Le Blog de Lazare

Retour sur « l’étrange faillite » du renseignement israélien :

https://ripostelaique.com/letrange-faillite-du-renseignement-israelien.html

Les médias de l’Etat hébreu ont révélé que les services égyptiens avaient informé le Mossad que le Hamas préparait « quelque chose d’énorme » depuis la bande de Gaza.

« Les Egyptiens ont informé les services israéliens que quelque chose se passait à Gaza » a rapporté dès le 10 octobre le média Channel 13, proche du pouvoir.

Le renseignement égyptien affirme que Tel Aviv a délibérément ignoré ses avertissements répétés. Selon Times of Israel , des sources internes aux services égyptiens précisent avoir été « choquées par l’indifférence de Benjamin Netanyahou ». Une explication avancée par le quotidien : le Premier ministre, très préoccupé par la situation en Cisjordanie, n’a pas cru devoir donner suite aux avertissements égyptiens concernant Gaza.

Benjamin Netanyahou a dans un premier temps démenti les affirmations de Times of Israel.

« Les médias israéliens confirment maintenant que le gouvernement a bien reçu des avertissements clairs des services de renseignement égyptiens concernant l’attaque imminente qui a eu lieu le 7 octobre. Le bureau du Premier ministre a d’abord émis un démenti catégorique après le premier rapport, mais a ensuite fait volte-face et l’a admis. » commente pour sa part la journaliste israélienne Lisa Goldman sur son compte X :

https://twitter.com/lisang/status/1711824708746838214

Ce ne serait pas la première fois qu’un grain de sable bloque les rouages entre services secrets et pouvoir politique israéliens. On évoquera le précédent de 1973 : le 6 octobre, en plein Yom Kippour, une coalition de pays arabes attaquent Israël. La surprise est totale pour l’Etat hébreu : l’incapacité des services secrets israéliens à anticiper l’attaque imminente suscite un séisme politique majeur, et notamment la démission de la Première ministre Golda Meir. Un document déclassifié en 2012 après la Commission Agranat montre que la veille de l’attaque, un agent israélien avait prévenu le directeur du Mossad de l’imminence de l’événement, mais que l’information n’était pas immédiatement remontée au vice-Premier ministre de l’époque, Yigal Allon.

Au sujet de l’opération “Déluge d’al-Aqsa”, Efrat Fenigson, ex-membre du renseignement militaire israélien, ne veut pas croire au “grain de sable” et estime pour sa part que cette guerre « ressemble au travail de l’Etat profond ». « Il y a quelque chose qui cloche. Comment cela a-t-il pu arriver ? Israël a l’une des armées les plus avancées et les plus hi-tech du monde, des barrières avec des capteurs. Un chat qui se déplace le long de la clôture déclenche une alerte de toutes les forces armées, et là, personne n’a pu être au courant de ce qui se passait ? ». Certains ont rétorqué que les miliciens du Hamas ont commencé par détruire les capteurs et les caméras. Certes, mais le fait que la clôture ait subitement été rendue “aveugle” n’était-il pas une raison suffisante pour l’Armée israélienne de se mettre en état d’alerte et de déplacer immédiatement des unités sur la frontière avec la bande de Gaza ?…

De son côté, le ministre de la Défense d’Israël, Yoav Gallant, a, ce jeudi 12 octobre, évoqué le fait qu’il disposait bien de renseignements faisant état d’une attaque imminente du Hamas, mais que ces informations « n’étaient pas suffisamment concrètes ». Une affirmation sidérante… Que manquait-il à M. Gallant pour réagir ? Le nombre exact de combattants du Hamas ? Un point précis sur leur armement ? La liste des points de la frontière qu’ils allaient défoncer pour entrer en territoire israélien ?… Lors d’un meeting devant ses partisans, mercredi soir, Donald Trump a qualifié Gallant de “crétin” et Netanyahu de “décevant”…

Autre question : le temps de réponse de Tsahal, effroyablement long. Les terroristes du Hamas ont pu pénétrer jusqu’à plus d’une dizaine de km à l’intérieur du territoire hébreu et se livrer sur les habitants de plusieurs kibboutzim aux exactions que l’on sait sans rencontrer le moindre soldat de Tsahal. Certains ont argué du fait qu’on était un jour de Shabbat. Or lors de la guerre de 1973, déclenchée répétons-le le jour du Yom Kippour, la riposte de Tsahal avait été autrement plus rapide. Ce 7 octobre 2023, il a fallu près de cinq heures après le début de l’opération « Déluge d’al-Aqsa » pour que l’Armée israélienne réagisse enfin en bombardant la bande de Gaza et que des milliers de réservistes soient mobilisés. Des combats au sol s’engagent alors entre Tsahal et les combattants du Hamas, pour la reprise de certains points du territoire israélien. Il était temps…

En vert clair, les territoires conquis par le Hamas dans les premières heures de l’opération “Déluge d’al-Aqsa”

Par ailleurs, Moscou s’est interrogé sur « l’étrange faillite » du renseignement américain au Proche-Orient :

« Disposant d’un potentiel important en matière de renseignement au Proche-Orient (en tout premier lieu satellitaire), les États-Unis ne pouvaient pas ignorer les préparatifs du Hamas sur l’attaque d’Israël », a déclaré ce 12 octobre la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova.

