6 août 1945 – 8 h 15 à Hiroshima : « Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? »
Bob Lewis – Co-pilote d’Enola Bay
« Les Nippons doivent être brûlés, bouillis ou cuits à mort »
Général Curtis Lemay, après les bombardements incendiaires de Tokyo du 10 mars 1945
« Les États-Unis, c’est la pire chose qui existe au monde »
Reality Winner, héroïne de « Reality », film documentaire de Tina Satter – 2023
« L’OTAN est comme l’Allemagne nazie et l’axe du mal »
Dmitri Medvedev – 26 septembre 2023
L’histoire des États-Unis commence par l’extermination des Indiens. Au moment de l’arrivée de Christophe Colomb le 12 octobre 1492, il y avait 5 000 000 d’Indiens qui n’étaient plus que 250 000 à la fin du XIXe siècle. S’il est indubitable que les maladies apportées par les Européens contribuèrent à la diminution des populations autochtones, le professeur américain Benjamin Madley a cependant pu qualifier de génocide la quasi-disparition des Indiens.
Les États-Unis se sont donc construits, dès le départ, dans la cruauté, en éliminant les Indiens qui avaient souvent accueilli les premiers colons anglais d’une façon amicale (Thanksgiving Day). Issus d’une révolte et d’une guerre contre l’Angleterre avec l’aide de la France, ils continuèrent leur expansion vers l’ouest en faisant couler le sang des Indiens pour les éliminer (Cheyennes – Colorado – en 1864). Les Indiens furent massacrés par les Anglo-Saxons en Amérique tout comme les aborigènes en Australie et en Nouvelle-Zélande. Les Français, a contrario, établirent de bonnes relations avec les Indiens en Amérique du Nord et n’exterminèrent pas les Kanaks en Nouvelle-Calédonie.
Bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki : crimes de guerre contre l’Humanité
Les bombardements atomiques par les États-Unis de Hiroshima et Nagasaki demeurent la seule utilisation de l’arme nucléaire durant un conflit. Le 6 août 1945, à 8 h 16, l’explosion de la bombe « Little boy » libéra une énergie de 15 000 tonnes de TNT, tua instantanément des dizaines de milliers de personnes et détruisit tout sur environ 12 km. Le second bombardement eut lieu à Nagasaki le 9 août 1945 à 10 h 58 et l’explosion d’une puissance de 20 kilotonnes détruisit immédiatement 8 km2 de bâtiments. Les victimes furent d’environ 200 000 morts et 150 000 blessés à Hiroshima, 120 000 morts et 80 000 blessés à Nagasaki. Dans l’éditorial de « Combat » du 8 août 1945, Albert Camus écrit : « la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie ».
Le New York Times du 9 août 1945 cite une émission de Radio Tokyo qui proteste vigoureusement contre les bombardements : « Comment les responsables militaires américains vont-ils échapper à leur avilissement, non seulement aux yeux des autres nations, mais aussi à ceux du peuple américain ? Que pense le peuple américain, épris de justice, de ses dirigeants qui commettent un crime contre l’Homme et contre Dieu ? ».
Le Japon avait déjà proposé sa reddition à partir d’avril 1945, dans des termes très proches de ceux finalement retenus, la seule condition étant que l’Amérique ne touche pas à l’Empereur, ce qui fut refusé par les États-Unis, alors que par la suite, ils s’appuyèrent sur lui pour gérer l’après-guerre. Les deux véritables raisons qui expliquent ce crime contre l’humanité : marquer de façon spectaculaire le début de la période de domination américaine et faire peur à Staline ainsi qu’à l’Armée rouge qui menaçait de déferler sur le reste de l’Europe.
Nagasaki n’aurait jamais dû être une cible. La ville n’avait aucun intérêt militaire et elle abritait un camp de prisonniers de guerre américains et coréens, ce que les Américains savaient. De plus, Nagasaki avait fait l’objet d’un bombardement conventionnel, le 1er août, ce qui était contre-productif pour l’étude des effets de l’arme atomique.
Selon les termes de l’article 6b des statuts du tribunal militaire international, adoptés par les Alliés eux-mêmes lors des accords de Londres du 8 août 1945, le surlendemain de l’explosion de Hiroshima et la veille de celle de Nagasaki, ces bombardements atomiques constituent des crimes de guerre, comme l’ont souligné entre autres la philosophe Hanna Arendt et le procureur lors des procès de Nuremberg, Telford Taylor. Léo Slizard, largement impliqué dans le développement de la bombe, dira après la guerre : « Si les Allemands avaient largué des bombes atomiques à notre place, nous aurions qualifié de crimes de guerre les bombardements atomiques sur des villes ; nous aurions condamné à mort les coupables allemands lors du procès de Nuremberg et les aurions pendus ».
Selon une étude « United States Strategic Bombing survey », organisée par l’armée américaine après la capitulation, auprès de centaines de dirigeants militaires et civils japonais, il ressort que le Japon aurait de toute façon capitulé, même si les bombes n’avaient pas été larguées. C’était aussi l’avis du général Dwight D. Eisenhower qui en informa le secrétaire de la guerre Stimson : « Je fus empli de tristesse et fis part de mon profond désaccord (…) parce que je pensais que notre pays ne devait pas choquer l’opinion mondiale par l’utilisation d’une bombe que je ne pensais pas nécessaire pour sauver la vie des Américains ».
