Le dernier livre de Marc Rousset, “Notre faux ami l’Amérique. Pour une alliance avec la Russie”, est un monument de géopolitique, sans doute appelé à faire référence à travers la planète durant de longues années, tant il va dans le sens de l’Histoire, contrairement aux ultimes combats désespérés que mène l’Occident, et notamment la sphère anglo-saxonne, pour conserver son hégémonie mondiale face aux milliards d’êtres humains du Sud global. Le carcan est définitivement brisé et c’est un monde multipolaire qui se met en place, plus juste et équilibré, donc moins violent par définition.
Car la Pax americana n’a été que guerres et coups d’État depuis 1945, fomentés par la CIA. Au lieu de faire la paix à la fin de la guerre froide, les Américains n’ont rien trouvé de mieux que de mentir et tromper les Russes pour mieux les combattre à nouveau. L’Amérique, dirigée de fait par les lobbys du pétrole et de l’armement ne saurait vivre sans une guerre bien juteuse pour enrichir ses industriels. À condition qu’elle se passe loin de chez eux, évidemment.
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Donc, loin de moi l’idée de résumer les 33 chapitres du livre de Marc Rousset, préfacé par Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma, mais sans doute vais-je en extraire au fil du temps la substantifique moelle. Je vous propose aujourd’hui d’en résumer le premier chapitre, dont le titre parfaitement parlant nous annonce ce monde futur, où le Sud global a brisé ses chaines et entend décider lui même de son destin. “Déclin des États-Unis : Montée en puissance de la Chine, de la Russie et des BRICS”
« En 2049, date de son centenaire, la République populaire de Chine ambitionne d’être la première puissance mondiale dans tous les registres », nous rappelle Thomas Gomart, directeur de l’IFRI.
Beaucoup ont compris que la démocratie n’était pas forcément le modèle de gouvernance universel adaptable à toutes les cultures et à tous les peuples. Par ailleurs, l’Occident doit comprendre que ses problèmes ne sont pas ceux du monde. Le XIXe fut surtout anglais, le XXe siècle fut américain, le suivant sera multipolaire.
Le Sud global ne supporte plus cet Occident arrogant qui ne connait que la loi du plus fort et préfère les tapis de bombes à la diplomatie. La guerre d’Irak fut déclenchée sur un mensonge d’État accusant Saddam Hussein de menacer le monde avec des armes de destruction massive, celle d’Afghanistan a coûté 1 000 milliards pour se terminer en pitoyable débandade des États-Unis fuyant Kaboul. Les talibans, comme prévu dès 2001, sont revenus triomphalement au pouvoir. Le bombardement de la Serbie sans l’aval de l’ONU, est une ignominie de plus dont les Américains sont coutumiers.
Mais ce ne sont pas toutes les guerres que l’Amérique a perdues qui vont la détruire. Les États-Unis vont s’autodétruire prochainement par la désintégration sociale, le racisme, la drogue, l’immigration de masse, les conflits interethniques, l’insécurité et la décadence morale. Ce sont en fait des États désunis.
La dictature du politiquement correct fait des ravages dans la société et surtout dans les universités, donc l’Amérique de demain. Du WASP conquérant des années 1950, des John Wayne, il ne reste rien. L’élection de Joe Biden entachée d’irrégularités mises sous le tapis a montré les limites du modèle démocratique américain que Washington veut imposer au monde. Le rôle messianique du peuple élu d’Amérique n’est plus qu’illusion. Le way of life des années soixante, avec la liberté sexuelle, le coca et le jean envahissant l’Europe, ne fait plus rêver grand-monde.
Le déclin commence avec les images de la panique de l’évacuation de l’ambassade de Saïgon en 1975 face aux troupes vietcong. Mais c’est après la chute du Mur de Berlin que les États-Unis ont signé l’acte de leur décadence programmée. Vainqueurs de la guerre froide, ils ont raté la paix, en trompant Gorbatchev. Les cause de la débâcle en Ukraine remontent à cette époque.
Croyant faire la peau à l’Ours russe en trois mois, les Occidentaux ont ramassé une déculottée historique, Poutine ayant résisté à une coalition de 50 nations et à 11 trains de sanctions économiques. Le Tsar régnera bientôt sur la Novorossia de Kharkov à la Transnistrie.
Militairement, l’Amérique n’est plus dans la course. Dans le domaine hypersonique, elle cumule les échecs et a vingt ans de retard sur les Russes. Et c’est cette armée techniquement dépassée qui prétend encore régner sur le monde, qui veut dépecer la Russie pour mieux la piller et qui voudrait interdire à Pékin de récupérer sa 23e province Taïwan.
L’Amérique a une puissante marine de 300 bâtiments environ, mais en 2035, la Chine en possédera 475. La Chine sort chaque année l’équivalent du tonnage de la marine française. La puissance de feu de la Chine est telle que ses missiles feraient des ravages dans les unités aériennes et navales américaines.
Si Pékin décide un blocus de Taïwan sans envahir l’île, invasion aussi coûteuse pour Pékin que dévastatrice pour Taïpeh, on voit mal comment les Américains pourraient briser ce blocus alors qu’ils sont loin de leurs bases et que celle-ci sont à portée des missiles chinois.
L’armée américaine est totalement dévirilisée avec sa culture woke et ses délires LGBT. Elle peine à recruter quand Poutine voit 1 500 jeunes Russes se présenter quotidiennement pour défendre leur patrie.
