Lazare : Beaucoup de Patriotes pensent que pour contrer Macron, il suffit d'être en désaccord avec sa politique.
Erreur : il faut d'abord cesser de le croire.
En positionnant son discours sur le soutien de la France à l’Ukraine, le président de la République a subtilement et habilement enfermé les oppositions – mis à part le parti de Jean-Luc Mélenchon – dans un narratif qui les éloigne de fait d’une résistance qui pourrait faire perdre à son mouvement et à ses alliés la majorité au parlement européen.
Il n’est pas question ici de revenir sur la genèse du conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine, cette dernière étant largement aidée en sous-face par l’Europe, les nations membres de l’Otan et les États-Unis. On peut cependant s’accorder sur le point essentiel à la mise en lumière de la responsabilité de cette guerre qui n’est pas exclusivement du fait de la seule agressivité affichée de la Russie, comme le narratif fleuve officiel veut bien nous le faire croire. Mais en France, l’opposition au président Macron pourrait bien être affaiblie par sa position sur ce conflit.
On ne reviendra donc pas sur les causes multiples (accords de Minsk I et II notamment) et les relations bilatérales et historiques de la Russie et de l’Ukraine, éléments jamais considérés par l’Occident dans le déclenchement de cette guerre au milieu d’un jeu international mené par les États-Unis avec la complicité des membres de l’OTAN et des pays européens.
Ces derniers persistent en effet à tenir la Russie pour unique responsable des hostilités même, ce qui est loin d’être avéré définitivement, au vu d’une lecture plus fouillée et plus objective des événements. L’historien François-Auguste Mignet notait, en 1824 que «le véritable auteur de la guerre n’est pas celui qui la déclare, mais celui qui la rend nécessaire ». Il justifiait alors la déclaration de guerre du 20 avril 1792 de la France révolutionnaire contre l’Autriche. Nous verrons si l’Histoire nous dira qui, de la Russie ou des États-Unis poussant l’Ukraine et l’Europe, a rendu cette guerre nécessaire.
En France, la position des principaux partis politiques sur le conflit, en dehors de LFI, évolue en fonction de paramètres qu’il n’est pas aisé de cerner, mais sur lesquels le président s’appuie pour les enfermer dans leurs contradictions.
Les Républicains nous offrent, comme à l’habitude par la voix de François-Xavier Bellamy, tête de liste aux européennes une position toute en pastels subtils quand, invité de « Demain l’Europe », le rendez-vous de France-Info avec les têtes de liste aux élections européennes 2024 le 18 janvier qu’avec ses déclarations, le président français «a fragilisé la France et sa position, l’Ukraine et sa défense, et l’Europe tout entière. La guerre en Ukraine doit prendre fin quand les Ukrainiens choisiront de négocier la paix à leurs conditions et ce n’est pas à nous de le dire. Notre rôle, c’est de soutenir l’Ukraine pour qu’elle soit dans la position la plus forte possible. » Même s’il ne souhaite pourtant pas que l’Ukraine adhère à l’Europe, mais en appelle à la « créativité » des 27 pour créer un « nouveau statut intermédiaire » qui lui permettrait d’entrer dans l’antichambre de la Communauté européenne. Sous quel statut, avec quelles obligations et quels avantages, on ne le sait pas. Mais il ne coûte rien de faire une telle déclaration pour rester dans la ligne des Républicains qui a toujours été profondément européisme.
Pour le Rassemblement national, dans une interview donnée au média L’Opinion le 22 février 2023, Jordan Bardella, assurait que «le réel est revenu frapper à nos portes et il est clair que le Vladimir Poutine d’il y a cinq ans n’est pas celui qui, cinq ans plus tard, décide d’envahir l’Ukraine et de commettre des crimes de guerre», rejoignant ainsi allègrement les positions de ses opposants… «Volodymyr Zelensky est et restera un interlocuteur de la France dans les années qui viennent » déclarait-il également en marge de la standing ovation pour le président ukrainien à l’Assemblé nationale le 23 mars 2023… C’est, semble-t-il, faire un pari sur l’avenir qui sous-entend que la victoire future de l’Ukraine est actée par ce parti.
Quant au Parti Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan également tête de liste aux européennes, il garde une position modérée et constante depuis le début du conflit. Il estimait le dimanche 4 décembre 2023 sur le plateau du Grand rendez-vous (Europe 1/Les Échos/CNews) qu’il était temps de «faire la paix entre l’Ukraine et la Russie et de calmer Zelensky », ajoutant «Je pense qu’aujourd’hui le combat dérive», précisant a juste titre – mais pas pour tous les opposants au président Macron – «que les torts étaient partagés ». Il a d’ailleurs saisi le Conseil d’État contre Macron, avec le parlementaire Alain Houpert, député Les Républicains, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à l’Assemblée nationale.
Florian Philippot président du parti Les Patriotes, reste fidèle à ses convictions, depuis le début : «Je refuse d’idolâtrer le président ukrainien et les nazis d’Ukraine. Je refuse le garde-à-vous derrière Macron qui ment, maltraite son peuple et veut cyniquement profiter de la guerre ! [Il est nécessaire ] de dissoudre l’OTAN et de chercher vraiment, enfin, la paix, pas pour de faux !»
François Asselineau, président de l’Union Pour la République (UPR) , qui présente également une liste aux élections européennes, est beaucoup plus tranchant. Même s’il estimait, en 2022 sur France 24, que la Russie avait violé le droit international, et que «l’on a fait subir aux populations européennes, et française, plus particulièrement, un lavage de cerveau, comme on n’en avait pas connu depuis les précédents conflits mondiaux», l’homme politique français estimait le 5 janvier dernier sur la chaîne « Le Dialogue » que « ce n’est pas la Russie qui a attaqué l’Ukraine, mais l’OTAN qui a bien attaqué la Russie » !
Marion Maréchal, vice-présidente du parti Reconquête, également tête de liste aux élections européennes, tout en nuances dans une déclaration du 8 février 2022, déclarant : « Tout en condamnant l’agression russe à l’égard de l’Ukraine, je crois que nos gouvernants n’ont pas anticipé et ne nous ont pas suffisamment préparés aux conséquences de leurs choix politiques » semblait être la plus constante dans ses positions… jusqu’à aujourd’hui… Car dans son interview du 14 mars dernier sur la chaîne Public Sénat, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen déclarait sans ambiguïté : «Je souhaite la victoire de l’Ukraine sur la Russie». Une victoire signifie une défaite dans le camp opposé et je ne suis pas certain que l’idéologie géopolitique des USA et de l’Europe iront dans le sens d’une grandeur et d’une sérénité retrouvées pour notre pays, comme le défend le parti d’Eric Zemmour avec à sa tête Marion Maréchal dans le jeux des élections européennes.
À l’exception de Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot et François Asselineau, les positions convergentes et clairement pro-ukrainiennes de l’ensemble de l’opposition de droite en France, dans le jeu électoral des élections européennes, risquent de se retourner contre elles dans la mesure où l’angle choisi par le parti au gouvernement est clairement celui de la peur suscitée par les déclarations belliqueuses du président Macron. Elles ne pourront dès lors s’opposer au narratif choisi par le parti au pouvoir pour ne pas créer une confusion sur leur positions, dont les grandes causes seront effacées par l’obligation qu’elles auront de rejoindre la majorité présidentielle sur le sujet ukrainien. Elles risquent sinon de créer un brouillage de leur message qui fera hésiter un grand nombre de nos compatriotes qui ne verront plus que cette présentation, prégnante dans les arguments électoraux des enjeux de l’élection européenne.
Jean-Louis Chollet