« Notre avantage, ce n’est ni le pétrole, ni le gaz qui peuvent baisser… Notre avantage, c’est Poutine et il faut le protéger »
Viatcheslav Volodine – Président de la Douma
Poutine, le sauveur de la Russie : un homme de caractère, de vision, défenseur des valeurs traditionnelles
Arrivé au pouvoir le 1er janvier 2000, Poutine a repris le pays en main et a commencé à rendre aux Russes ce qu’ils avaient perdu les années précédentes avec Boris Eltsine : la sécurité, la stabilité, un minimum de bien être, une fierté nationale. Le pays était en lambeaux, laminé par 70 ans de communisme, une décennie de pillage par Boris Berezovsky et ses amis oligarques du clan Eltsine, la terreur des gangs tchétchènes à Moscou. Mais ce qui manquait surtout, aux Russes, c’était une figure capable d’incarner le pouvoir. La concentration des pouvoirs est nécessaire dans cet immense pays pour éviter l’éclatement en trois dont rêvait dans Le Grand Échiquier le polono-américain Zbigniew Brzezinski. Les Russes aiment que le pouvoir soit entre les mains d’un homme fort, successeur des Tsars.
L’arrestation et l’emprisonnement en 2003 de Mikhaïl Khodorkovski, à la tête de l’empire pétrolier Ioukos, fut l’emblème de la lutte du nouveau chef du Kremlin pour la récupération des richesses naturelles dont la rente et le contrôle fuyaient irrésistiblement vers l’Amérique. Un autre succès marquant de Poutine fut la deuxième campagne militaire de Tchétchénie et le renforcement de la structure fédérale.
N’est pas de Gaulle qui veut… En 23 ans de pouvoir, Poutine a fait d’un champ de ruines post-soviétique, livré à l’anarchie, une puissance militaire et économique exceptionnelle, capable de tenir tête en Ukraine à tout l’Occident. Les problèmes du séparatisme et du terrorisme intérieur ont été conjurés ; l’oligarchie prédatrice a été mise au pas, même si des compromis ont dû être trouvés ; la quasi-totalité de la dette extérieure a été remboursée (14,6 % seulement du PIB en 2020 contre 92,1 % du PIB en 1999) ; la Russie est la 5° puissance économique de la planète en parité de pouvoir d’achat ; le PIB a sextuplé, bien qu’il reste beaucoup à faire pour créer un vaste réseau de PME, développer encore davantage une Russie de plus en plus industrialisée ; la criminalité a été divisée par 6 ; le niveau de vie a considérablement progressé ; la Crimée a été reconquise ; la puissance militaire conventionnelle a été rétablie et la Russie est toujours la première puissance nucléaire ; la Russie dispose même d’armes technologiques post- modernes : ses armes hypersoniques sont imparables et inégalées dans le monde. La popularité de Poutine en Russie, en 2023, est de 76 %, contre respectivement 40 %, 32 % et 27 % pour Biden, Scholz et Macron.
La Russie de Poutine entend se positionner sur la carte morale d’une Europe en crise, en tant que dépositaire des « valeurs traditionnelles ». Il s’agit essentiellement de la famille, du mariage, d’une natalité nécessaire et bienvenue, du patriotisme. Poutine est un homme de vision, semblable à De Gaulle, Clemenceau, Bismarck, Richelieu, Churchill. Il ne pratique pas une politique politicienne médiatique « à la petite semaine » ; il a une vue à long terme de l’avenir de la Russie.
Poutine contre l’universalisme occidental
Selon l’analyste Mathieu Slama, deux visions du monde s’entrechoquent : « la démocratie libérale et universaliste » côté européen et « la nation souverainiste et traditionaliste » côté Poutine. Mais Poutine ne rejette pas en bloc le libéralisme, notamment dans sa dimension économique, car il y voit un moyen d’accroître la prospérité et l’efficacité de la Russie. On peut reprocher beaucoup de choses à Vladimir Poutine, mais il y a une chose qu’il est difficile de lui contester, c’est son intelligence réaliste et l’imprégnation qu’il a de la culture et de l’âme russe.
