Le Blog de Lazare

Nous l’avons constaté depuis près d’un an, la chaîne LCI a décidé de recentrer ses activités sur le conflit en Ukraine, en devenant exclusivement un outil de propagande pro-ukrainien. Là n’est pas le problème ; c’est le choix éditorial d’une chaîne privée, il n’y a rien à redire à ce sujet.

Par contre, le minimum que nous serions en droit d’attendre d’une chaîne de télévision se prétendant d’« information » serait d’analyser correctement les données qui lui sont transmises au lieu d’en tirer des conclusions qui n’ont ni queue ni tête.

C’est ainsi qu’hier, nous avons vu cette assemblée de journalistes, de généraux en retraite et d’intervenants en tout genre affirmer gaiement que l’espérance de vie des soldats russes envoyés au front était de 60 jours. En effet, c’est ce qu’en conclut Novaya Gazeta, qui a analysé les avis de recherche ainsi que les avis d’obsèques publiés sur internet (plus de 10 000), après un calcul statistique extrêmement sérieux. Il apparaît donc qu’en moyenne, ces soldats étaient arrivés sur le front 60 jours auparavant.

Il n’est pas nécessaire d’être docteur en mathématiques pour comprendre que cette étude fait montre d’un léger biais statistique, c’est le moins que l’on puisse dire. En effet, l’échantillon considéré est composé uniquement de soldats morts, ou supposés comme tels. Par définition, les soldats qui ont survécu n’en font pas partie (c’est une remarque qui semble stupide, mais qui visiblement a échappé à LCI).

Si je fais un sondage dans un centre de soin palliatif, j’en conclurai que l’espérance de vie de mon échantillon est de quelques semaines. Il est clair pour tout le monde qu’il serait idiot d’en déduire qu’il en est de même pour l’ensemble de la population française !

Une étude sérieuse aurait consisté à prendre un échantillon représentatif de soldats envoyés au front au même moment, et de l’étudier dans le temps. Ils auraient alors constaté que l’espérance de vie d’un soldat russe sur le front ukrainien est immensément plus grande que ces 60 jours.

De plus, que signifie « envoyé sur le front » ? Il est certain qu’un cuisinier ou un mécanicien situé à l’arrière du front a une espérance de vie bien supérieure à celui d’un fantassin envoyé à l’assaut. Et que dire de la notion de front ? L’intensité des combats n’est pas du tout la même selon que vous soyez au Nord ou au Sud du pays. Un statisticien trouverait sans doute encore mille raisons supplémentaires de jeter cette pseudo-étude à la poubelle.

Quel que soit l’angle d’analyse choisi, il est évident que cette étude n’a aucun sens, et que les conclusions sont un tissu de connerie.

Ce qui est triste dans cette affaire, c’est de constater, une fois de plus, le manque de professionnalisme de ces journalistes donneurs de leçon, à l’instar de ce qu’il s’est passé pendant l’épidémie de Covid-19.

Plus triste encore est le comportement de nos militaires sur ce plateau de télévision. Normalement, un général de l’armée française est supposé être un individu qui a étudié les sciences et les mathématiques pendant plusieurs années lors de sa formation initiale, ce qui est censé lui avoir inculqué un certain esprit critique, ou pour le moins une certaine prudence.

Un officier de l’armée française ne devrait pas s’autoriser à ricaner à la télévision en colportant le résultat bidon d’une étude falsifiée.

Alain Falento