Les bandéristes tirent volontairement sur les habitations civiles, les écoles, les jardins d’enfants et les hôpitaux. Le but : faire le plus de morts possibles parmi les civils et en accuser la Russie.
Victor Doronin est Ukrainien. Ingénieur de formation, il est né à Makievka dans la région du Donbass désormais DNR (République populaire de Donetsk) russe, et a fait ses études à l’université de polytechnique d’Odessa. Le conflit en Ukraine, il le vit non pas depuis février 2022 mais depuis plus de neuf ans. Et neuf ans c’est très long lorsque l’on craint de voir chaque jour ses proches, ses amis, mourir sous les bombes. Installé en Russie en 1994, Victor a accepté de témoigner pour nos lecteurs en exclusivité, loin de la propagande officielle du régime de Kiev, de la réalité de ce qu’il vit et de ce que vivent les russophones du Donbass depuis 2014 du fait de la trahison de la France pourtant garante des accords de Minsk.
Vous êtes né en Ukraine et vous vivez désormais en Russie. Pouvez-vous expliquer votre parcours à nos lecteurs ?
J’ai 73 ans. Je suis né à Makievka dans ce qui était le Donbass ukrainien à l’époque. J’ai fait mes études d’ingénieur à l’université de polytechnique d’Odessa. Une ville créée en son temps par la tsarine Catherine II. J’ai commencé à travailler à Vladivostok en tant qu’ingénieur en électronique. L’usine fabriquait des composants pour les sous-marins nucléaires russes, les porte-avions et les navires de guerre. Les navires de guerre étaient ensuite assemblés dans une usine près d’Odessa.
Vous êtes retourné régulièrement en Ukraine ?
Oui. C’est là que j’ai grandi et j’y avais encore beaucoup d’amis et de la famille. C’est ma terre, l’endroit où mes ancêtres, mes parents désormais, sont enterrés. En plus, dans la religion orthodoxe nous avons une tradition. Le 9e jour après la Pâque nous avons l’habitude de rendre hommage à nos morts en nous rendant dans le cimetière où ils sont inhumés. Nous leur parlons. C’est une façon de renouer avec nos racines, nos ancêtres, et de les honorer.
Vous avez eu des problèmes cette année pour vous rendre au cimetière ?
Oui. En avril dernier, il y avait de violents combats sur cette partie du Donbass et nous ne pouvions pas venir honorer nos morts. C’était trop dangereux. J’ai été arrêté à la frontière de la DNR du fait des bombardements. Heureusement, cette partie du Donbass est devenue russe, aussi j’ai pu prendre le risque de m’y rendre depuis pour visiter les tombes. Mes amis d’enfance qui habitent toujours sur place se sont occupés du tombeau de ma famille. Je leur dois des remerciements parce qu’après les bombardements ils devaient restaurer les monuments. Ils m’envoyaient des photos des tombes qu’ils rendaient dans leur état d’origine.
Vous avez risqué votre vie sans hésiter pour revenir dans votre ville de naissance ?
C’était un risque certes. Le cimetière était interdit du fait de la présence des bases russes juste à côté, et surtout des bombardements incessants. Mais c’est un devoir de rendre hommage à nos ancêtres. C’est important. Si vous négligez de vous occuper des tombes de vos ancêtres alors vos compatriotes ne vous respectent plus. Vous serez mal jugé.
Les bandéristes ont fait beaucoup de dégâts sur la ville ?
Énormément. Il y a beaucoup de maisons vides parce que les gens sont morts sous les bombes fournies par l’Otan. Des maisons sont détruites. Il y a beaucoup de chiens errants dont les maîtres sont décédés, alors ceux qui restent essaient de les nourrir comme ils peuvent. À côté du cimetière il y a une école au numéro 48 de Makievka où j’ai moi-même étudié enfant, qui a été bombardée, ainsi que l’hôpital.
