Le Blog de Lazare

Toujours prompt à s’exonérer de ses responsabilités, Macron n’a rien trouvé de mieux que de faire porter le chapeau de la tragédie du Haut-Karabagh aux Russes, complices de Bakou.

J’ai déjà écrit un article sur cet épineux sujet, un conflit à la fois ethnique, religieux et territorial entre Azéris et Arméniens, qui remonte bien au-delà de l’éclatement de l’Empire soviétique en 1991.

https://ripostelaique.com/la-poudriere-du-caucase-sembrase-a-nouveau.html

Le 25 septembre 2023, Macron déclarait :

“La France est aujourd’hui très vigilante de l’intégrité territoriale de l’Arménie. Aujourd’hui, il y a la Russie qui est complice de l’Azerbaïdjan, il y a la Turquie qui a toujours soutenu ses actions (ndlr : celles de l’Azerbaïdjan).“

https://armenpress.am/fre/news/1120426/

Mais une semaine plus tard, il n’y a plus de Haut-Karabagh qui s’est vidé de ses habitants. Et ni Macron, ni l’UE n’ont levé le petit doigt pour sauver les résidents de cette enclave arménienne. Quand on prétend se poser en protecteur d’un pays ami, ou bien on s’en donne les moyens, ou bien on se tait. Les 600 000 Arméniens qui vivent en France n’ont nul besoin de discours futiles totalement inconsistants. Ils attendaient mieux de Paris et de Bruxelles.

De son côté, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, en visite à Erevan le 3 octobre 2023, confirmait le soi-disant soutien de la France à “la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Arménie”.

Et aussi perfide que Macron, elle souhaite “une action diplomatique internationale face à l’abandon de l’Arménie par la Russie” et dénonce “la complicité réelle de celle-ci”. Il faut oser !

Les 120 000 habitants qui ont fui le Haut-Karabagh, pour éviter les persécutions des Azéris, ont pu voir combien la communauté internationale les avait soutenus.

C’est pourquoi, faire porter le chapeau du désastre à Poutine ne manque pas de sel.

La France, l’UE et la communauté internationale sont aux abonnés absents depuis le 19 septembre, mais c’est Poutine le coupable de la tragédie vécue par les Arméniens. C’est oublier qu’Erevan a lâché Moscou depuis longtemps, préférant miser sur l’Occident pour assurer son avenir.

Remettons les pendules à l’heure

1- Le Premier ministre Pachinian fait le procès des Russes qui n’ont pas protégé le Haut-Karabagh, mais pourquoi Poutine enverrait-il ses soldats au feu, dès lors que Pachinian n’a pas jugé bon d’envoyer sa propre armée protéger ses propres ressortissants ? Un peu de sérieux !

2- La tragédie du Haut-Karabagh est d’abord la faute du Premier ministre Pachinian, qui a reconnu la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur cette enclave arménienne.

https://www.asafrance.fr/item/geopolitique-l-armenie-reconnait-la-souverainete-de-l-azerbaidjan-sur-le-karabagh.html

Le Haut-Karabagh n’étant reconnu par aucun pays et de plus étant lâché par Erevan, il ne faut pas s’étonner que Moscou n’ait pas jugé bon d’intervenir.

3- L’autre raison qui explique la passivité des Russes est la décision de Pachinian de lancer des exercices militaires avec les États-Unis. Dès lors qu’Erevan a fait le choix suicidaire de confier sa protection aux Occidentaux plutôt qu’à Moscou, on comprend la neutralité affichée par la Russie.

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/07/l-armenie-annonce-des-exercices-militaires-avec-les-etats-unis_6188208_3210.html

4- La quatrième raison qui a convaincu les Russes de ne pas intervenir comme en 2020, est que l’Arménie, jusque là neutre dans le conflit ukrainien, a récemment pris position pour Kiev.

“Déterminée à prendre ses distances avec son alliée russe, l’Arménie a pour sa part rompu en mai avec la prudente neutralité qu’elle affichait auparavant, lorsque le premier ministre, Nikol Pachinian, a déclaré que son pays n’était pas « un allié de la Russie » dans ce conflit. Erevan a même fourni une aide humanitaire à l’Ukraine, remise par l’épouse du chef du gouvernement elle-même, et cherche ostensiblement à se rapprocher des pays occidentaux.”

5- Enfin, l’adhésion de l’Arménie à la CPI, qui cible Poutine pour crimes de guerre, n’arrange rien dans les relations Moscou/Erevan.

6- La Turquie, membre de l’Otan qui godille sans arrêt entre l’Occident et la Russie, soutient Bakou en poursuivant son génocide de l’Arménie chrétienne, initié en 1915 mais jamais achevé.

7- Et pour terminer, Bakou possède deux atouts maîtres qui desservent l’Arménie :

– L’Azerbaïdjan possède le pétrole et le gaz qui font défaut à l’UE suite aux sanctions contre la Russie.

– Moscou fait transiter son gaz par l’Azerbaïdjan vers l’Arménie et la Turquie.

La triste conclusion est que l’Arménie n’a plus aucun soutien autre que verbal et humanitaire.

En prenant ses distances avec Moscou pour jouer la carte occidentale, Pachinian a condamné le Haut-Karabagh. Et s’il compte sur l’Occident pour défendre l’intégrité territoriale de l’Arménie, il se trompe.

Si Bakou décide de créer un corridor reliant l’enclave autonome de Nakhitchevan au reste du territoire azerbaïdjanais, que fera l’Occident ? Rien.

L’Occident n’a jamais voulu sauver l’Arménie mais seulement affaiblir la Russie dans sa zone d’influence.

Bombarder la Serbie, la Libye, la Syrie, l’Afghanistan ou l’Irak, pour des causes plus que douteuses, la France sait faire. Mais pour sauver un pays chrétien ami et éternellement persécuté, elle est aux abonnés absents.

Il est trop facile de culpabiliser Poutine. Car en réalité, c’est Pachinian qui a provoqué la rupture avec Moscou et qui a refusé de défendre le Haut-Karabagh. Quant à Macron, il a encore tenu un discours trompeur et mensonger, comme toujours.

Pachinian  a misé sur le mauvais cheval. Seule la Russie peut garantir l’intégrité territoriale de l’Arménie si Bakou décide de poursuivre sa croisade contre Erevan.

Jacques Guillemain