« Le courage politique oblige à dire que c’est contre les États-Unis qu’il faut faire l’Europe, ou alors, il n’y aura plus d’Europe. »
Gilbert Pérol, ambassadeur de France
« Sans la Russie, l’Europe est un continent mutilé »
Jacques Chirac, ancien Président de la République
« L’Europe ne va pas de Washington à Bruxelles, mais de Brest à Vladivostok »
Marc Rousset-La Nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou
Aujourd’hui, c’est l’Europe, c’est toute l’Europe qui est dans la position d’Hamlet et qui s’interroge avec lui : « Être ou ne pas être », rester européen avec la Russie ou devenir américain avec les États-Unis, voilà la question !
La capitale de l’Europe n’est pas Washington, et l’histoire des nations européennes n’est pas celle d’une province perdue aux confins du limes de l’empire américain. Selon Hervé Juvin, dans le Mur de l’Ouest : « Une nouvelle libération requiert toutes nos forces. Ce n’est pas le Mur de Berlin qui doit tomber, c’est le mur de l’Atlantique, ce mur mental qui nous asservit aux modes, aux systèmes, et aux ordres venus d’Amérique ». L’objectif stratégique des États-Unis est de séparer le prometteur voisin russe de l’Europe qu’il est ainsi beaucoup plus aisé de tenir sous son contrôle, selon la formule impériale bien connue : « Divide ut regnes ». Et pourtant, conformément à la prédiction du général de Gaulle, la Russie a bu le communisme comme le buvard boit l’encre ; de plus, avec ce grand pays, nous n’avons en réalité aucun contentieux majeur, la guerre en Ukraine étant la guerre de l’Amérique et non celle de l’Europe de l’Ouest qui n’a rien à faire et aucun intérêt particulier dans ce pays. L’Europe a, bien au contraire, des affinités culturelles, économiques, géopolitiques, stratégiques fondamentales avec la Russie.
Beaucoup de gens en Europe sont installés confortablement dans une culture suiviste pro-américaine : pourquoi s’émanciper alors qu’il est si rassurant de rester des enfants dans une grande Suisse ? Ils s’inquiètent des efforts faits par la France pour mettre en place une force militaire européenne indépendante. Ils ne veulent pas que l’Europe se renforce. Cinquante années d’accroissement ininterrompu du bien-être, tout en s’endettant d’une façon éhontée, sous le parapluie nucléaire américain depuis 1945, ont non seulement sapé la conscience existentielle des Européens, mais aussi endormi leur vigilance et détruit leur volonté de se défendre. Les Européens se sont comportés en fait comme des sybarites retraités de la grande histoire. Idiots utiles de l’Amérique et de la mondialisation, ils ont cru à l’Europe – puissance fédéraliste de l’UE et de Maastricht qui leur apporterait la paix et la prospérité sans trop se fatiguer. Les Européens connaissent en fait aujourd’hui la décadence, le manque de protection et d’autorité en matière de justice, d’immigration, d’économie et d’éducation, les frontières-passoires et l’impuissance. L’UE fédéraliste, libre-échangiste, et droit-de- l’hommiste affaiblit les Européens au lieu de les protéger. William Shakespeare dans le Roi Lear a bien décrit la situation géopolitique actuelle des Européens et les catastrophes qu’ils vont connaître : « Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles ! »
L’Europe ne doit pas seulement affronter la concurrence des États-Unis, de la Chine, de l’Inde, des nations émergentes, mais également de nombreux problèmes identitaires et géopolitiques. Face au danger migratoire et démographique, il importe que tous les Européens, Russes inclus, serrent les rangs, tranchent le nœud gordien et n’hésitent pas, comme le conseille Hubert Védrine, à recourir à la force. Entrée dans le siècle avec 800 millions d’habitants, l’Afrique en comptera 2,7 milliards en 2050 et 4,5 milliards en 2100 ! Le rétablissement urgent de frontières gardées militairement et le taux de natalité à relever représentent un enjeu identitaire et démographique vital, fondamental pour la France et l’Europe ! Selon Patrick Buisson : « un peuple qui sous-traite la fabrication d’enfants aux immigrés est un peuple qui consent à sortir de l’histoire ».
Pour Julien Freund, notre situation est celle de l’Empire romain submergé par les barbares. Notre décadence est celle d’une société qui ne croit plus en son propre avenir et sacrifie ses valeurs au profit du confort matériel immédiat, d’horizons messianistes et de la fascination pour l’Autre. Les Européens trouvent même du charme à cette décadence car elle leur permet de bien vivre, de consommer le capital économique, technologique et démographique transmis par les générations précédentes, tout en s’endettant, ce qui est le comble de l’égoïsme, au détriment des générations futures ! Les sociétés européennes ne pourront se redresser, se ressaisir et se sauver que si elles prennent conscience de leur marche actuelle inexorable vers le précipice et de la possibilité de leur disparition.
