La présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Odile Renaud-Basso, a déclaré récemment que l’aide occidentale en Ukraine avait dépassé le Plan Marshall ! Le plan Marshall avait pour but d’aider les Européens à reconstruire, après la dévastation de la Seconde Guerre mondiale, sur fonds américains.
250 milliards pour une défaite annoncée
Lors d’un entretien au média américain Politico, Odile Renaud-Basso dit de l’aide financière accordée par l’UE à l’Ukraine qu’elle est « énorme ». Elle précise qu’en pourcentage du PIB (Produit Intérieur Brut), l’Europe accorde à l’Ukraine bien plus que les USA ne le firent vers les 16 pays européens après 1945. On estime le plan Marshall a environ 13 milliards sur la période de 1947 à 1951. C’est environ 1 % du PIB des USA de l’époque. La BERD calcule qu’en actualisant les montants, cela équivaut à 145 milliards en 2017. Or, le soutien à l’Ukraine excède aujourd’hui les 250 milliards, englobant l’effort de guerre, le financement de l’État ukrainien et l’aide humanitaire.
L’aide est « énorme » en effet, car en deux ans, un seul pays consomme plus que 16 pays soutenus par le plan Marshall sur 4 à 5 ans ? Mais elle est aussi « énorme » pour l’économie ukrainienne car cela représente plus d’un an du PIB ukrainien, estimé à environ 200 milliards. Ce délire est un gouffre, c’est un fait, mais c’est aussi la ruine des économies européennes. La présidente de la BERD a la sagesse de signaler que ces milliards manquent à l’investissement public en Occident, USA et Europe comprises. Les répercussions sont et vont être bien réelles sur nos économies. Les priorités nationales comme les projets de soutien au développement ou à l’investissement des pays les plus défavorisés en Europe (Roumanie, Bulgarie par exemple) vont pâtir de ces arbitrages pour la guerre et le financement d’un État qui est, au passage, en dehors du périmètre de l’UE des 27 pays membres. Pour avoir juste un ordre de grandeur, un hôpital départemental coûte 200 millions par an. Les 250 milliards sacrifiés en Ukraine, ce sont 1000 hôpitaux fonctionnant pendant un an ou 100 pendant 10 ans, soit 100 CHD (hôpitaux départementaux). Pathétique.
Des motivations inavouables
Certains ont malgré tout l’audace de dire que l’Europe doit financer encore plus cette guerre car elle est riche. Il faut l’annoncer aux peuples de l’Est dont le niveau de vie est tout de même sous les 400 €/mois avec des conditions de vie proche des années 60. Mais pourquoi faire la guerre ? Comment expliquer une telle obsession, un tel aveuglement, un tel sacrifice de nos économies ? Comment comprendre cette Europe de la paix basculant dans un soutien à la guerre fermant la porte à toute diplomatie, et nous préparant à une économie de guerre ? Faut-il y voir le projet d’une guerre occidentale ? Faut-il y voir le ressentiment d’une Allemagne cherchant la vengeance de l’humiliation de la Seconde Guerre mondiale ? Faut-il y voir le projet d’une liquidation de l’Europe dans une guerre destructrice affaiblissant deux rivaux des USA qui ne seront pas là ? Faut-il y voir la bêtise des élites occidentales pensant se refaire sur le dos d’une bonne guerre quand l’Inde, la Chine et le reste du monde contempleront les décombres de l’Occident ?
Derrière les propos lénifiants que cherche-t-on vraiment ? La liquidation de la Russie correspond-elle à des enjeux géopolitiques tels que nous devons accepter le risque d’un règlement nucléaire qui annihilerait définitivement les nations occidentales ? À l’évidence, l’Ukraine vaut 250 milliards d’assistance, voire plus. Qu’y a-t-il à gagner ou à défendre qui vaille un tel prix ? C’est un mystère, mais il va falloir s’atteler à le comprendre précisément pour le contrecarrer. Car seule l’hypothèse du démantèlement de la Russie et la captation de ces immenses richesses minières peut justifier le risque d’un tel sacrifice, soit l’atteinte aux intérêt vitaux des Russes.
La mort des peuples et des démocraties
Quant à la démocratie, elle est aussi sacrifiée. Plus personne ne parle du report des élections présidentielles en Ukraine. Zelensky est le président en guerre à vie. Et la tentation va devenir grande pour des élites contestées en France et en Allemagne de suivre l’exemple ukrainien. Tout commence à y ressembler : poursuite des médias, censures de plus en plus manifeste, effort de guerre et justification des privations économiques, suspension des processus électoraux menaçant les oligarchies en place. Tout se met en place pour qui veut bien regarder.
Pierre-Antoine Pontoizeau