Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne, européiste convaincue, dénonce l’influence de l’idéologie verte : « On est dans l’Europe, c’est un marché unique. Il faut que les règles soient les mêmes pour tout le monde »… La politique française a consisté à « surtransposer depuis très longtemps » les directives européennes en matière d’agriculture. Elle donne l’exemple des « 100 produits phytosanitaires de moins disponibles en France par rapport à d’autres pays, par choix français ».
« En France, on a eu un contexte de pression politique verte… Les mouvements verts ont fait pression sur les partis de droite et de gauche pour dire « Voilà ce qu’il nous faut ».
« On a vu ce que ça a donné sur le nucléaire : fermez les centrales, puis tout à coup rouvrez les centrales. Sauf qu’en agriculture, quand on a fermé les exploitations, elles ne rouvrent jamais ».
Christine Lambert appelle à revoir le Green Deal européen, le Pacte vert pensé par l’Europe en 2018-2019. Les études ont montré que « cela allait conduire à une diminution de la production de 15 % ».
« La Commission européenne a imposé son Green Deal. La méthode Frans Timmermans a été « Voilà ce que vous devez faire quoi qu’il arrive ».
« Sur l’énergie, l’Europe a changé les règles. Sur l’agriculture, ça a été de l’idéologie verte absolue, et nous n’avons pas été écoutés… Revoir les objectifs de Green Deal, ça fait partie de ce que l’on porte aujourd’hui. Il faut des adaptations, il faut que les réglementations ne s’empilent pas de façon importante ».
Les écologistes considèrent que le modèle de l’agriculture doit être modifié, car il est trop polluant. Sandrine Rousseau, députée Europe Écologie Les Verts s’exprime sur Sud Radio : « Il ne faut pas produire moins, mais différemment, avec moins d’impact sur l’environnement et d’autres sources de revenus ». Elle rappelle que « 70 % des terres agricoles mondiales servent à l’élevage » alors qu’un « kilo de bœuf utilise 13 000 litres d’eau »… On n’arrive pas à diminuer les pesticides, un des piliers de l’agriculture française. Cela n’est pas possible ».
Elle rejoint les syndicats sur les problématiques des revenus, accusant les industriels et les enseignes de grande distribution de s’enrichir en laissant peu de part aux agriculteurs. Les écologistes fourmillent d’idées pour répondre à la crise agricole : prix planchers, audit sur les dettes agricoles, allègement des charges, pour assurer un revenu digne, moratoire sur le libre-échange, sécurité sociale alimentaire, budget pour l’alimentation d’au moins 150 euros par mois et par personne, intégré dans le système de Sécurité sociale, engager la transition alimentaire, moratoire sur le libre-échange, financement de l’agro-écologie, agro-écologie qui remet la biodiversité et les processus écologiques au cœur de l’agriculture, qui vise à réduire les impacts environnementaux sur l’eau, les sols, la biodiversité, tout en répondant aux besoins économiques et alimentaires.
Les normes censées protéger la santé et la biodiversité sont dans le viseur des manifestants : pesticides interdits en France, autorisés ailleurs, règles illisibles imposées par l’Europe, produits importés de mauvaise qualité, engraissement des industriels.
Les accords de libre-échange, c’est l’Europe, avec la bénédiction des gouvernements français. La seule solution, c’est de sortir de l’Europe et de dissoudre le gouvernement français. Il y a un malaise profond. L’Europe est au service du mondialisme et des États-Unis. Des problèmes franco-français viennent s’ajouter, l’empilage de normes environnementales. On est face à un carcan administratif que l’on change tous les ans, 15 jours avant le démarrage de la saison. Les gouvernements ont développé des budgets énormes sur l’environnement. En parallèle, on parle du budget de l’agriculture en augmentation de quelques pour cent, c’est toujours très minoritaire. Il y a des budgets pour l’agriculture durable écologique, des budgets déguisés.
Le Maroc, la Nouvelle-Zélande, le Chili… vendent en France, mais les agriculteurs français eux aussi vendent à l’étranger et profitent du libre-échange. Non, le libre-échange profite à l’automobile allemande, l’Allemagne vend des Mercedes et des Volkswagen. En France, on ne vend plus grand-chose, 60 % de l’alimentation est importée, les Français ne peuvent plus se payer les produits nobles, ils partent en Chine surtout. En France, on vend surtout du blé, et il nous en manque. Les dirigeants européens veulent faire disparaître les agriculteurs. Ils veulent faire disparaître les vaches parce qu’elles émettent du méthane par leur pets. Ils veulent nous faire croire que les vaches polluent, mais les viandes importées qui viennent de Nouvelle-Zélande, 6 mois sur un paquebot, 20 000 kilomètres, dans des sacs plastifiés, gazéifiés, ces viandes sont-elles bonnes ?
Combien coûte en CO2 le carburant, le pétrole nécessaire à ces voyages ? Des bovins élevés en Autriche, nés en Autriche, sont tués en Australie, et revendus en France. Des veaux partent en Italie ou en Espagne, se font engraisser souvent avec des hormones (interdites en France depuis 20 ans), reviennent sur les étals français, made in France, élevés en France. Concurrence déloyale. On floue le consommateur.
