Rappelons-nous que dans son enseignement, jamais Jésus ne cherche à culpabiliser qui que ce soit, il désire seulement responsabiliser chaque croyant, ce qui est tout différent.
Il ne distribue pas des certificats de bonne conduite aux uns et des blâmes aux autres, il donne simplement le sens du chemin vers Dieu ! A chacun de faire ensuite ses choix en toute conscience. Nous connaissons tous des situations où des personnes mariées sont confrontées à des problèmes de couple, à des ruptures et des séparations, et cela, jusque dans notre entourage et dans nos familles. Dans les groupes de catéchisme, on constate que de plus en plus d’enfants appartiennent à des familles dites « recomposées ».
Alors que des idéologies négatrices du couple et de la famille gagnent du terrain, y compris par la voie des votations, cet évangile peut nous aider à mieux comprendre comment Jésus considère l’union d’un homme et d’une femme, et quelle est sa vision de l’être humain.
La base de la pensée de Jésus sur cette question sensible, c’est simplement d’être fidèle à la logique de la Parole de Dieu : dès le début de son enseignement, Jésus déclare qu’il ne veut pas abolir la loi de Moïse, mais au contraire la perfectionner…Jésus se situe donc dans la tradition de son peuple en ce qui concerne l’union d’un homme et d’une femme, ce contrat de confiance qui seul mérite le nom de « mariage ». C’est une question grave, car dans le Décalogue, transmis par Moïse au peuple d’Israël, nous voyons que la dénonciation de l’adultère vient immédiatement après celle du meurtre!
Jésus ne veut pas éluder ou banaliser l’enjeu du mariage : il se situe d’abord au niveau du cœur et du respect mutuel des deux personnes en cause, aussi bien l’homme que la femme. Si la séparation est décidée par convenance futile et superficielle, l’homme ou la femme devient adultère, c’est à dire dans le langage biblique, à la fois infidèle, et idolâtre.
Ici, au niveau du couple, Jésus met l’accent sur le lien fondamental de fidélité réciproque, car cela renvoie à l’alliance, c’est à dire l’engagement fidèle de Dieu envers ceux qui s’attachent à lui et à sa loi d’amour.
Voici que des interlocuteurs sont venus piéger Jésus, à partir d’une question anodine. Dans ce débat sur le mariage et le divorce, il y a, en Israël, à l’époque de Jésus, deux positions antagonistes parmi les sages Pharisiens : une position stricte, exigeante, celle des disciples de Shammaï, minoritaires, et une position libérale assez répandue, celle des disciples de Hillel.
Nous serons peut-être étonnés de constater que Jésus refuse de résumer sa conviction sur le couple au point de vue purement juridique, alors il opte pour la position exigeante de Shammaï que les médias qualifieraient aujourd’hui de réactionnaire ! En effet, ce sont les rigoristes qui ici sont les meilleurs défenseurs de la cause féminine, puisqu’ils exigent une réciprocité homme-femme dans le respect mutuel et que donc ils dénoncent comme injustifiable toute séparation par égoïsme!
C’est en ce sens que Jésus donne sa réponse en se référant à la Genèse : « Dieu crée l’être humain homme et femme ». Dans le premier livre de la Bible, la Parole de Dieu n’est pas de la mythologie, même s’il est écrit que la femme a été conçue par Dieu à partir d’une côte d’Adam, pour souligner symboliquement le fait que la femme n’est pas inférieure à l’homme, pour rappeler qu’ils sont l’un et l’autre de même nature! (Dans un langage scientifique contemporain, on dirait qu’ils sont tous deux issus du même matériau génétique!) Et les mots hébreux pour désigner l’homme et la femme sont ish et isha, ce qui exprime à partir de la même racine de mot, l’unicité primordiale de la nature humaine, par-delà la différenciation sexuée, nécessaire à la succession des générations.
C’est précisément sur cette volonté initiale du Créateur que Jésus développe sa vision de l’amour humain. Pour lui, la femme ne se réduit jamais à une fonction utilitaire, ou à un objet du bon plaisir de l’homme : les deux sujets du couple ont une même dignité et leur responsabilité commune se vit en harmonie avec la Parole de Dieu. En raison des fragilités humaines, mais aussi de la pression grandissante de l’idéologie individualiste, des ruptures se produisent fréquemment : des adultes, mais aussi des enfants, se retrouvent en souffrance. Les liens de la filiation sont endommagés et la transmission des valeurs fragilisée. On comprend que dans ce contexte, l’indissolubilité du mariage que réaffirme l’Eglise soit perçue comme étant une position dérangeante, à contre-courant des mentalités modernes qui considèrent les êtres humains comme des produits jetables.
Or, la conviction de Jésus est fondée sur la tradition biblique. Sans amour authentique, pas de durée ni de stabilité, pas de sécurité affective pour les enfants en croissance.
Cela dit, le discours de Jésus sur la question du couple et de la famille est avant tout un discours positif et constructif. Il ne s’agit évidemment pas de porter des jugements infâmants sur des personnes ou d’imposer un carcan autoritaire. Il s’agit d’un idéal de vie proposé. Le contrat de confiance qui se vit au quotidien dans un couple et dans une famille évoque le pacte d’Alliance que Dieu a établi avec son peuple. Tout ce qui va dans ce sens aura des répercussions positives sur l’ambiance relationnelle de l’univers entier. La paix de l’ensemble de la famille humaine passe souvent par la paix à l’intérieur de chaque famille et même de chaque personne.
Seul cet amour construit au fil du temps, et édifie chaque personne en vue de son accomplissement dans le royaume éternel. Il consolide les bases de la société et renforce les solidarités. Notre espérance nous prépare jour après jour à cette étape finale où Dieu pourra établir définitivement sa demeure dans nos cœurs transfigurés par sa lumière.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.