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2 octobre 2024 3 02 /10 /octobre /2024 08:32
L’armée de Bourbaki

« La grande trouvaille de l’armée, c’est qu’elle est la seule à avoir compris que la compétence ne se lit pas sur le visage. Elle a donc inventé les grades. »  (Alphonse Allais).

 

Dans la période triste et préoccupante que nous traversons – crise de civilisation, guerres en Ukraine et à Gaza, mobilisation paysanne contre Bruxelles, etc. – certains événements qui peuvent sembler anodins, sans importance, sans conséquence, me mettent un peu de baume au cœur.

Chaque jour qui passe me donne l’occasion de mesurer le délitement, l’effondrement, de la France : tout va à vau-l’eau, plus rien ne fonctionne normalement, et ceci n’est pas imputable à la conjoncture ou au hasard. Il y a chez nos dirigeants politiques une volonté délibérée de tout tirer vers le bas, de tout niveler, de tout rabaisser, d’entretenir la médiocrité, de dévaloriser les diplômes, les qualifications, les grades, les décorations, les titres,  et ce pour que les Français, conscients de leur médiocrité, acceptent les diktats de Bruxelles, et qu’on les conduise vers une gouvernance mondiale comme on mène du bétail bien docile à l’abattoir.

 Depuis longtemps, « panem et circenses », du pain et des jeux, ou, si vous préférez, Mac-Do, la télé et le foot ne suffisent plus à abrutir les masses. L’homme occidental est devenu un enfant gâté, il faut donc le flatter dans ses plus bas instincts. La pornographie, les loisirs, les 35 heures, la violence télévisuelle, la drogue quasi légalisée, les mœurs les plus dépravées l’entretiennent  dans une sorte d’hédonisme narcissique dans lequel, hélas, une large majorité se vautre et se complaît.

Dans son discours de politique générale, le gamin immature qui fait office de Premier ministre, en roulant des mécaniques et en enfilant les lieux communs comme on enfile des perles, nous a dit que la France était un grand pays car on pouvait être chef du gouvernement, « et en même temps » comme dirait Macron, pédéraste. J’avoue humblement que je ne situais pas la grandeur de la France à ce niveau-là. Je ne suis absolument pas homophobe mais je me fous de la sexualité du gugusse qui est à la tête de ce gouvernement d’amateurs et de branquignoles. Comme je me fous, d’ailleurs, des jérémiades et pleurnichailleries de madame Amélie Oudéa-Castoidelà, qui, si elle avait un minimum de dignité, devrait démissionner. Ces gens n’ont  aucune pudeur, et aucun sens de l’honneur.

Mais la troupe est à l’image de ses chefs. Les Français supportent, subissent, se taisent  car on leur explique à longueur d’année que l’Europe c’est bien et que le populisme est le mal absolu.

Certains – une minorité – ne se laissent pas faire. Les autres sont devenus des moutons ou des bœufs, en aucun cas ils ne deviendront des taureaux de combat ou des lions, mais pour éviter chez eux  des velléités de rébellion, il faut leur faire croire qu’ils ont de l’importance. Et pour ça, quoi de mieux que les médailles, les hochets, les diplômes au rabais et les titres ronflants ? Ça  flatte l’ego des imbéciles et des crétins prétentieux, et ça ne coûte pas cher au pouvoir qui les délivre.

Quand je parle de ceux qu’on caresse dans le sens du poil pour qu’ils votent bien, ne croyez pas que je noircis le trait à plaisir car cette  volonté de nivellement, de dévalorisation des institutions, des diplômes, des grades, va se nicher partout, y compris dans l’armée qui est pourtant  un corps très attaché à ses traditions. C’est pour ça que j’ai titré mon article « L’armée de Bourbaki », allusion à une guerre oubliée. Durant l’hiver 1870-1871, la guerre entre la France et la Prusse fut horrible, et l’hiver encore plus. Constituée de bric et de broc et commandée par le général Charles Denis Soter Bourbaki, l’armée de l’Est devait attaquer les troupes allemandes qui s’étaient emparées de Belfort. Mais elle fut battue et se replia vers le sud avant d’être encerclée à Pontarlier. Les troupes de Bourbaki manquaient de nourriture, de munitions et de vêtements.  Bourbaki délègue ses fonctions au général Clinchant puis, dans la nuit du 26 janvier 1871, se tire une balle dans la tête. Mais la balle ricoche contre son crâne et il est miraculeusement sauf. Le général Clinchant mena ce qui lui restait d’hommes à la frontière suisse en essuyant des pertes énormes. Là, il demanda l’asile militaire au Conseil fédéral le 28 janvier. Déposant armes, munitions et matériel à la frontière, 87 000 soldats à bout de forces trouvèrent alors refuge en Suisse.