Il y a du Soljenitsyne dans le discours de Poutine, selon Mathieu Slama, lorsque dans son célèbre discours devant les étudiants de Harvard en 1978, il dénonça la dérive matérialiste de l’Occident, les ravages de son modèle capitaliste et son obsession pour les droits individuels au détriment des valeurs traditionnelles comme l’honneur, la noblesse, le sens du sacrifice.
Eric Zemmour remarque que le « discours de Poutine sonne comme la punition de tous nos échecs, de toutes nos folies et de tous nos renoncements. La « Realpolitik » qu’il défend avec un talent incontesté n’est que la reprise d’une tradition qui fut celle de la France pendant des siècles, de Richelieu à de Gaulle en passant par nos rois, nos empereurs et nos Républiques ».
Selon un diplomate qui connaît bien la Russie « Vladimir Poutine voit l’UE comme un concept abstrait, comme un ensemble d’États divisés qui va exploser ou se dissoudre à terme ».
« Un Russe nommé Poutine » d’Héléna Perroud : un chef d’État au service de son peuple
Selon Héléna Perroud, la carrière politique de Vladimir Poutine s’inscrit dans la longue durée et dans une appropriation de toute l’histoire russe. « La donnée de l’immensité est fondamentale pour appréhender l’histoire russe ». Les Russes ne voient pas un État fort comme une anomalie, mais au contraire comme « la source et le garant de l’ordre, l’initiateur et la force motrice de tout changement ».
Aucun autre dirigeant ni aucun peuple occidental n’a vécu de bouleversements en si peu de temps. Comme l’écrit Poutine « la Russie traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire multiséculaire. Sans doute pour la première fois depuis 200 -300 ans, elle est confrontée au danger d’être reléguée au deuxième, voire au troisième rang parmi les Etats du monde ». En une génération, les Russes sont en effet passés du stade de surpuissance militaire et spatiale, vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, à celui de pays menacé et revenu à ses frontières du temps de Catherine II. Héléna Perroud cite Alexandre Soljenitsyne qui déclarait au Spiegel en juillet 2007 que « Poutine a reçu en héritage un pays dévasté et à genoux, avec une majorité de la population démoralisée et tombée dans la misère. Et il a fait son possible pour le remettre debout, petit à petit, lentement ».
Poutine, un homme d’État cultivé, intelligent et viril
Vladimir Poutine est passé par les services secrets russes, le KGB. Cela forge le caractère autrement que l’ENA technocratique ou un poste de direction dans une banque d’affaires. Ses « biographes » occidentaux croient le desservir en le présentant comme un jeune homme bagarreur. Judoka de bon niveau et champion de sambo, art martial mêlant le judo et la boxe, il prouve au contraire à l’Occident que le muscle et l’esprit ne sont pas incompatibles. Poutine s’appuya sur le sport pour sortir les Russes de leur torpeur et lança de vastes programmes de sport scolaire, tout comme des campagnes nationales de lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme.
Familier de Thomas Hobbes, Emmanuel Kant et John Locke à l’université, il achève son cursus par une thèse sur « le principe du commerce de la nation la plus favorisée en droit international ». Après quoi, il entre au KGB où il devient officier de terrain, avec le grade de commandant à 32 ans. Il trouvera ensuite le temps de devenir colonel, avant de se lancer dans la politique.
Selon Hubert Védrine : « c’est un gars très méditatif, qui a énormément lu. Vous ne pouvez pas dire ça d’un dirigeant européen aujourd’hui. Il y a une densité chez Poutine qui n’existe plus chez les hommes politiques ». Poutine est le digne successeur d’Evgueni Primakov, ministre des Affaires Etrangères et Président de la Fédération de Russie, de janvier 1996 au 12 mai 1999, surnommé le « Kissinger russe » en raison d’une prudente et intelligente politique étrangère.
En outre, Poutine est sans doute le président russe le plus européen, par ses origines à Saint Petersbourg et par sa connaissance de l’Allemagne. (à suivre)
Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » -Préface de Piotr Tolstoï -370p. – Editions Librinova – 2024