L’officier le plus haut gradé des opérations dans le Pacifique était le général Douglas Mac Arthur. Il ne fut pas consulté et dira après-coup qu’il n’y avait pas de justification militaire pour cette attaque atomique. La même opinion sera donnée par l’amiral William Leahy, le général Carl Spaatz (commandant de l’USSAF dans le Pacifique), et le général de brigade Carter Clarke (officier des renseignements). Le major général Curtis Lemay, l’amiral Ernest King (chef des opérations navales), l’amiral Chester Nimitz (commandant en chef de la marine dans le Pacifique), émettront aussi des doutes sur l’intérêt militaire de ces deux bombardements atomiques.
Les criminels bombardements de l’Amérique en 1944-1945 : Berlin, Hambourg, Dresde
Comme preuves de vagues d’anti-américanisme latent en Allemagne, porteuses d’espoir pour une Europe libre et européenne, des livres sur les bombardements américains et britanniques pendant la Deuxième Guerre mondiale se sont arrachés en librairie. Enfouis dans l’inconscient collectif allemand, ces mauvais souvenirs n’attendent souvent qu’un signe pour refaire surface. L’ouvrage de Jörg Friedrich « L’incendie de l’Allemagne dans la guerre des bombes 1940-1945 » l’a donné. Né en 1939, Friedrich a surtout vécu les bombardements de Munich en 1945, sa ville, moins touchée que d’autres centres urbains. Le 1,35 million de tonnes de bombes anglo-américaines lâchées sur l’Allemagne (0,58 million de tonnes sur la France avec 70 000 morts) ont fait plus de 600 000 victimes, la moitié dans les derniers neuf mois de guerre. Les Allemands avaient bombardé Varsovie, Rotterdam et Belgrade, ils avaient détruit Coventry (50 000 morts). Friedrich estime qu’on ne peut effacer des crimes de guerre par d’autres crimes, surtout pas en tuant dans d’atroces souffrances près de 80 000 enfants et adolescents de moins de 14 ans. Le livre de Friedrich se lit comme un roman avec des descriptions vraies de l’horreur de ces attaques sur l’Allemagne profonde.
Le 14 février 1942, le ministère britannique de l’Armée de l’air donnait l’ordre au « Bomber Command » de « briser par des tapis de bombes le moral de la population civile allemande, en particulier des ouvriers de l’industrie ». Or de nombreux prisonniers et travailleurs étrangers remplaçaient, dans les ateliers, les Allemands mobilisés, et les villes étaient peuplées surtout de femmes, d’enfants et de vieillards, à moins qu’on n’ait voulu précisément tuer les familles des soldats pour les démoraliser.
Au cours de l’été 1942, Staline se plaignit à l’Amérique et à l’Angleterre qu’elles n’aidaient pas assez la Russie qui perdait 10 000 hommes par jour au front, soit plus que les Alliés tués pendant toute la durée du débarquement du 6 juin en Normandie. Churchill promit de « détruire chaque logement ou presque dans chaque ville allemande ». La sténo a noté : « Mr Stalin smiled and said that would not be bad » (M. Staline a souri et a rétorqué que cela ne serait pas mal).
Le résultat fut l’éradication des métropoles et d’innombrables bourgades, avec des paroxysmes comme la petite ville d’horlogers de Pforzheim où une attaque en février 1945 tua 20 000 des 60 000 habitants. On avait testé les bombes incendiaires sur Lübeck en mars 1942. L’opération « Gomorrhe » sur Hambourg en août 1943 se solda par 45 000 tués, asphyxiés ou brûlés vifs dans un incendie de 20 km2 (44 % des immeubles détruits). Cologne, Brême, Wurzbourg, Fribourg et bien d’autres cités furent rasées. En août 1944, ce fut l’opération « Tonnerre » contre Berlin : 2000 bombardiers tuèrent ou blessèrent 220 000 habitants. En février 1945, ce fut le tour de la magnifique ville de Dresde qui était remplie de réfugiés en provenance de l’Est, sans aucun intérêt stratégique, avec des bombes incendiaires au phosphore, pour transformer les êtres humains en torches vivantes et les égouts en feu ! Dans les nuits du 13 au 15 février 1945, les bombes lâchées par 1300 bombardiers alliés sur Dresde font environ 100 000 morts et détruisent 80 % de la ville.
Les Anglo-Saxons, en particulier le chef britannique du « Bomber Command » Arthur Harris que les Allemands considèrent comme un criminel de guerre, prétendaient dresser la population contre Hitler par ce « moral bombing », mais la Gestapo et la guillotine travaillaient sans relâche en Allemagne. Les bombardements de terreur sur la population civile allemande furent un échec, mais constituaient des crimes de guerre car ils visaient expressément des populations civiles pour faire capituler des militaires. Au lendemain du jugement de Nuremberg, le général américain Curtis Lemay, responsable de l’opération « Point blank », l’un des stratèges des bombardements qui rasèrent les villes allemandes, a pu dire : « Si Hitler avait gagné, c’est moi qui aurais été jugé pour crimes de guerre. » (à suivre)
Marc Rousset– Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/ Pour une Alliance avec la Russie » – Préface de Piotr Tolstoï – 370 p. – Librinova – 2024