Les bombardements venaient visiblement de Avdeevka. C’était les banderistes qui bombardaient les écoles et les hôpitaux. Nous ne comprenions pas pourquoi ils bombardaient des quartiers où il n’y avait que des civils. Avec les techniques de guerre modernes on peut savoir au mètre près où vont atterrir les missiles. Nous savions par conséquent que les tirs étaient ciblés sur les quartiers d’habitations, les hôpitaux et les écoles, les écoles maternelles. Il n’y avait jamais aucun militaire russe là où les missiles tombaient. Les armées russes étaient sur les collines, derrière la ville, là où avant il y avait des vergers. Mais les bandéristes essayaient de faire le plus de morts possibles parmi les civils alors ils visaient les jardins d’enfants, les marchés…
La maison de mes amis d’enfance à Yassinovataya a ainsi été bombardée. Le balcon et les fenêtres ont été détruits. Dans l’appartement voisin il y avait une étudiante de 20 ans qui a été tuée alors qu’elle travaillait chez elle sur son PC.
Quand j’étais sur place, il n’y avait pas de vitres. Les fenêtres avaient été fermées par des films – bien que la mairie donne aux habitants gratuitement des vitres pour remplacer celles qui ont été brisées. Mais nous les aurions remplacées pour la 4e fois, alors nous attendions l’arrivée du froid pour le faire. Inutile de recommencer encore et encore.
Vous qui êtes né Ukrainien et qui vivez aujourd’hui en Russie, comment expliquez-vous cette haine qui est apparue entre deux peuples frères ?
Lorsque je faisais mes études à l’université polytechnique d’Odessa j’avais beaucoup d’amis qui aujourd’hui sont répartis dans toute l’Ukraine. Si certains me disent que j’ai eu raison de m’installer en Russie, la plupart qui vivent dans l’Ouest sous le bandérisme me considèrent comme un traître à l’Ukraine parce que mes ancêtres viennent des cosaques de Zaporijia.
Cette attitude n’est pas récente. Nous avons pour tradition en Russie de nous réunir tous les cinq ans entre « anciens » des écoles universitaires. Avant 2014 il n’y avait jamais eu de problème mais, en 2017, on nous a dit « si vous venez de Russie ne venez pas, vous n’êtes pas les bienvenus ».
En fait, il est clair qu’une puissance étrangère a manipulé les Ukrainiens pour les monter contre les Russes. On est arrivé à un tel point que certaines familles se sont déchirées. Je connais une famille où les deux frères sont dans les armées opposées. L’un est colonel dans l’armée russe et l’autre est colonel en Ukraine. Lorsqu’ils se réunissent au cimetière pour la Pâque, ils se retrouve face à face, en ennemis.
Même les livres d’Histoires en Ukraine ont été réécrits. Par exemple, à propos de la grande guerre patriotique, on peut lire que c’était une guerre visant à sauver l’Ukraine car c’est l’Ukraine qui a été attaquée et détruite. Ils réécrivent l’Histoire comme ça les arrange et se moquent de la vérité. C’est de la folie pure.
Comment les gens et vous quand vous étiez là-bas réussissent-ils à vivre sous les bombardements quasi-permanents ?
Les habitants du Donbass espèrent que ce conflit va bientôt se terminer parce que neuf ans, c’est trop !
Il ne faut pas oublier que pour nous cette guerre a commencé en 2014. Nous sommes très fatigués de ce conflit, surtout les personnes âgées. La plupart des gens lors des bombardement ne descendent même plus dans les abris. Ils restent chez eux. Ils se placent debout le long des murs porteurs et loin des fenêtres et ils attendent que ça passe. Il y a trop de bombardements tout le long de la journée. Pour les habitants c’est épuisant de devoir descendre tout le temps. Même si les abris sont bien sécurisés. Il y a des vivres, des stocks de médicaments, de l’eau…
De même, nous avons des problèmes d’approvisionnement en eau potable. Nous sommes obligés d’utiliser de l’eau non potable et encore nous n’en avons que quelques heures par jour un jour sur deux. Heureusement, les Russes ont installé des citernes avec de l’eau potable près des écoles et lorsque ces dernières ont été bombardées, ils ont déplacé les citernes près des magasins. Le canal qui approvisionnait la ville en eau potable depuis la rivière Séverskii Donets avait été construit il y a cent ans. Il a été détruit par les bombardements. De même que le réservoir d’eau. Tout a été quasiment détruit par les bandéristes.
On arrive à avoir du gaz, de l’eau tant bien que mal, de l’électricité… c’est la Russie qui donne, alors on peut vivre. Heureusement la région de Chéliabinsk en Russie dans l’Oural aide énormément le Donbass. Ils ont reconstruit les hôpitaux, les écoles et les jardins d’enfants. Par contre pour les immeubles d’habitation ce sont les habitants qui se débrouillent pour reconstruire ce qu’ils peuvent. Mais à chaque fois que quelque chose est reconstruit, c’est détruit à nouveau par les bombardements. C’est un cercle infernal.