Ceci m’amène à vous parler de notre armée, d’active ou de réserve.  Le général de Villiers, quand il était CEMA (1), avait déclaré : « L’armée est à l’os » pour faire prendre conscience du sous-effectif et du sous-équipement dans lesquels se trouvait la « Grande Muette ». Macron l’a viré !

Depuis l’offensive russe en Ukraine, on ne parle plus que de (risque de) « conflit de haute intensité ». On se paie de mots car, depuis la fin de la conscription, nous n’avons plus d’armée. Nos militaires d’active sont bien formés mais ils sont sous-équipés et trop peu nombreux. Le pouvoir fait des effets d’annonces et renforce les Réserves ce qui ne réglera qu’une infime partie du problème.

Rappelons, juste pour mémoire, que la Réserve militaire a été créée après la guerre  de 1870.  On parlait alors                 d’ « officiers de compléments ». De 1914 à 1918, l’armée française a compté dans ses rangs près de 195 000 officiers qui ont encadré 8 millions d’hommes. 36 593 officiers ont été tués. Une bonne moitié était des réservistes (2), dont entre autres, le lieutenant Péguy (3).

Le commandant Philippe Kieffer, à la tête des seuls Français qui débarquèrent en Normandie le 6 juin 1944, était un réserviste ; comme le commandant Bourgoin dont les paras ont été largués sur la Bretagne dans la nuit du 5 et 6 juin. Le colonel Allaire, bras droit de Bigeard en Indochine, que j’ai eu l’honneur de connaître, était un aspirant de Réserve avant d’intégrer l’armée d’active.

Dans d’autres guerres, je pourrais citer le sous-lieutenant Jean-Marie Le Pen engagé chez les légionnaires paras en partance pour l’Indochine ou le commandant Erwan Bergot.

Durant la guerre d’Algérie, on ne compte plus le nombre d’officiers de réserve qui ont servi dans les unités combattantes, les commandos de chasse ou les SAS (4).

De nos jours, je pense que la Réserve dite « opérationnelle » devrait surtout  être une affaire de spécialistes (service de santé, ingénieurs etc.) et qu’il faudrait, si on veut l’étoffer, lui adjoindre un vivier de combattants potentiels proche du « soldat citoyen » suisse.  J’ai un respect total pour les vrais professionnels ; or, en cas de conflit, la survie d’une troupe ne devrait pas être confiée à des « amateurs ». La réserve opérationnelle actuelle est constituée pour moitié de bons éléments (souvent d’anciens militaires d’active), et pour l’autre moitié de gens qui ont besoin d’exister et qui trouvent, au sein des Réserves, une honorabilité qu’ils n’ont pas forcément trouvée dans le civil.

Ceci dit, depuis que l’armée française est réduite à une peau de chagrin, les réservistes sont indispensables ; il est donc assez logique d’en augmenter fortement les effectifs. Mais comme nos dirigeants sont des champions de l’à-peu-près et du bricolage, ils n’ont rien trouvé de mieux que d’augmenter la limite d’âge des réservistes, dorénavant portée à…72 ans. Si, comme on peut le craindre, l’OTAN nous implique dans un conflit dit « de haute intensité », le déambulateur deviendra l’arme du fantassin. Je plaisante, mais ce constat est  plutôt tragique.

À chaque cérémonie où je me rends, béret rouge sur la tête, je retrouve quelques camarades  et un tas de gradés d’active ou de réservistes.  Mais il y a aussi quelques officiers de la Réserve dite « citoyenne ».  La réserve citoyenne date de 1999, et elle a balbutié pendant quelques années ; ces objectifs étant assez flous, elle n’intéressait pas grand monde. Et puis, François Hollande est passé par là. Après les attentats de 2015, il a souhaité créer une Garde nationale et redonner du souffle à la réserve citoyenne dont l’un des buts était de « s’engager bénévolement pour transmettre et faire vivre les valeurs de la République à l’école, dans le cadre d’activités périscolaires ou auprès de la société civile ». L’idée, de prime abord, pouvait paraître bonne et même louable. Or, depuis on a nommé plein d’officiers de réserve citoyenne dont le mérite principal est souvent d’être célèbres et/ou proches du pouvoir. Ces distributions de galons sont, à mes yeux, scandaleuses dans la mesure où elles instillent une confusion dans l’esprit des gens qui ne connaissent pas la hiérarchie militaire.

Lors d’une cérémonie, j’ai vu notre député macroniste, colonel de la réserve citoyenne : un type ventripotent et fort en gueule, ex-sergent dans la biffe, qui arborait fièrement une plaque de commandant… d’aviation ; un autre, après une courte carrière de sous-officier dans l’Intendance, était, lui, lieutenant-colonel… d’aviation également. Mais, je peux citer des exemples encore plus choquants de gens plus connus : le chef étoilé Thierry Marx, qui a été militaire du rang chez les parachutistes, doit à sa notoriété d’être lieutenant-colonel de la réserve citoyenne. Michel Sardou, insoumis envoyé de force en caserne à Montlhéry où il aura été un simple bidasse, est colonel de la RC. Son passage sous les drapeaux lui a inspiré un de ses succès « Le rire du sergent ».

