À l’heure où j’écris ces lignes, à savoir lundi matin, 14 300 hectares ont été brûlés en Gironde. 1700 pompiers sont à pied d’oeuvre et 35 000 personnes ont été évacuées. Les conditions sont telles – canicule plus vents contraires – que tout le monde se demande quand ces incendies vont être enfin maîtrisées. Je ne suis pas pompier et encore moins expert en matière d’incendie mais une question – que je crois de bon sens – doit être posée.
En effet, à Irkoutsk en Russie est assemblé un hydravion bombardier d’eau bien supérieur par ses capacités au Canadair. C’est le Beriev BE-200. Sa mission d’extinction de feux de forêt repose sur 8 réservoirs d’eau et 4 écopes rétractables qui permettent de recueillir sans se poser 12 tonnes d’eau en 14 secondes alors que le Canadair n’en écope que 6 tonnes, soit la moitié donc ! Le Beriev peut également transporter 1,2 m3 dans 6 réservoirs auxiliaires, d’agents chimiques ignifugeants. Les enfants qui, aujourd’hui comme chacun le sait, maîtrisent à merveille l’arithmétique, vous diront que si nos pompiers avaient en ce moment des Beriev au lieu de Canadairs, ce ne sont pas 14 300 hectares qui auraient été brûlés mais 7 150. Et les plus malins ajouteraient que, comme les Beriev sont deux fois plus efficaces que les Canadairs, peut-être aujourd’hui, tous les feux seraient-ils maîtrisés, l’efficacité sous-entendant une rapidité d’intervention elle aussi multipliée par deux.
Le Beriev a fait ses preuves lors des gigantesques feux de forêt en Russie en 2010 mais également en Grèce, en Israël et au Portugal. L’Algérie, le Chili, la Chine et même les États-Unis sont en phase de négociation pour l’acheter. Le Beriev a été présenté les 9 et 10 juin 2018 lors du rassemblement international d’hydravions à Biscarrosse. Devant sa performance, les spectateurs ont poussé des Ah ! d’admiration et l’ont vivement applaudi.
Mais le Beriev a d’autres atouts. Il a une autre configuration prévue pour le transport de fret avec une possibilité d’atterrissage sur pistes terrestres. Il peut embarquer 72 passagers sans avoir à démonter ses réservoirs. Il peut donc intervenir en des lieux touchés par des catastrophes naturelles comme les inondations et tremblements de terre pour secourir les gens. Et surtout, aidé par Airbus, le Beriev a obtenu le 9 septembre 2010 la certification de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Alors, pourquoi ne le voit-on pas aujourd’hui opérer au-dessus de la dune du Pilat, au-dessus de La Teste-de-Buch ou au-dessus de Cazeau ou encore du côté de Nîmes ? Les personnels navigants de la Sécurité civile qui pilotent les Canadairs disent que le Beriev est peu adapté à la montagne comme le massif des Maures, la Corse et l’Esterel. Il a pourtant fait ses preuves dans des pays montagneux comme le Portugal ! Bizarre tout cela, non ? Il est vrai que les pilotes de Canadair habitués à leur avion n’aspirent pas à en changer. C’est possible et c’est humain.
Les moteurs qui équipent le Beriev sont produits en Ukraine. Lors de la rencontre Macron-Poutine du 24 mai 2018 à Saint-Pétersbourg, une remotarisation du Beriev a été signée entre le SaM146 franco-russe produit par la coentreprise Safran Aircraft Engines qui est français et son partenaire russe UEC (United Engine Corporation). Alors, elle en est où, cette coopération technique et plus exactement, politique entre la France et la Russie ? coopération bénéfique pour les deux partenaires et surtout bénéfique pour la nature et pour les habitants exposés aux feux de forêt ?
Sans doute, cette horrible guerre en Ukraine et les sanctions européennes contre la Russie doivent-elles être pour quelque chose dans l’arrêt de ladite coopération. Allez donc savoir, les dirigeants nous cachent tellement de choses ! En tous cas, les victimes, elles, sont toujours les mêmes : les braves gens.
Alors, à cette heure de très haute préoccupation des Français avec les incendies, il m’est venue une idée à moi, le grand et vieux naïf. J’imagine Vladimir Vladimirovitch appeler Macron – pour une fois, ce ne serait pas Macron qui appellerait Poutine ! – et lui dire : « Emmanuel, je mets à ta disposition, gratuitement 12 Beriev avec leurs pilotes bien sûr. Souviens-toi, en mars 2020 au moment du covid, mon armée de l’air avait acheminé en Italie une centaine de virologues et d’épidémiologistes, ainsi que du matériel médical à bord de 10 Ilyushin Il-76. Nous les Russes, on est comme ça, on est toujours prêts à aider les autres ! même s’ils ne nous en sont pas reconnaissants comme ces Italiens justement qui ont été parmi les plus virulents à réclamer des sanctions contre nous ! ».
Peut-être qu’un tel geste de Poutine abaisserait en partie les tensions entre son pays et l’Europe et faciliterait un début de négociations pour en finir avec cette foutue guerre. L’Europe, mais surtout la France, prendrait ainsi conscience que le temps de revenir à sa vocation universelle qui consiste à faciliter la paix partout où elle est menacée, est arrivé… et que c’est là beaucoup mieux que de jeter de l’huile sur le feu comme elle le fait aujourd’hui. Le Beriev ainsi serait non seulement instrument d’extinction de feux de forêt et instrument d’extinction de ce feu entre les hommes qu’on appelle la guerre !
Philippe Arnon