C’est une vie compliquée. Les gens font attention à ne pas aller là où il a trop de monde. Personne ne sort sans une bonne raison. Actuellement les vrais héros dans la ville, ce sont les facteurs. C’est eux qui apportent les retraites en liquide aux personnes âgées. Ils ne vont pas au distributeur avec leur carte bancaire pour chercher de l’argent car c’est trop dangereux. Les facteurs apportent aussi des produits d’alimentation. Ils n’ont pas peur. Ils sont très courageux. De toute façon les personnes qui sont nés là-bas ne veulent pas en partir. C’est chez eux. C’est la terre de leurs ancêtres et ils ne veulent pas la quitter. Les plus jeunes partent en Russie pour travailler mais ils reviennent toujours sur leurs terres.
Certains Ukrainiens qui vivaient dans le Donbass l’ont quitté lorsque cette partie est devenue russe, mais c’est une minorité. Beaucoup d’autres par contre sont venus de différentes régions de l’Ukraine pour s’y installer parce que c’était devenu la Russie et qu’ils y avaient un meilleur avenir, même avec les bombardements.
Le plus dur, c’est pour les jeunes enfants qui sont nés avec la guerre et qui entendent les bombardements nuit et jour. Ils ne le supportent plus. Ils ne peuvent pas vivre avec ça. Ce n’est pas une vie pour un enfant. Il n’y a jamais de pause. Beaucoup de gens qui habitent là-bas ont envoyé leurs enfants dans des internats dans la région de Rostov en Russie pour les mettre à l’abri.
On a accusé Vladimir Poutine d’avoir « enlevé » des enfants Ukrainiens en Russie. Est-ce que qu’il y a un fond de vérité dans cette affirmation ?
Absolument pas.
Les tout petits enfants sont partis avec leurs parents. C’est la génération des trentenaires qui ont des enfants en bas âge. Les plus grands, les adolescents, sont partis seuls hors du Donbass pour poursuivre leurs études en internat, en sécurité dans différentes régions de Russie. Jamais la Russie n’a enlevé les enfants ! C’est un grand mensonge. De la provocation de la part de l’Occident.
La seule chose que nous, nous pourrions reprocher à Vladimir Poutine, c’est d’être intervenu bien trop tard.
À votre avis ce conflit va-t-il encore durer longtemps ?
Tout le monde espère que ça va se terminer en 2024. Il ne faut pas oublier que cela fera dix ans que nous vivons sous les bombes des bandéristes. Depuis février 2022 le conflit a évolué. Il y a de plus en plus de militaires russes à Donbass. Ils ont instauré le couvre-feu et une discipline sévère. On ne peut pas se promener ni se réunir facilement. Une de mes amies devait fêter les 60 ans de la création de l’école mais elle n’a pas pu, ça a été interdit. En fait, c’est pour éviter que les bandéristes ne voient les rassemblements des civils grâce à leurs satellites et ne les bombardent. L’armée russe a dû prendre des précautions pour éviter des tueries de masse parmi les civils.
De même, chaque semaine la Russie envoie de l’aide humanitaire. Mais les personnes sur place qui ont encore des potagers, qui font des conserves de légumes, donnent des légumes en conserve aux soldats, car ils sont très contents que l’armée russe soit enfin venue les protéger. Ce sont nos sauveurs.
Avec une amie d’enfance nous sommes allés à Makievka, ma ville de naissance, et nous avons rendu visite à une autre amie qui avait été blessée et qui de ce fait restait dans son pavillon, avec l’aide de ses petits-enfants. Elle avait fait une bonne récolte de cornichons, de légumes et de fruits dont elle faisait des conserves. Elle nous a raconté qu’un jour un char s’est garé dans son potager. Elle a eu peur que ce soit des Ukrainiens mais quand ils ont commencé à tirer des missiles vers les bandéristes, elle a compris que c’était les Russes. Elle était tellement contente qu’elle leur a apporté de grandes boîtes de bocaux de cornichons. Le char est reparti mais les bandéristes ont continué à tirer sur son jardin et ont détruit entièrement son verger. Pour rien, puisque le char était parti.
