Le Blog de Lazare

« Le fond du baril est maintenant visible » a – de manière imagée – déclaré mardi 3 octobre, lors d’une discussion au Forum de Varsovie sur la sécurité, l’amiral Rob Bauer, président du Comité militaire de l’OTAN et conseiller militaire principal du secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, signifiant par là que l’OTAN ne sera bientôt plus en mesure de fournir de munitions à l’Ukraine. Le haut gradé otanien a exhorté les pays membres de l’Organisation à augmenter leur production de munitions pour « permettre à l’Ukraine de continuer sa lutte contre l’envahisseur russe ».

Cette menace de pénurie de munitions intervient après que le Congrès américain a finalement évité un « shutdown » en accordant une « rallonge » adéquate à la Maison Blanche. Mais le document adopté par le Congrès ne prévoit pas d’aide financière pour l’Ukraine, comme le réclamait l’exécutif… L’aide américaine à l’Ukraine se limitera donc aux 6 milliards de dollars déjà votés. Un volume très insuffisant pour couvrir l’aide militaire et l’aide au fonctionnement de l’Etat ukrainien (ce sont les Etats-Unis qui paient les salaires des 150 000 fonctionnaires ukrainiens…)

Une nouvelle incertitude sur l’avenir de l’aide américaine est également apparue mardi 3 octobre lorsque le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Kevin McCarthy, qui a plaidé pour le soutien à l’Ukraine, a été évincé de son poste de « Speaker » par l’aile conservatrice républicaine, opposée à la poursuite de l’aide à l’Ukraine.

Quant au Royaume-Uni, il est lui-même à court d’équipements militaires : « Nous avons donné à peu près tout ce que nous pouvions nous permettre (…) Ce dont l’Ukraine a besoin maintenant, ce sont des moyens de défense aérienne et des munitions d’artillerie, et nous sommes à court de tout cela », a déclaré mercredi « une source militaire britannique de haut rang » au Daily Telegraph. Ce qui n’a pas empêché James Heappey, ministre de la Défense du Royaume-Uni, a exhorté les membres de l’Otan à augmenter leur capacité de production en matière de munition, lors de cette même réunion du Forum de Varsovie : « Nous devons soutenir l’Ukraine dans son combat ce soir et demain et après-demain », a-t-il déclaré.

Thomas Warrick, chercheur au Conseil de l’Atlantique, vient de révéler que c’est déjà à cause d’un manque de munitions et d’équipements sur les lignes de front que l’Ukraine avait dû retarder le début de son offensive estivale, permettant ainsi à la Russie de construire de nouvelles lignes défenses qui ont considérablement entravé les avancées ukrainiennes.

De son côté, le sous-secrétaire américain à la Défense, Michael McCord, mettait les dirigeants du Congrès en garde, alors que le projet de loi de dépenses qui a finalement éliminé l’aide à l’Ukraine était en cours de négociation : « Les forces ukrainiennes ont fait preuve de souplesse et d’adaptabilité, mais elles ont un énorme besoin de munitions et d’armes. Sans financement supplémentaire urgent, nous devrons retarder ou réduire l’aide en munitions à l’Ukraine, y compris pour la défense aérienne. Or la Russie se prépare à mener une offensive hivernale et continue son bombardement des villes ukrainiennes »

Sur le terrain, les signaux d’alerte se multiplient : CNN rapportait mercredi 4 octobre ce témoignage du commandant de la 80e brigade d’assaut aéroportée : « Nous manquons de munitions. Chaque fois que nous tirons un obus, nous devons prendre une décision : est-ce opportun ? ». Les forces ukrainiennes se limitent à 5 000 obus par jour, alors l’armée russe en tire dix fois plus…

Un sondage CNN/SSRS, réalisé au début du mois d’août 2023, indique que 55 % des Américains pensent désormais que le Congrès doit cesser tout financement supplémentaire pour l’Ukraine. Dans la perspective des présidentielles de 2024, et une très probable victoire républicaine, il paraît certain que les Etats-Unis se retireront du grand jeu ukrainien. Sans le soutien des Etats-Unis, l’Ukraine sera contrainte à un cessez-le-feu aux conditions russes.

Pour Zelensky, les carottes semblent décidément bien cuites…

Henri Dubost