« La démographie scande l’histoire » aimait à répéter le démographe Alfred Sauvy.
L’Israël actuel (qui exclut à priori les territoires théoriquement sous administration de l’autorité palestinienne (AP) : bande de Gaza et Cisjordanie) c’est une superficie de 20 770 km² pour une population de 9,2 millions d’habitants en 2023.
https://www.populationpyramid.net/fr/israel/2096/
Quant aux territoires administrés par l’AP, leur superficie est de 6 020 km² (Cisjordanie : 5 655 km² ; Bande de Gaza : 365 km²) pour une population de 5,4 millions d’habitants.
https://www.populationpyramid.net/fr/palestine-%C3%A9tat-de/2096/
Les projections dans un quart de siècle (une génération) donnent 9 millions d’habitants pour les territoires palestiniens (sans tenir compte de l’actuelle ponction démographique par l’armée israélienne sur la bande de Gaza…), contre 13 millions pour Israël.
À échéance de la fin du siècle (trois générations), on obtient respectivement 12,8 millions pour la Palestine et 18,5 millions pour Israël.
Compte tenu de la haine mutuelle que se vouent les deux peuples, depuis la fondation de l’État d’Israël, et tout particulièrement depuis les pogroms du 7 octobre 2023 et la réponse musclée de Tsahal, ces quelques données chiffrées montrent qu’hélas l’un des deux peuples est de trop sur la terre d’Israël-Palestine. Les terribles actions menées en territoire gazaoui par l’armée israélienne ne font que démultiplier le nombre de terroristes palestiniens. La politique d'”éradication” du Hamas est totalement chimérique.
Ce qui exclut la solution « à deux États », tout comme l’actuelle coexistence dont personne, d’ailleurs, ne veut.
Une des solutions pourraient être la création du Grand Israël :
Le terme fait référence à la Terre promise aux enfants d’Israël, qui s’étend « du fleuve d’Égypte à l’Euphrate » dans la Genèse 15:18-21. Selon la tradition et en particulier selon Rashi, l’oued El-Arich (Wadi Al-Arish) correspond au « fleuve d’Égypte ». Différentes délimitations sont également citées dans d’autres livres bibliques : Livre de l’Exode 23, Livre des Nombres 34 et Livre d’Ézéchiel 47 et d’autres. Selon le père fondateur du sionisme Théodore Herzl, « le territoire de l’État Juif s’étend du bassin du Nil à l’Euphrate. »
Du Nil à l’ouest jusqu’à l’Euphrate à l’est, donc, et de la Méditerranée au nord jusqu’à une ligne rejoignant le lac Nasser à Koweït City au sud.
La « zone de résidence » dévolue aux Palestiniens dans ce Grand Israël pourrait être la portion comprise entre le Nil et l’actuelle frontière ouest de l’État hébreu. À charge pour la « communauté internationale » de construire – en plein désert – des villes et des équipements sociaux adéquats pour la population palestinienne, comme cela a été fait sur la bande de Gaza essentiellement grâce au financement américain et européen.
Dans un article de Global Research de 2011, le sociologue canadien Mahdi Darius Nazemroaya revient sur un plan controversé, dit “Plan Oded-Yinon”, qui selon lui donne la meilleure interprétation de la politique étrangère de l’État hébreu depuis sa fondation :
“[Le Plan Yinon] est un plan stratégique israélien pour assurer à Israël la supériorité dans la région. Il insiste et soutient qu’Israël doit reconfigurer son environnement géopolitique à travers la balkanisation des états arabes voisins en états plus petits et plus faibles.
Les stratèges israéliens ont vu l’Irak comme leur plus grand défi stratégique venant d’un état arabe. C’est pourquoi l’Irak a été défini comme la pièce centrale de la balkanisation du Moyen-Orient et du monde arabe. En Irak, sur la base des concepts du Plan Yinon, les stratèges israéliens ont appelé à la division de l’Irak en un état kurde et deux états arabes, l’un pour les Musulmans chiites et l’autre pour les Musulmans sunnites. Le premier pas vers sa réalisation a été une guerre entre l’Irak et l’Iran, que soulève le Plan Yinon.
