricole tandis que l’Est devient en 1885 la première région industrielle de tout l’empire russe. L’Oukase d’Ems (1876) du tsar Alexandre II interdit toute publication en ukrainien. Suite aux troubles de la guerre civile en Russie en 1917, l’Ukraine sera très brièvement indépendante jusqu’au traité de Riga en 1921 qui voit les provinces occidentales, anciennement autrichiennes, annexées par la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Pologne ; le reste de l’Ukraine, tout comme la Crimée, est entièrement intégré à l’URSS en 1922.
Suite à la collectivisation des terres imposée par Staline en 1930, tous les paysans aisés, nationalistes ukrainiens ou susceptibles d’être hostiles au bolchevisme, les « koulaks », sont massacrés sur place ou déportés en Sibérie. Les autres, afin de financer par les exportations de céréales ukrainiennes les importations de machines-outils pour industrialiser l’URSS, sont condamnés à mourir de faim, leur grain étant réquisitionné, tout comme dans d’autres campagnes hostiles de l’URSS. Les déplacements sont interdits, ce qui, de 1932 à 1933, entraîne la mort de 5 millions de personnes en URSS, dont 4 millions en Ukraine (« Holodomor »). Les villages déserts sont repeuplés par des Russes. En 20 ans, entre la Première Guerre mondiale, la guerre civile après 1917, les déportations et la famine, 10 millions d’Ukrainiens périrent jusqu’au pacte germano-soviétique de 1939. La Seconde Guerre mondiale et les années postérieures, jusqu’à l’éclatement de l’URSS en 1991, contribuèrent aussi à accroître la russification de l’Ukraine.

Russification accélérée de l’Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale et les années qui suivent

Lors de l’invasion allemande du 21 juin 1941, 2 millions de juifs furent exterminés. Un grand nombre d’Ukrainiens, suite à la famine d’Holodomor et aux déportations en masse par Staline, étaient prêts à s’allier avec l’Allemagne pour obtenir l’indépendance de l’Ukraine. Avant même l’armistice de 1945, Staline, pour les punir, déporta de nouveau 500 000 Ukrainiens vers la Sibérie et le Grand Nord. Les 250 000 Tatars de Crimée qui avaient refusé de combattre contre les Allemands sont réveillés en pleine nuit, entassés dans des wagons les 18 et 19 mai 1944, déportés vers la Sibérie et le nord du Kazakhstan ; la moitié périt pendant le trajet.
L’URSS de Staline récupère, en 1945, la Galicie orientale jusqu’alors polonaise, expulse 1 million de Polonais établis dans ces régions depuis des siècles, tandis que des Ukrainiens établis dans la Galicie occidentale polonaise (Cracovie) durent quitter la Pologne pour venir s’établir en Galicie orientale (Lviv) devenue ukrainienne. La double résistance armée indépendantiste de l’UPA ukrainienne contre l’Allemagne et l’URSS se perpétua, face à l’armée soviétique, jusqu’en 1955 dans les montagnes des Carpates.
L’ouest de l’Ukraine, mais plus particulièrement et surtout la Galicie (Lviv), est donc restée jusqu’à nos jours profondément antirusse, tandis qu’au contraire au Nord, à l’Est et au sud de l’Ukraine, la russification, le mélange des populations entre les populations russes et ukrainiennes s’effectuait dans une symbiose parfaite, l’Ukraine orientale devenant même une région stratégique de l’URSS, avec l’industrie du charbon du Donbass, l’industrie militaire de Dnipropetrovsk et le barrage hydro-électrique de Zaporijia.
En 1954, Nikita Krouchtchev, le président de l’URSS, décida de rattacher administrativement la Crimée russe à l’Ukraine pour fêter les 300 ans du pacte militaire déjà mentionné ci-dessus, signé par la Russie, en 1654 avec l’hetman cosaque zaporogue Bohdan Khmelnitski. Lorsque l’Ukraine actuelle, les États-Unis, l’OTAN, et tous les Occidentaux prétendent que l’Ukraine a des droits historiques sur la Crimée russe récupérée par Poutine en 2014, il y a donc vraiment de quoi se tordre de rire !

La révolution de la place du Maïdan à Kiev en 2014

En novembre 2013, l’Ukraine renonce à signer un accord d’association avec l’Union européenne et « relance un dialogue actif » avec Moscou. Ce revirement entraîne en février 2014 d’importantes manifestations pro-européennes par des centaines de milliers de personnes, l’occupation de la place du Maïdan à Kiev et la mort de 75 manifestants tués par balles le jeudi 20 février 2014. Cette révolution fut fomentée par la CIA , avec l’aide des services secrets polonais et des mouvements nationalistes ukrainiens. Elle a eu pour effet de destituer le président pro-russe, démocratiquement élu, Viktor Ianoukovitch, entre le 18 et 23 février 2014, qui se réfugie en Russie.
Mais en Crimée, tout comme dans le sud-est de l’Ukraine, notamment à Donetsk, Louhansk et Kharkov, les pro-Maïdan sont minoritaires. Des affrontements ont lieu avec les anti-Maïdan qui empêchent de déboulonner la statue de Lénine à Kharkov.
L’abrogation de la loi sur les langues régionales votée par la Rada qui retire au russe le statut de langue officielle dans 13 des 27 régions, essentiellement au sud et à l’est du pays, met le feu aux poudres. Des brigades d’autodéfense sont créées à Sébastopol ; le 18 mars 2014, à la suite d’un référendum, la République de Crimée est rattachée à la Fédération de Russie. Le 11 mai 2014, suite à un référendum d’autodétermination, les républiques populaires de Louhansk et Donetsk déclarent leur indépendance. Le 27 juin 2014, le nouveau président pro-occidental Petro Porochenko signe un accord de libre-échange avec l’Union européenne à Bruxelles.
L’Ukraine, nonobstant son origine russe avec la Rous de Kiev (882-1169), a donc été, de 1654 à 1991, après les invasions tartaro-mongoles du XIIIe siècle, d’une façon continue, partiellement ou entièrement pendant plus de trois siècles, sous souveraineté russe. Seul l’écroulement de l’URSS, en 1991, a abouti à la création de l’Ukraine, comme État indépendant. L’Ukraine, sauf la Galicie, n’en déplaise à la Pologne, à l’OTAN, aux États-Unis est l’Alsace-Lorraine de la Russie et doit redevenir russe pour les raisons humaines et historiques évoquées ci-dessus, ainsi que pour des raisons géostratégiques vitales quant à la survie et à l’avenir de la Russie. (À suivre)

Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » – Préface de Piotr Tolstoï – Éditions Librinova – 2024