19 novembre 2024
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- Depuis quelques décennies le mouvement de pensée « woke » gagne du terrain, grâce à la médiatisation accélérée, et surtout en profitant de l’effacement des références fondatrices de la civilisation occidentale. Le terrain a commencé à être préparé depuis l’après 2nde guerre mondiale, la période de croissance et de bien-être matériel qui a suivi. En ce qui concerne les fondamentaux, l’ère du soupçon et la critique négative ont peu à peu suscité l’érosion de la pensée majoritaire.
- La réflexion de Jean François Braunstein me semble être actuellement la plus pertinente sur le phénomène woke. Il met en lumière la déstabilisation générale provoquée par les tenants du wokisme. C’est en effet une sorte de religion de remplacement qui renforce ses ancrages et qui est relayée aussi bien dans les campus, que dans les écoles, et, propulsée par les médias, la publicité et jusque dans les entreprises. Cette vision simpliste du monde devient le prêt à penser de la population. C’est une attitude dangereuse, car anti rationnelle, anti scientifique et anti judéo-chrétienne en même temps. Ainsi, Madame Rousseau, vice-présidente de l’Université de Lille, affirme qu’elle préfère les sorcières aux ingénieurs. Il y a dislocation entre la raison et la croyance, et on assiste à une sorte de démantèlement de la logique. L’inclusivisme s’affirme partout, et la déconstruction des modèles de pensée antérieurs s’accélère. Je pense qu’il y a un véritable danger de pertes de repères de rationalité et également de créativité spirituelle pour les générations montantes. Les militants du wokisme sont un peu les témoins de Jéhovah de la nouvelle théorie, ils sont souvent fanatiques et prosélytes.
- Ce qui apparaît au centre du wokisme et de la cancel culture, c’est le sexe et la race. La déconstruction des données biologiques amène à des comportements aberrants. Il n’y a plus d’identité de genre stable, on devient ce que l’on désire être. C’est évidemment à l’opposé de l’anthropologie biblique de la pensée juive et chrétienne. Le refus de la réalité physique provoque la liquéfaction des genres, et la notion de mâle et femelle perd son sens. Par le fait même, la procréation également. Il y a en même temps la promotion revendiquée des racisés, ce qui suscite un racisme à l’envers : les blancs seront coupables définitivement. C’est une religion sans rédemption.
- Les milieux chrétiens de toutes confessions sont touchés par ce tsunami. Ce sont les églises protestantes qui ont les premières facilité la contamination, en raison de théologies réformées libérales et parfois libertaires. A l’exception des évangéliques pour lesquels le littéralisme biblique joue le rôle de garde-fou. Mais le mouvement woke se développe aussi dans certains secteurs progressistes de l’église catholique, au plus haut niveau. La seule solution, ce serait le retour au magistère ecclésial intégral, issu des temps apostoliques, et solidement ancré dans la pensée biblique et son éthique indépassable. Car le mouvement woke version ecclésiale a débuté dans les congrégations américaines. Ainsi le pasteur Bob Ekblad déclarait : Dieu est woke ! Des révérends anglo-saxons refusaient de prier le notre père, l’estimant machiste et préféraient dire notre mère. Les racines du wokisme seraient selon certains analystes en provenance du calvinisme américain. Calvin à Genève avait instauré « la surveillance de la communauté afin que Dieu soit proprement honoré… ». Les wokistes sont à l’affût de tout pour dénoncer et culpabiliser ce qui leur semble contraire à la pensée déconstructive. Des sociologues estiment que le wokisme est en ce sens un post-protestantisme se voulant prophétique des temps à venir. On peut envisager ce mouvement comme une nouvelle gnose, issue d’un puritanisme généré par les théocraties américaines. A la manière d’une secte, il s’agit d’éradiquer le mal pour instaurer une nouvelle approche culturelle et donc politique. On déconstruit, on démantèle, on déboulonne les représentations antérieures, et cela dans « l’intersectionnalité » des causes chère à l’extrême gauche. Il en résulte que le wokisme est incompatible avec la vision de l’être humain promue par la tradition biblique, car pour les juifs et les chrétiens, l’individu est responsable de ses actes devant une instance divine supérieure, et il ne se reçoit pas de lui-même mais de plus grand que lui.
- Certes, l’avenir de l’occident est problématique. Il y a des raisons d’être inquiets si on en reste au niveau socio-politique et des engrenages sociétaux qui façonnent les mentalités. Mais il y a aussi des motifs d’espérer un sursaut spirituel. L’expérience biblique nous montre de nombreuses situations où tout semble perdu et où une voie de salut et de renouveau s’opère au milieu des détresses et des impasses. A vues humaines, la mécanique des idées a de quoi inquiéter, mais dans un regard de foi, il y a en l’homme, en chacun de nous, des ressources parfois imperceptibles et porteuses de reconstruction personnelle et collective. La guidance des Eglises jouera un rôle déterminant pour susciter des initiatives génératrices d’espoir. Encore faudra-t-il que la mondanisation des institutions ecclésiales ne les conduisent pas à une apostasie déguisée en modernité. Le travail biblique, la beauté liturgique, le retour aux sources, la fraternité intercommunautaire seront les seules voies d’une réhabilitation des valeurs judéo-chrétiennes dans les sociétés occidentales.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.