Le Blog de Lazare

Le Machin, comme disait le général de Gaulle, est depuis son installation à New York, après avoir été à Genève à l’époque de la SDN, au service des intérêts des USA. Mais ces dernières décennies ont démontré que la passivité de l’ONU était de plus en plus décriée. Les USA lancent une mission punitive en Irak, et l’ONU ne dit rien. Les cas sont très nombreux où le droit du plus fort s’est imposé à l’ONU, les membres subissant cette loi en silence.

Les événements de ces dernières semaines laissent présager autre chose. La Chine a demandé une enquête internationale sur l’identification du responsable de la destruction de l’infrastructure internationale : les pipe-lines Nord Stream 1 et 2. Jusqu’à présent, l’ONU s’est déclarée incompétente et peu désireuse de mener une telle enquête. La Chine propose des pistes de paix pour sortir de la guerre en Ukraine, et immédiatement l’OTAN agresse la Chine avec un dédain au limite d’un racisme exacerbé, laissant supposer que les USA préfèrent la guerre. Rappelons que la France est aussi dans une situation bien complexe avec les soupçons qui pèsent sur sa responsabilité du génocide au Rwanda, etc. Les nations occidentales sont protégées par l’ONU. Secret de Polichinelle.

La Chine se pose de plus en plus comme l’alternative raisonnable qui tient tête aux USA et à l’ONU. Le récent discours de Poutine ne dit pas autre chose. Alors que ces pays agrègent déjà autour d’eux ceux qui veulent une alternative économique (les BRICS et leurs alliés), il va devenir intéressant d’observer leur attitude face à la partialité de l’ONU. Peut-être bien que les mois à venir vont donner lieu à d’autres initiatives diplomatiques. La Chine peut très bien proposer une organisation internationale alternative, s’adjoindre le Brésil, l’Iran, l’Inde, des pays représentatifs par leur population, leur influence régionale et leur volonté de s’affranchir de l’imperium américain. 

Dans un premier temps, les manœuvres de la Chine visent bien à décrédibiliser encore plus les USA. Beaucoup de pays voient bien le jeu américain. Peut-être même que l’intervention très récente de Trump sur la domination de l’État profond, constitué du complexe militaro-industriel et des grandes agences (CIA, FBI, NSA en particulier) alerte l’Amérique sur le danger de son acharnement et sur l’isolement qui s’ensuivra. Trump et d’autres autour de lui mesurent peut-être le risque d’une Amérique isolée, qui, à force de souhaiter le découpage des économies, produirait un éloignement des autres nations, préférant commercer entre elles, ou avec le premier producteur du monde : la Chine. 

Dans un deuxième temps, si la guerre continue malgré les initiatives de la Chine, la responsabilité américaine deviendra de plus en plus évidente, même pour ceux qui ne la voient pas clairement encore aujourd’hui. Ce moment-là permettra de proposer une alternative, celle de rejoindre une organisation mondiale alternative, celle des pays de bonne volonté qui veulent un autre futur pour le monde. Même si la Chine est un régime autoritaire avec son crédit social que nous ne voulons pas pour nous, elle a pour légitimité de n’avoir jamais, jusqu’à présent, été un État conquérant et impérial. À l’exception de l’affaire tibétaine, la Chine n’a pas déclenché des guerres partout dans le monde comme les USA. Ce crédit-là est immense pour de nombreuses nations qui n’aspirent pas au désordre et à l’instabilité permanente. 

Dans un troisième temps, les BRICS peuvent constituer une alternative économique et politique avec ses accords internationaux, sans les nations occidentales. N’oublions pas que notre part de PNB mondial ne cesse de baisser. Rappelons que notre poids démographique est de 10 % de la population mondiale. Précisons que malgré nos illusions, les inventions ne sont plus notre monopole, la Chine, l’Inde ou même l’Iran disposent de bataillons d’ingénieurs talentueux et ingénieux. La Chine, la Russie, le Brésil et l’Argentine (qui entreprennent une monnaie commune pour résister aux USA) peuvent prendre l’initiative de règles internationales différentes.

Les institutions internationales ont toujours reflété la puissance des nations. L’Église de Rome dominait quand les grandes nations chrétiennes européennes dominaient. La SDN s’ensuivit dans une version laïque au profit des nations coloniales incluant les USA dans la première moitié du XXe siècle. Son passage à New York témoignait du déplacement de la puissance de l’autre côté de l’Atlantique. Il se pourrait bien que nous assistions à un basculement de l’autre côté du Pacifique. Notre marginalisation est en marche, sauf à être les artisans d’un multilatéralisme intelligent. L’État profond américain dessert sans doute tout l’Occident aujourd’hui. À suivre.

Pierre-Antoine Pontoizeau