Apparemment à vous entendre l’armée russe entretient de bonnes relations avec les habitants. Contrairement à ce qui est dit dans la presse en Occident vous ne considérez pas les Russes comme des envahisseurs ?
De très bonnes relations. Mes amis qui habitent encore sur place font du pain, des gâteaux, des confitures qu’ils apportent aux militaires Russes.
Jamais les gens du Donbass n’ont considéré les Russes comme des envahisseurs. Je sais par les amis qui sont restés là-bas que c’est ce qui se colporte, mais c’est faux. Nous les considérons comme des libérateurs. Malheureusement, ils sont venus trop tard. Il aurait fallu qu’ils viennent en 2014. Nous comprenons néanmoins qu’en 2014 la Russie n’était pas encore prête à combattre toutes les nations de l’Occident réunies, mais huit ans c’était très, très long. Ceci dit la plupart d’entre nous le conçoivent. Mais tant de sacrifices, tant de victimes… À Donetsk il y a un monument qui s’appelle « l’allée des Anges » en hommage aux enfants assassinés par les bandéristes.
Comment est-ce que vous expliquez que les Ukrainiens continuent à se faire tuer « jusqu’au dernier » pour un combat qui est perdu d’avance ?
Les enfants de mes amis du Donbass qui sont sur le front côté russe disent que les soldats Ukrainiens sont probablement drogués. Ils ne sentent pas la douleur et quand ils sont faits prisonniers et qu’ils retrouvent leurs esprits, ils réagissent différemment. On dirait qu’ils redeviennent normaux.
Beaucoup d’Ukrainiens essaient d’échapper à la circonscription. Mais c’est très difficile du fait des contrôles aux frontières tant du côté russe qu’ukrainien. Surtout les hommes entre 15 et 55 ans.
Ceci dit, Vladimir Poutine a voulu faciliter l’arrivée des Ukrainiens sur le territoire russe mais encore faut-il pouvoir quitter l’Ukraine, et c’est devenu extrêmement dangereux.
Comment peut-on comprendre que Volodymyr Zelensky qui ne parlait que russe, qui a dû apprendre l’Ukrainien quand il est devenu président, a pu se dresser contre une partie de son propre peuple ?
Vous connaissez cette chanson : « Money, Money, Money » !
Il est totalement vendu à l’Occident. Mais désormais il n’a plus le choix. Il a fait le mauvais choix au départ.
Au Donbass, Zelensky est exécré par tous les habitants, et c’est apparemment le cas dans une grande partie de l’Ukraine aussi. Bien qu’apparemment à Kiev, et même en Russie, les gens ne se rendent pas vraiment compte de la situation. Il faut vivre les événements pour comprendre.
Pourtant lors de son élection ne s’était-t-il pas engagé de mettre fin à la corruption et à être le président de tous les Ukrainiens ?
En effet. Nous étions très contents lorsqu’il a été élu. Nous l’avions cru sincère. Nous le connaissions comme un artiste, un humoriste très connu. Nous avions espéré qu’il allait tenir ses promesses.
Pour vous le Donbass est un pays qui a de l’avenir ?
Oui. Nous espérons. La terre est bonne. L’industrie est florissante avec des usines de sidérurgie, d’électronique, chimiques, malgré les bombardements. Les gens travaillent sur place et parfois ne rentrent pas chez eux car dans les usines il y a des abris et tout ce qu’il faut pour survivre. Les bâtiments qui datent de l’époque soviétique sont très, très solides. Souvent ils ne rentrent chez eux qu’une fois par semaine. C’est moins dangereux que de devoir faire la route tous les jours.
Regardez ce qu’est devenu Marioupol. Maintenant c’est la Russie. La ville renaît de ses cendres. C’est devenu une belle ville entièrement reconstruite, avec des jardins d’enfants, de beaux immeubles, des hôpitaux… Quelques régions russes ont parrainé la ville.
Que faudrait-il selon vous pour que ce conflit s’arrête ?
Il faudrait des pourparlers, mais avec Zelensky ce n’est pas possible parce qu’il est vendu ! Il a été acheté.
Nous espérons que Zelensky soit éliminé. Peut-être sera-t-il tué, où il se sauvera… mais il va sûrement partir. C’est la seule solution pour que nous retrouvions la paix.
Propos recueillis par Valérie Bérenger
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