Il est encore des naïfs pour imaginer une Allemagne ayant, en 1945, définitivement remisé sa volonté de puissance européenne. Le rapport d’investigation publié en avril 2023 par un discret « Comité d’intelligence stratégique pour la souveraineté » (CI2S), intitulé « Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du secteur nucléaire français » leur ouvrira sans doute les yeux.
Dans sa livraison du 8 mai dernier, la revue Conflits revient dans un entretien sur les grandes lignes de ce rapport.
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Propos recueillis par Côme de Bisschop :
Ce samedi 15 avril, vingt et un ans après sa décision de sortir de l’atome, l’Allemagne a définitivement débranché ses trois derniers réacteurs nucléaires en activité. Comment l’opinion publique allemande est-elle devenue farouchement antinucléaire ?
L’opposition de l’opinion publique allemande à l’atome se développe durant la guerre froide. Si elle concerne initialement le nucléaire militaire (notamment au travers de mouvements pacifistes parfois instrumentalisés par les Soviétiques comme ce fût le cas lors de la crise des Euromissiles), elle s’étend progressivement au domaine civil, notamment après l’accident de Tchernobyl. Dès lors, l’atome inspire une telle crainte qu’on trouve des livres “traumatisants” destinés à enseigner la peur du nucléaire à la jeunesse. On peut notamment citer les ouvrages de Gudrun Pausewang qui contenaient des descriptions détaillées d’enfants agonisant à la suite d’un “Tchernobyl géant” en Allemagne et qui furent mis au programme par de nombreux instituteurs de l’époque.
Depuis, le sujet du nucléaire n’a pas disparu des débats publics. Il a notamment été utilisé par des partis politiques, à l’instar de Die Grunen, comme cheval de bataille électoral. Tous ces éléments contribuent au développement d’une psychose autour de la question nucléaire. Celle-ci fut notamment observable à l’issue de l’accident de Fukushima en mars 2011 lorsqu’une frénésie s’empara de l’opinion publique allemande. Cela poussa Angela Merkel à accélérer l’abandon de l’atome face à la menace d’un revers politique au profit de Die Grünen lors des élections suivantes.
Les fondations politiques sont des acteurs spécifiques de la politique étrangère allemande. Ces dernières sont-elles des agents d’influence de l’État allemand ? En vue de quels objectifs agissent-elles ?
Les fondations politiques sont une spécificité du système allemand qui ne trouve pas vraiment d’équivalent dans le reste du monde. Il s’agit de structures parapolitiques, financées majoritairement par l’État et rattachées à un parti politique allemand. On compte 7 fondations, la fondation Friedrich Ebert (SPD), la fondation Konrad Adenauer (CDU), la fondation Friedrich Naumann (FDP), la fondation Hans Seidel (CSU), la fondation Rosa Luxembourg (PDS/Die Linke), la fondation Heinrich Böll (Les Verts) et la fondation Desidarius Erasmus (AfD). Elles fonctionnent sur un modèle assimilable à celui d’un think tank avec comme objectif déclaré la promotion d’une ligne idéologique proche de celle de leur parti de rattachement. Elles agissent sur le sol allemand, mais également à l’international. Bien que revendiquant une indépendance vis-à-vis de l’État fédéral, l’examen empirique de l’action des fondations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale met en lumière leur rôle d’agent d’influence aligné sur les intérêts allemands.
Dès les années 50, les fondations sont massivement employées par la République Fédérale Allemande dans sa stratégie de lutte contre l’influence communiste, notamment contre celle de la RDA face à qui elle souhaite incarner “l’Allemagne légitime”. Les fondations sont notamment employées en Amérique du Sud où leur efficacité est tel qu’elles serviront de modèle à des expériences telles que la National Endowment for Democracy, une structure financée par le gouvernement américain, et impliquée dans de nombreuses opérations de déstabilisation de régimes étrangers. L’État allemand est particulièrement satisfait de l’action des fondations. Il loue dans un rapport leur capacité à “influencer le développement de pays à travers une orientation de leurs élites dans un sens sociopolitique déterminé”, mais également le fait que leur emploi permet de dissimuler l’implication du gouvernement fédéral. Par moment, l’État estime même que l’emploi des fondations politiques est plus efficace que celui de ses services secrets.
En 1996, le Président fédéral Roman Herzog déclare considérer les fondations comme “l’un des instruments les plus efficaces et éprouvés de la politique étrangère allemande, si on ne se limite pas aux seules méthodes et au savoir traditionnel de la diplomatie”. Depuis la fin de la Guerre froide, les fondations politiques ont été engagées en Europe de l’Est dans des opérations “d’européanisation” des sociétés et de rapprochement des élites politiques avec l’Allemagne ; en Afrique, afin d’appuyer la politique étrangère allemande ; dans les États des printemps arabes afin de peser sur les modalités de fonctionnement des nouvelles institutions et, plus récemment, en France afin de pousser Paris à renoncer à l’énergie nucléaire.
La liste ci-dessus est loin d’être exhaustive, les fondations politiques allemandes mènent des actions partout dans le monde avec la bénédiction d’un État allemand particulièrement satisfait n’ayant de cesse d’augmenter leur budget.
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L'Allemagne veut la mort du nucléaire français
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