« Nous avons tous vu comment cette opération a été menée : elle a été perpétrée non pas de manière ciblée, mais d’une si grande ampleur et avec l’utilisation de telles capacités, dont les préparatifs ne pouvaient pas ne pas être visibles depuis les satellites », a précisé Maria Zakharova.

« Les États-Unis surveillent tout le cyberespace de la région », a-t-elle poursuivi, mais depuis un an « Washington n’a transmis aucune information à son allié le plus proche » s’est étonnée la porte-parole…

Selon Mme Zakharova : « Washington a l’intention de semer le chaos dans la région ».

Ce ne serait certainement pas le premier coup tordu de l’Oncle Sam, pour lequel la guerre est l’outil existentiel par excellence. Depuis leur indépendance en 1776, les Etats-Unis n’ont connu que 16 années de paix. Ils ont lancé des centaines d’opérations militaires de par le monde, commettant de nombreux crimes de guerre. 

Les Etats-Unis ont immédiatement dépêché sur les côtes israéliennes pas moins de cinq destroyers et leur plus gros porte-avions, l’USS Gerald Ford. On peut se demander quelle utilisation ils comptent faire d’un armement d’une telle ampleur. La puissance de feu conventionnelle de l’USS Gerald Ford et de sa flotte d’accompagnement peut rayer plusieurs fois de la carte la minuscule bande de Gaza. Sans compter son armement nucléaire…

S’agissait-il, pour Israël et ses alliés de toujours, de délivrer l’Etat hébreu une fois pour  toutes du boulet de Gaza ? “Pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture, pas de gaz”, a déclaré le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, lundi 9 octobre, en annonçant un siège “complet” de la bande Gaza. C’est une condamnation à mort à petit feu pour les 2,3 millions de civils de ce réduit côtier.

Le meurtre sauvage de plusieurs milliers de villageois – des abominations qui ont à juste titre provoqué l’indignation du monde civilisé – était-il une condition nécessaire à la mise en place de cette politique ? On ne rouvrira pas ici l’épais dossier des attentats du 11 septembre 2001 qui ont permis aux Etats-Unis de déclencher des guerres suspectes et de mettre en place le fameux Patriot Act qui est une bonne préfiguration du contrôle social chinois… On se méfiera par ailleurs de certaines “informations” qui sont du même tonneau que les fameuses couveuses de Koweit-City lors de la guerre Irak-Koweit. Les exactions commises par le Hamas sont assez monstrueuses comme ça sans qu’il soit besoin d’en rajouter dans l’innommable.

Une fois réglé définitivement le problème du Hamas, reste pour Israël celui du Hezbollah, autrement plus épineux. Cette milice chiite est en effet directement armée et financée par les Gardiens de la Révolution Iranienne. Régler son compte au Hezbollah veut dire s’attaquer à la source, autrement dit à la République islamique d’Iran. Est-ce le sens de la présence de ce mastodonte qu’est l’USS Gerald Ford et ses 80 avions, tous porteurs d’ogives nucléaires, à quelques centaines de kms du golfe persique ? Une option inenvisageable : l’Iran est maintenant membre des BRICS (il y fera son entrée officiel début 2024). Difficile pour la Russie, alliée de l’Iran, de ne pas s’afficher à ses côtés face à une éventuelle “agression” des Etats-Unis…

L’Iran a nié toute implication dans l’organisation de l’opération menée par le Hamas. Pour beaucoup d’observateurs, le Hamas n’aurait jamais pu planifier et exécuter son coup de force sans le concours d’un Etat. L’Iran est naturellement pointé du doigt. Mais, d’une part, l’efficacité de l’opération menée par le Hamas tient beaucoup plus à l’effet de surprise qu’aux moyens utilisés, d’autre part on peut alors se demander pourquoi la République des Mollahs n’a pas simultanément coordonner une attaque d’Israël au nord par le redoutable Hezbollah. Attaqué au nord et au sud, Israël aurait été pris dans un mortel étau. Tel n’a pas été le cas : le Hezbollah est resté l’arme au pied alors que le Hamas réalisait une profonde incursion en territoire israélien.  Il n’est donc pas évident que l’Iran ait quelque chose à voir dans cette affaire.

Notons que parmi les BRICS, seule l’Inde soutient formellement Israël. La Russie et la Chine n’ont pas pris position. L’Afrique du Sud s’aligne clairement aux côtés du Hamas. Au Brésil, Lula rappelle qu’il a toujours soutenu “la cause palestinienne”. Du côté des nouveaux entrants, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte ont exprimé des “inquiétudes” sans s’engager aux côtés de l’un ou l’autre des belligérants. Mais il est évident qu’au Caire, le pouvoir craint la réaction de la rue, naturellement solidaire du Hamas. Sans surprise, l’Ethiopie, le Venezuela et l’Iran soutiennent le Hamas. Le président vénézuélien Maduro vient même d’accuser Israël de “génocide”.

Henri Dubost