“La Chine souhaite refermer la parenthèse d’un siècle et demi d’humiliations occidentales, ouverte avec les deux guerres de l’opium, à partir de 1839, qui virent l’empire du Milieu déclinant, dépecé par les Européens et la Russie, ce que les Chinois appellent “les traités inégaux”.
La Chine sera bientôt prête avec un budget militaire de 225 milliards de dollars en 2023. Et si ses généraux n’ont pas l’expérience de la guerre, ils l’auront au bout de quelques mois d’opérations. L’art de la guerre, ça s’apprend sur le tas, chaque guerre ne ressemblant à aucune autre. La Chine maîtrise également le domaine hypersonique, ce qui rend les 11 porte-avions américains particulièrement vulnérables s’ils s’aventuraient en Mer de Chine.
La Chine qui atteignait 2 % du PIB mondial en 1908, 16 % en 2020, devrait atteindre 30 % du PIB mondial en 2040. Le spécialiste de la Chine David Goldman dans un livre percutant, « You will be assimilated 6 », estime que les États-Unis se rapprochent dangereusement d’un désastre stratégique absolu en sous-estimant la puissance de la Chine. Et l’Amérique forme dans ses universités 350 000 jeunes Chinois qui seront ses ennemis de demain.
“Le problème est d’autant plus grave que la Chine forme six fois plus d’ingénieurs et de spécialistes d’informatique que les États-Unis, d’une qualité quasi égale”.
Par ailleurs, Pékin et Moscou font main basse sur l’Afrique et le Moyen-Orient en y développant une diplomatie de partenariat axée sur la Real Politik. Russes et Chinois n’y exportent pas leur mode de vie ou leur régime politique. Pas de délires LGBT ou de destruction de la famille traditionnelle comme on le voit en Occident.
Face au déclin occidental, on assiste à la montée en puissance des BRICS. Les PIB réunis de ces 5 pays, Brésil, Russie, Chine Inde et Afrique du Sud, ont dépassé celui du G7 en 2023 (32,1 % du PIB mondial). Les candidats se bousculent et l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont décidé de rejoindre les BRICS, à partir du 1er janvier 2024.
L’élargissement des BRICS sonne le réveil des États-nations, lesquels entendent qu’on respecte leur souveraineté et leur indépendance. Les BRICS contrôlent 80 % de la production mondiale de pétrole, pèsent plus que le G7 et se rapprochent des 40 % du PIB mondial. Cette puissance économique menace évidemment la suprématie du roi dollar qui commence déjà à décliner dans les échanges internationaux.
Les Russes souhaitent faire des BRICS une organisation anti-Otan. Ces pays multiplient les échanges et les traités bilatéraux avec leurs monnaies, en toute indépendance de l’Occident. La force du nombre pèse de plus en plus dans le commerce mondial. L’Amérique du Sud n’est plus la chasse gardée des États-Unis.
C’est donc un monde post-occidental qui est en route avec une refonte de l’ordre international. Et ce n’est pas l’Amérique en déclin qui pourra s’y opposer. Avant 2040 un nouvel ordre mondial aura émergé. Même l’Arabie Saoudite de Mohammed Ben Salman s’émancipe des États-Unis. Rapprochement avec l’Iran, partenariat avec l’OCS, l’Organisation de coopération de Shangaï, créée en 2011 par la Chine, la Russie et quatre États d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan et Tadjikistan). L’organisation s’est élargie à l’Inde et au Pakistan en 2016, et à l’Iran en 2021. D’autres pays souhaitent rejoindre l’Organisation.
L’Amérique a du souci à se faire. Ce ne sont pas les guerres qui assureront sa survie. De même que la politique de la canonnière du XIXe siècle a vécu, celle du tapis de bombes est en phase terminale. L’armée russe est dorénavant la première du monde et le retard technologique du Pentagone va entraîner le déclassement de l’armée américaine.
“En février 2023, la Chine a publié deux documents fondamentaux. Dans le document intitulé « L’Hégémonie américaine et ses périls », la Chine estime que les États-Unis s’ingèrent dans les affaires intérieures des autres pays, qu’ils appliquent un double standard aux règles internationales, répandent de faux récits, étendent leur puissance en recourant à la violence, pillent et exploitent les richesses mondiales grâce à leur hégémonie économique et financière”.
“La Chine se pose en artisan de paix proposant une alternative à un leadership américain accusé de répandre la guerre, la misère, et le chaos. Mohamed Ben Salman a une priorité : la stabilité dans son voisinage, faute de quoi son très ambitieux plan de réformes à échéance 2030 serait un échec dont il serait rendu responsable par ses sujets. MBS ne tourne pas le dos aux États-Unis, il s’émancipe de son ancienne alliance : « Le pacte avec les États-Unis qui assurent la sécurité du royaume contre le pétrole saoudien est mort » écrivent dans la revue Foreign Af airs les chercheurs Vall Nasr et Maria Fantappie.”
On le voit, l’Amérique est mal partie. Et la France a tout à perdre en s’alignant sur la folle politique américaine toujours plus agressive. À peine chassée par la talibans, elle s’est lancée dans une guerre par procuration contre Moscou. Et avec Macron, la France sera une fois de plus dans le camp des perdants.
Jacques Guillemain