Zelensky ou le jeu sans ballon… Le temps où les jeunes Ukrainiens s’enrôlaient la fleur au fusil pour aller casser du Popov est révolu depuis longtemps. La classe des 27-39 ans est à l’os. Dans les villes et les campagnes, les recruteurs font désormais la chasse aux quadras et aux quinquas. Le vieillissement de l’armée ukrainienne est un réel problème. L’âge moyen des soldats est actuellement d’environ 43 ans. Sur le front, la moyenne d’âge des morts ukrainiens est de 49 ans. Actuellement, il est encore interdit d’enrôler des hommes de moins de 27 ans s’ils n’ont pas d’expérience militaire préalable. Le président Volodymyr Zelensky avait certes prévu d’abaisser l’âge à 25 ans. Mais il hésite encore aujourd’hui à signer. Il semble craindre les conséquences de cette mesure impopulaire sur la politique intérieure.
Le chef d’Etat major le général Zaloujny avait dû l’avouer dans une interview de novembre 2023 à The Economist : beaucoup d’unités manquent tout simplement d’hommes. «La longueur de la guerre, les options limitées de rotation des soldats sur le front et les lacunes législatives qui facilitent l’évitement de la mobilisation réduisent fortement la motivation des citoyens à servir dans l’armée» avait déploré Zaloujny.
Les observateurs sur place rapportent qu’il n’y a presque plus de rotation. Cela signifie que les possibilités pour les soldats de prendre une permission au front pour se reposer après des mois de combat se réduisent à néant. Les troupes combattantes souffrent d’un total épuisement physique et psychologique. Elles n’ont de combattantes que le nom.
Zelensky a annoncé qu’il avait besoin de 450 000 à 500 000 soldats supplémentaires et qu’il allait enrôler les Ukrainiens âgés de 25 à 60 ans qui ont fui à l’étranger. Kiev les menace de sanctions s’ils ne se présentent pas aux centres de recrutement de l’armée. Une mesure qui ne devrait pas augmenter la popularité de l’ex-comique troupier, déjà en berne.
Les Ukrainiens ne veulent pas finir en chair à canon. Certains paient l’équivalent de 675 euros par mois pour acheter leur liberté. D’autres ont recours à la corruption ou prétextent des maladies pour ne pas être enrôlés. Le Parlement ukrainien a adopté en août une loi qui réduit considérablement le nombre de raisons médicales justifiant une inaptitude au service.
Parade possible à cette situation : l’armée ukrainienne envisage de recruter à l’étranger. Encore faudrait-il qu’elle en ait les moyens financiers, des moyens qui dépendent totalement du bon vouloir des Américains et de Européens, lesquels se font tirer l’oreille. En face, l’armée russe ne manque pas de réservistes et Poutine vient d’annoncer 170 000 soldats supplémentaires.
Quant aux paquets d’aide des Etats-Unis et de l’Union européenne, ils sont en suspens depuis plusieurs mois. Dans le même temps, Vladimir Poutine a réorienté son économie vers la production de guerre et son armée ne manque ni de matériel ni de munitions.
La situation de l’Ukraine en termes de mobilisation est donc dramatique, mais moins, selon les observateurs, que le manque d’armes et de munitions. Le général Serguiï Naïev, commandant des forces conjointes ukrainiennes, vient ainsi d’alerter sur le manque de munitions dont dispose l’armée ukrainienne. Les Occidentaux font ce qu’ils peuvent, c’est-à-dire peu. Les Européens ont donné à peu près tout ce qu’ils pouvaient et n’ont pas l‘intention de passer en économie de guerre : les opinions publiques de l’UE ne sont évidemment pas prêtes à « mourir pour Kiev ». De moins en moins de Français comprennent – mais le savent-ils seulement ?… – qu’ils doivent faire un chèque de 300 millions d’euros par mois pour l’Ukraine, alors que leurs services publics sont en banqueroute. Quant aux Américains, leur soutien à Israël dans sa guerre contre le Hamas est inconditionnel. Même si Biden tente de faire le forcing, pour l’opinion publique américaine, l’Ukraine peut attendre.
Et Vladimir Poutine dans l’histoire ? Le Tsar n’a ni problème de recrutement, ni problème de matériel ou de munitions. Il attend que l’armée ukrainienne s’effondre sur elle-même, ce qui ne saurait tarder. Le général Hiver avait été le meilleur allié de Koutouzov contre Napoléon. Le général Temps est le meilleur allié de Poutine contre Zelensky.
Henri Dubost