Plus scandaleux encore, sans la bronca de l’Amicale du 13e RDP (5), Jean-Vincent Placé, l’écolo-alcoolo, dont on ne sait même pas s’il a fait un service militaire, aurait été nommé… colonel de cette prestigieuse unité de nos Forces spéciales.

Sébastien Lecornu, notre nouveau ministre des Armées, a été nommé colonel au titre des spécialistes de la Réserve en 2017. Le président d’une association de gendarmes réservistes s’est indigné de « ce jeune secrétaire d’État nommé en catimini colonel, à 31 ans, peu après son entrée au gouvernement ». Et c’est ce même Sébastien Lecornu qui est intervenu pour que le simple brigadier Alexandre Benalla soit nommé lieutenant-colonel dans la gendarmerie.

Les exemples sont légion de ces officiers supérieurs nommés par le fait du prince. Or, rien ne justifie leur promotion-éclair sinon la volonté de les flagorner, de les caresser dans le sens du poil, souvent pour récompenser leur servilité reptilienne et leur soutien inconditionnel au pouvoir. Mais ce n’est même pas indispensable : il y a quelques années, un ami, colonel en retraite, m’a proposé d’intégrer la réserve citoyenne. « Titulaire d’un 3e cycle, m’a-t-il déclaré, vous seriez lieutenant-colonel ». Et j’ai eu une pensée pour feu mon père auquel il avait fallu un bon classement à l’école d’artillerie de Poitiers, la campagne de France, une longue captivité chez les Boches, une formation de moniteur para à la Libération, l’Indochine et la bataille de Diên-Biên-Phu, une nouvelle captivité chez les Viets (6), puis les opérations du « Plan Challe » en Algérie – 30 ans de carrière et 3 guerres – pour arborer des galons de lieutenant-colonel. Notre époque ne respecte décidément rien !

Le général Thierry Burkhard, l’actuel CEMA, a décidé de mettre un terme à l’attribution de grades honorifiques aux réservistes citoyens. Il estime que ce galvaudage « induit une confusion entre les différents types de réserves, voire avec le personnel militaire d’active », ce qui est susceptible de susciter des « incompréhensions préjudiciables à la cohérence de l’ensemble ». Il a déclaré: « Sans préjudice des dispositions de l’article L4241-3 du code de la Défense…j’ai décidé de mettre fin à l’attribution de grades honorifiques aux réservistes citoyens de défense et de sécurité agréés au sein des armées… Dans l’attente de la modification des dispositions réglementaires, ils seront remplacés par l’appellation d’officier de la réserve citoyenne ». Voilà une excellente décision ! Ça  ne mange pas de pain mais tout ce qui peut revaloriser les véritables compétences est bon à prendre.  On me dit que ces officiers de la réserve citoyenne ne portent pas l’uniforme et ne touchent pas de solde. Que beaucoup d’entre eux prennent leur mission très à cœur et font preuve de dévouement. Et alors ?

Est-ce une raison pour galvauder les galons et créer une confusion dans l’esprit du public ? Je pense que, de la part du pouvoir, c’était voulu, pour dévaloriser une institution qui a des valeurs et représente encore quelque chose dans le cœur des Français ?

Depuis Giscard, nos Présidents ont souvent accordé la Légion d’honneur à des gens sans honneur, et l’ordre national du Mérite à des gens qui n’en avaient aucun. Giscard, Mitterrand, Sarkozy ont donné la Légion d’honneur à tous leurs amis ; Hollande l’a donnée, entre autres, à Mimi Mathy ; Macron l’a accordée à Elton John, citoyen britannique et pédéraste notoire. On les a vus sortants de l’Élysée main dans la main. Et, là encore, j’ai eu une pensée pour mon père qui est allé glaner « la rouge » dans une localité du pays thaï qui  s’appelait Diên-Bîen-Phu.

Que je sache, nous ne sommes pas l’armée mexicaine, donc quand le général Burkhard prend la décision de redonner aux grades et galons leur valeur d’antan, j’applaudis.

Eric de Verdelhan.

1) CEMA : chef d’état-major des armées.

2) Il s’agit d’une approximation car, même le « Rapport Marin », qui date de 1920 et comptabilise les tués de la Grande Guerre, manque de précision sur le sujet.

3) Le 5 septembre 1914, Charles Péguy, lieutenant au 276e  RI, a été tué (à la bataille à Villeroy).

4) Sections Administratives Spécialisées.

5) 13e Régiment de Dragons Parachutistes.

6) Dont il est revenu pesant… 39 kg.

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