Poutine, un homme d’État ferme, habile, prudent, sage
Selon Frédéric Pons, Poutine est un « Homme d’État tel que nous voudrions en connaître en Europe occidentale, c’est-à-dire qui sache résister à l’idéologie dominante et au « politiquement correct ». Dans chacune des crises (Tchétchénie (2000) – Géorgie (2008) – Ukraine (2014 et 2022), Poutine a démontré les qualités d’un Homme d’État : capacité à désigner l’ennemi, maîtrise de soi et juste appréciation du moment où il faut être ferme, juste et conciliant, mais toujours au service d’un objectif : l’intérêt supérieur de la Russie.
Lors de la rébellion d’Evgueni Prigojine, Président de Wagner, contre le pouvoir, fin juin 2023, les Russes ont préféré la démocratie autoritaire de Poutine à un nouveau Politburo avec des hommes du style Prigojine. De même, Poutine a su éviter un bain de sang, avec beaucoup de talent, pour reprendre le contrôle total de Wagner et de la situation.
L’Occident respire et s’est réjoui du retour au calme en Russie, par crainte de voir le plus puissant arsenal de la planète tomber dans les mains d’une tête brûlée, capable d’appuyer sur le bouton et d’embraser le monde. L’Occident n’aime pas Poutine, mais ne le craint pas, alors qu’un Medvedev ou un Prigojine serait beaucoup plus imprévisible. Avec de tels personnages, l’OTAN n’aurait pas franchi les lignes rouges du conflit en Ukraine en toute impunité. Un ultimatum du Kremlin aurait vite ramené les néo-conservateurs américains à la raison.
L’OTAN jongle avec des flacons de nitroglycérine en envoyant à l’Ukraine des avions F16 capables de transporter des armes nucléaires. L’acte de cobelligérance est caractérisé, car un avion F16 nécessite une logistique, des aéroports et une maintenance technique très suivie, avec des spécialistes hautement qualifiés et du matériel spécialisé. Poutine a décidé de rendre coup pour coup, en n’hésitant pas à détruire les F16 hors d’Ukraine, mais sans employer l’arme nucléaire tactique pour autant.
Beaucoup trépignent en Russie, en voyant le conflit en Ukraine s’éterniser, alors que ce pays pourrait être écrasé en trois jours. Réjouissons-nous d’avoir un sage à la tête de la Russie, plutôt qu’un dictateur de la Corée du Nord. « Vladimir Poutine ne cède pas aux émotions face aux actions irréfléchies de l’Ouest ; c’est ce qui empêche le déclenchement de la Troisième guerre mondiale », a pu dire le colonel US Douglas Macgregor, ex-conseiller du chef du Pentagone.
Lors de sa première rencontre avec Poutine aux États-Unis, George W.Bush le qualifia de « dirigeant d’un genre nouveau, un réformateur ». Mais Poutine n’est pas pour autant Gorbatchev qui s’est fait rouler dans la farine par l’Amérique hypocrite, alors qu’il souhaitait véritablement « priver l’Occident de son meilleur ennemi », afin de créer les conditions durables de la paix et de la coopération en Europe, de fonder la « Maison commune Europe ».
Poutine, un de Gaulle russe, un conservateur libéral modéré
Le conservatisme de l’ex-officier du KGB l’a poussé à toujours refuser l’aventure, qu’elle soit intérieure ou extérieure. Son caractère lui a toujours fait préférer l’évolution à la révolution. En politique intérieure, il n’a pas fait fusiller les oligarques corrompus et voleurs ; il s’est contenté de les soumettre. Il n’a pas non plus fait condamner à mort le rebelle Prigojine en 2023. En politique extérieure, il a annexé la Crimée et pénétré dans le Donbass, mais a refusé de s’emparer d’Odessa à l’été 2014, quand bien même l’y poussaient les théoriciens de la Nouvelle-Russie.