The Atlantic, en 2008, et l’Armed Forces Journal des militaires US, en 2006, ont tous deux publié des cartes qui ont largement circulé et qui suivent de près le dessin du Plan Yinon. En plus d’un Irak divisé, auquel aspire également le Plan Biden, le Plan Yinon appelle à un Liban, une Égypte et une Syrie divisés. Les fractionnements de l’Iran, de la Turquie, de la Somalie et du Pakistan s’alignent aussi tous droit dans cette ligne. Le Plan Yinon appelle également à la dissolution de l’Afrique du Nord et prévoit que celle-ci commence par l’Égypte pour ensuite déborder au Soudan, en Libye et au reste de la région.
Le plan fonctionne selon deux principes essentiels. Pour survivre, Israël doit 1) devenir une puissance régionale impériale, et 2) doit accomplir la division de toute la région en états plus petits à travers la dissolution de tous les états arabes existants. « Petit » dépendra ici de la composition ethnique ou sectaire de chaque état. Par conséquent, l’espoir sioniste est que les états basés sur le sectarisme deviennent les satellites d’Israël et, ironiquement, sa source de légitimation morale… Ce n’est pas une idée nouvelle, ni est-ce la première fois qu’elle émerge hors de la pensée stratégique sioniste. En effet, la fragmentation de tous les états arabes en unités plus petites a été un thème récurrent.”
Mais ce qui était encore vrai en 2011, du temps où les États-Unis, alliés inconditionnels de l’État hébreu – c’est moins vrai maintenant depuis que l’électorat démocrate est devenu majoritairement propalestinien –, pouvaient sans conteste prétendre au titre d’hyperpuissance, ne l’est plus aujourd’hui. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine Afrique du Sud), élargies début 2024 à l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, dépassent dorénavant économiquement le G7, et démographiquement le surclasse. La dédollarisation de l’économie mondiale est un coup sévère pour la puissance américaine. Il semble peu probable que les États-Unis se frottent militairement au bloc Russie-Chine dans un conflit de haute intensité. La dissuasion nucléaire ramènerait tout le monde à la raison.
Le plan Oded Yinon semble donc totalement dépassé. Israël est condamné à demeurer dans ses frontières actuelles.
Une autre solution pour l’État hébreu serait l’annexion de la bande de Gaza et de la Cisjordanie et le transfert des populations palestiniennes vers les États arabes qui voudront bien les accueillir. À moins que l’Europe ne se dévoue pour prendre sur son sol, à ses risques et périls, une population de 9,2 millions d’individus. On se souviendra que le Liban, qui avant d’ouvrir généreusement ses bras à plusieurs centaines de milliers de Palestiniens, était un havre de paix et de prospérité (on l’appelait la « petite Suisse du Proche-Orient ») a sombré dans une terrible guerre civile dont il n’est jamais sorti.
La Jordanie a eu une politique expéditive vis-à-vis des Palestiniens qui s’étaient réfugiés sur son sol : l’expulsion manu militari, entre autres vers l’infortuné Liban…
Dans cet article, l’écrivain algérien Boulem Sansal rappelle que l’Arabe de la rue soutient de très loin la cause palestinienne…
Les pays arabes se sont rapidement détournés des Palestiniens, les considérant comme des fauteurs de troubles, « des menteurs, des lâches. On va vous donner de l’argent et foutez-nous la paix ! » (sic…).
Les Palestiniens se sont alors tournés vers l’Occident. Tous les pays européens ont décidé de soutenir les Palestiniens, financièrement, diplomatiquement, en appelant Israël à négocier. Il y a eu les accords de Camp David, d’Oslo… Finalement, constate Sansal, « les Palestiniens ont davantage gagné avec les Occidentaux qu’avec les pays arabes qui cherchaient au fond à les instrumentaliser pour des raisons de politique intérieure. Les Palestiniens ont des ambassades à Paris, à Londres, aux Etats-Unis… Ce lobbying a superbement fonctionné, et on a commencé à voir de plus en plus de condamnations d’Israël de la part des pays occidentaux. »
L’Europe de Bruxelles servira-t-elle de dégorgeoir à l’État hébreu ? Avec von der Leyen, Macron, Scholtz et consorts, tout est possible…
Henri Dubost