Oui, l’Ukraine n’existe déjà plus. La décision de Zelensky de “virer” tous les chefs régionaux du recrutement militaire est très révélatrice. Elle en dit long sur le degré de corruption de la société ukrainienne où les familles paient pour ne pas envoyer leurs enfants à la mort. Mais qui peut les blâmer ? Elle en dit long sur la situation militaire elle-même : pathétique, désespérante, suicidaire. Mais cet acharnement à poursuivre la guerre en dit long sur la corruption politique, puisqu’elle autorise, semble-t-il, de suspendre les processus démocratiques des élections régionales et présidentielles. Elle en dit long aussi sur la faillite économique du pays qui n’existe plus que par l’aide occidentale, tant pour les armées que pour financer l’État ukrainien : failli. Elle en dit long pour finir sur la morale ukrainienne; car aucun pays ne poursuivrait une telle guerre jusqu’à l’absurde, sans comprendre que la défaite et la paix ne sont pas qu’un déshonneur, mais un fait avec lequel il faut composer.
Le redressement économique au prix des territoires ukrainiens
La contre-offensive avait pour objectif la reconquête de l’Ukraine perdue. Force est de constater que nous arrivons à l’automne et que rien n’a sensiblement bougé sur le front. Pourtant, des milliards d’aide militaire ont été consommés, des dizaines de milliers de soldats sacrifiés. La ligne de front tient toujours côté ukrainien, mais la nouvelle frontière est bien là, avec des régions qui vont passer, comme Marioupol, un deuxième hiver sous l’étendard Russe. Mais pourquoi l’Ukraine n’existe déjà plus ? Pour des raisons économiques d’abord. Sans le soutien massif et permanent de l’Occident, ce pays est en faillite. La population est donc condamnée à une extrême misère dans les années à venir, le pays ravagé. Qui va sacrifier des centaines de milliards pour reconstruire un pays sans aucune contrepartie ? De fait, l’Ukraine deviendra une province de ces bailleurs de fonds. Et, il y a fort à parier que les Polonais, les Hongrois, voire les Roumains n’accepteront de sacrifier leur part d’aide européenne qu’au prix d’une conquête territoriale. Les bénéfices de la reconstruction seront alors pour ces nouvelles provinces hongroises et polonaises. L’Ukraine n’existera plus pour cette raison du prix à payer pour le financement de sa reconstruction.
Le repeuplement de l’Ukraine dépeuplée
La réalité démographique est terrible. Les millions de réfugiés et les centaines de milliers de morts dépeuplent massivement ce pays. Il y a fort à parier que nous serons aux alentours de 30 millions d’habitants en 2024 (30 à 35) en ayant perdu 20 millions d’habitants depuis trente ans. Malnutrition, absence de soins, guerres et émigration massive constituent un cocktail explosif du dépeuplement de l’Ukraine. Or, ce vaste pays peut-il se redresser sans un apport de population ? Il faudra de la main-d’œuvre, des ouvriers, des agriculteurs, des artisans, des techniciens, etc. L’Ukraine va devenir immanquablement une terre de repeuplement, par le retour des émigrés-réfugiés, certes, mais par les perspectives d’enrichissement à l’Est. Il faudra bien des “plombiers polonais” pour reconstruire l’Ukraine. Là encore, ces repeuplements accentueront la situation initiale d’un pays multilinguistique et multiethnique, détruisant encore plus le rêve de l’Ukraine nationaliste, ethniquement pure et linguistiquement homogène : le fantasme des ukro-nazis et du projet porté par Zelensky dans son effort de guerre absurde.
La faillite politique et le risque d’implosion nationale
La dictature militaire que nous soutenons aujourd’hui contredit ouvertement les fondements des sociétés démocratiques où les élections sont le cœur vivant des institutions. La suspension probable des élections présidentielles et régionales de l’automne accrédite le basculement de la société ukrainienne dans un régime de guerre militaire et autocratique où jamais le peuple ukrainien n’a consenti à la guerre. Le mandat présidentiel, rappelons-le, était de faire la paix ! Que penseront les Ukrainiens de cette situation quand le processus de paix s’amorcera ? Les menteurs peuvent poursuivre leur déni avec l’appui de l’Occident, mais les réalités émergeront tôt ou tard. Comment les populations réagiront à l’annonce du sacrifice de 300 à 500.000 jeunes (hypothèse à la sortie de guerre) et à des centaines de milliers d’invalides de guerre traumatisés et traumatisants pour leur contemporain ? Comment verront-ils cette folie quand il faudra négocier la paix, acter la perte inévitable des territoires de l’Est, les plus riches à tous égard ? Cette faillite politique est-elle aussi actée ? Le temps des règlements de compte est probable, et la France sait ce que peuvent être les épurations en sortie de guerre, même en vainqueur. L’Ukraine va se fracasser sur ses ressentiments et devenir polonaise ou hongroise, intégrer pour de bon des pays de l’Union européenne ne sera peut-être pas une mauvaise idée à l’Ouest du pays, pour se protéger des Russes et des résidus de ces nationalistes fous.
Voilà trois bonnes raisons à la disparition probable de l’Ukraine actuelle. Oui, je crois que nous pouvons dire que l’Ukraine n’existe déjà plus. Les puissants doivent déjà penser à organiser tout cela et à nous le présenter comme un triomphe. La communication de masse fera l’après-vente d’un désastre stratégique des élites occidentales.
Pierre-Antoine Pontoizeau