La seule expédition militaire lointaine qu’il ait entreprise fut la Syrie, à partir de septembre 2015. Son but était d’empêcher Damas de tomber aux mains des djihadistes et de l’Amérique, ce qu’il a réussi. En Asie centrale, il affiche sa solidarité avec toutes les anciennes Républiques soviétiques qui combattent l’islamisme. Sur le front du Pacifique, il a conclu une alliance stratégique avec la Chine qui est devenue de plus en plus étroite, suite à la stupide guerre de l’OTAN en Ukraine.
Intrinsèquement, Poutine n’est pas un anti-occidental. Il admire Pierre le Grand qui étudia à Amsterdam et qui convertit son pays aux mœurs de l’Europe de l’Ouest. Il maîtrise bien la langue et la culture allemande. En février 2000, il demanda au ministre français Hubert Védrine, en visite à Moscou, de l’aider à importer le droit européen en Russie.
Mais Poutine est profondément déçu par l’Occident d’aujourd’hui. Il reproche à l’Amérique de ne pas avoir tenu ses promesses de 1990, à savoir de ne jamais étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. De plus, le conservateur Poutine se méfie des idées révolutionnaires que les Russes aiment importer d’Occident. Il n’a aucune admiration pour le bolchevisme de 1917, dont il rejette l’athéisme et l’inefficacité économique. Il déteste l’idéologie ultra-libérale et monétariste des « Harvard et Chicago Boys » de 1991, qui ont si mal privatisé et démoli l’industrie russe.
Aujourd’hui Poutine refuse deux types d’idées venues d’Occident, révolutionnant le droit civil et le droit international : la théorie du genre et le devoir d’ingérence. Il n’admire plus l’Europe, qu’il juge moralement décadente, antichrétienne, rongée par une immigration extra-européenne et islamiste, diplomatiquement soumise à l’Amérique. Il respecte les nations fortes et sûres d’elles-mêmes telles que les États-Unis de Trump, la Chine de Xi, l’Inde de Modi, l’Israël de Netanyahou.
Poutine restera au Pouvoir jusqu’en 2036
La seule chose de certaine, c’est que Poutine veut être « le dirigeant à vie du pays ». Des amendements ont été apportés à la Constitution. Au pouvoir depuis 1999, le président russe aspire à une retraite active car il ne peut pas ne pas se préoccuper de l’avenir de son pays. Il a toujours en mémoire l’erreur majeure de Medvedev en 2011 qui, en s’abstenant au Conseil de Sécurité de l’ONU, entérina la chute de Kadhafi en Libye, une décision catastrophique pour l’équilibre géopolitique du Sahel.
Suite à une modification de la loi fondamentale et à un référendum, fin juin 2020, validé à 77,02 % par les Russes, Poutine restera au pouvoir, avec deux mandats supplémentaires à partir de la fin de son quatrième mandat en 2024, jusqu’en 2036, comme Président de la Russie. La réforme constitutionnelle concernait une série de droits économiques et sociaux (salaire minimum garanti, indexation des retraites…) et des mesures sociétales (mention de « la foi en Dieu », enseignement patriotique, exclusion du mariage homosexuel…). Le Président Poutine a demandé aux Russes de « garantir la stabilité, la sécurité et la prospérité » de la Russie, après l’avoir sortie du « chaos post-soviétique ».
On a parfois l’impression que Poutine garde l’espoir lointain mais réel, de voir un jour la Russie se rapprocher à nouveau de l’Europe. La Russie de Poutine, avant la guerre commencée en 2022 en Ukraine, était un pays paisible et prospère, en pleine expansion économique avec l’UE. En défendant les seuls intérêts de Washington, en diabolisant Poutine et en snobant ses légitimes exigences de sécurité en Europe, le Vieux Continent creuse sa tombe, au lieu de mettre en place une puissante Union de l’Atlantique à l’Oural.
Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique / Pour une Alliance avec la Russie » – Préface de Piotr Tolstoï – 370p – Librinova – 2024