Une société multiethnique conduit tout droit inexorablement, au mieux à des troubles et des affrontements, au pire au chaos et à la guerre civile, car il lui manque la « philia », la fraternité sincère, réelle et profonde entre les citoyens, ce qui est le cas avec les « Français de papiers » seulement. L’immigration extra-européenne engendre l’insécurité, la violence et tue, désormais partout, chaque jour un peu plus. Sans la bombe atomique et le château de Versailles, la France ne serait-elle pas déjà un pays du Tiers-Monde ? « La France colonisée par ses colonies ! », selon le bon mot de Poutine. Les Japonais ont parfaitement compris cette réalité sociologique que les bien-pensants et les belles âmes, au nom de leur idéologie, ne veulent pas reconnaître. Selon Hubert Védrine, « il y a eu une naïveté multiculturaliste, universaliste et migratoire en Europe. On en sort dans la douleur ». Quant au concept « d’islamophobie », il a été inventé par les islamistes pour paralyser la résistance à leur progression.
Les Paneuropéens doivent donc s’opposer de Brest à Vladivostok à l’immigration de masse extra-européenne, qu’elle soit asiatique en Sibérie, africaine et subsaharienne en Europe de l’Ouest. Le rayonnement paneuropéen suppose la paix civile et une population non minée par des troubles interethniques ; cette population doit de plus assurer elle-même son renouvellement et sa vitalité démographique ; depuis Aristote, la nature a horreur du vide.
Malheureusement, l’Euro-Ricain individualiste et matérialiste ne se préoccupe pas des problèmes de défense, de son identité, de ses racines, des leçons de l’histoire des peuples, des réalités gênantes qu’il nie d’une façon éhontée, d’immigration extra-européenne et de démographie : son seul souci est sa réussite matérielle avec un esprit de consommation insatiable ; sa seule Mecque est la conception particulière de la modernité aux États-Unis avec un individualisme extrême et la pulsion d’acquérir ; la quête frénétique du bonheur personnel a pris la place des idéaux collectifs.
De plus, comme le remarque Philippe de Villiers, les trois autorités constitutives des sociétés européennes (le père, le maître et l’État régalien) se sont effondrées, d’où l’explosion en Europe, et plus particulièrement en France, de la violence et de l’insécurité.
Notre société d’immédiateté perd peu à peu le sens de l’effort, du dépassement de soi, du courage, de la virilité, de la durée, du Bien commun et de la survie ; les sentiments de noblesse et d’honneur ont complètement disparu ; notre société tend à confondre son avenir et le souci du futur avec la facilité du présent, s’endettant d’une façon exponentielle, comme la France pendant ces quarante dernières années.
Seul un renouveau démographique et sociétal des différentes nations, le retour aux valeurs traditionnelles de l’Europe, une prise de conscience d’un horizon nouveau pan-européen, de nouveaux grands projets d’avenir nationaux, européens et pan-européens avec la Russie pourront sortir les Européens de leur étroitesse individualiste, mettre fin à leur déclin et à leur décadence tous azimuts ! Alexandre Douguine remarque à juste titre que « l’Europe doit rompre avec l’Occident » car « l’Occident est l’ennemi des peuples » ! L’Europe doit donc rompre progressivement avec l’Amérique et s’allier avec la Russie, rompre immédiatement avec les valeurs occidentales décadentes et retrouver très rapidement ses valeurs conservatrices européennes traditionnelles.
Pour clore le tout, les Européens sont aussi victimes du double lavage de cerveau de la pensée unique idéologique et de la « soft power » des médias anglo-saxons. Ce mal, tel un boomerang, nous vient principalement de cette civilisation occidentale, avec des valeurs opposées aux valeurs européennes, que l’Europe a enfantée de l’autre côté de l’Atlantique ; mais les États-Unis, paradoxalement, avec leurs « think-tanks » néo-conservateurs, ont gardé une vision géopolitique et adopté une stratégie impérialiste. La conception américaine de la mondialisation est celle de la « fin de l’histoire » après la chute du Mur de Berlin et de la nation la plus puissante qui demande à toutes les autres nations de ne plus l’être ; malheureusement pour l’Oncle Sam, l’histoire des peuples est de retour ! (à suivre)
Marc Rousset – Notre Faux Ami l’Amérique / Pour une Alliance avec la Russie -Préface de Piotr Tolstoï -370p – Librinova – 2024