Autre exemple. Mercredi 25 janvier 2024, au rond-point de l’hypermarché Leclerc de Marmande, les jeunes agriculteurs ont installé un barrage filtrant pour vérifier les cargaisons des camions réfrigérés étrangers. Ils ont trouvé des poulets brésiliens congelés le 9 décembre 2022, passés par le port de Rotterdam, et qui transitent pour arriver en France et au Portugal, à consommer avant le 9 juin 2024.
Toutes les viandes bovines, et parmi elles, les troupeaux d’animaux sauvages massacrés en Afrique équatoriale, alimentent des réseaux de steak haché, de viande industrielle. La valeur d’un produit n’est pas faite par son origine, mais par la valeur ajoutée. Soit une boîte de conserve avec un kilogramme de haricots du Kenya, une marque X l’introduit en France et la vend 8 euros le kg, la part valeur ajoutée définit l’origine du produit.
Le prix du panier de provisions augmente depuis 30 ans. Les Leclerc et autres grands patrons affirment qu’ils se battent pour faire baisser le coût de l’alimentation, et tuent les producteurs. Et l’agroalimentaire se développe à grande vitesse. Exemple. La Madeleine est vendue 19,40 euros le kilogramme, soit 19 400 euros la tonne. Les composés de la Madeleine, du blé, des œufs, un peu de lait et un zeste de citron, reviennent à 400 euros la tonne. 400 euros pour l’agriculture, 19 000 euros pour l’agro-industrie.
Sur 100 euros de courses en grande surface, il y a 6 euros qui reviennent à l’agriculteur, soit 6 %. Les écolos décident, ils ne pèsent rien du tout, ils professent une pseudo-écologie. On le voit avec les éoliennes, la méthanisation, ils sont hors-sujet. Exemples réels. Dans le village de Saint-Paulien, en Haute-Loire, on ne peut plus faire des rigoles plus profondes que 15 centimètres, de peur que les grenouilles se noient dans la rigole. Un peu partout, on n’a plus le droit de nettoyer les fonds de fossé, les fonds de rivière, c’est pourquoi il y a des inondations dans le Nord, la nature n’est plus entretenue, il ne faut plus rien faire.
Sinon, une brigade vient avec des fusils, avec des revolvers, une brigade de l’environnement. On ne peut plus faire d’écobuage (pratique de feu pastoral), on ne peut plus faire de drainage. Les écologistes marchent sur la tête. Les communautés de communes se sont attribuées l’entretien des fossés, des cours d’eau. Des équipes se promènent, ils arrivent à couper 500 mètres de haie de ronces en deux ans.
Il y a beaucoup trop d’écologistes ultra-gauche au sein de nos institutions. Avec la loi Nôtre, ils ont créé tout un tas d’institutions parallèles. Finalement, ils dirigent le pays en matière d’environnement et d’agriculture. Exemples. Dans le village d’Anneyron, dans la Drôme, à 70 kilomètres de Lyon, on a créé un lotissement sur une butte. On a été obligé de laisser une bande de 10 mètres de large au milieu pour laisser passer les grenouilles, un passage pour grenouilles. Pour cela, on a enlevé deux lots sur 20. On a été obligé d’augmenter le prix des autres lots constructifs.
Un monsieur touchait 150 000 euros par an pour aller voir comment on traitait les grenouilles en Allemagne, il se baladait aux frais du contribuable. Il avait au moins dix mandats, communaux, intercommunaux, syndicaux. Pendant une heure, il a parlé aux agriculteurs et a ordonné : « pendant la période de reproduction des grenouilles, contournez la route ». Un escroc.
Le libre-échange systématique et dans toutes les directions génère des importations de denrées agricoles que la France peut produire en quantité suffisante et de meilleure qualité. Le moratoire proposé par les écologistes ne suffit pas.
Les agriculteurs ont aussi un gros problème avec la FNSEA. Les dirigeants FNSEA font reculer la Coordination rurale parce qu’ils ont peur que cette Coordination rurale prenne le pouvoir un jour. Ces gens ne connaissent pas le terrain. Ils sont rentrés en politique à la sortie de l’école, ils n’ont jamais travaillé, et ils imposent une vision européiste et mondialiste de l’agriculture. L’agrobashing fait déborder la goutte d’eau. Le plus important, ce sont les coûts de production. Le prix moyen du litre de lait cru payé au producteur est 48 centimes. Il faudrait 60 centimes.
Les agriculteurs sont volés par les industriels qui sont dirigés par la FNSEA et les grandes surfaces. Ils devraient avoir 51 % des parts sur leurs rayonnages. Les coopératives agricoles, les réseaux, les laiteries ont été absorbés par Danone et Nestlé. De grosses multinationales n’achètent plus le lait à un prix raisonnable, elles font venir du lait de Pologne, d’autres pays, en fonction des accords de libre-échange de Mercosur, de Tafta, et autres.
Tout le para agricole est géré par les mêmes personnes qui sont à la FNSEA. Ils ne peuvent pas le matin défendre les paysans, l’après-midi défendre les industriels. Il y a un conflit d’intérêts, collusion d’intérêts, et avec les gouvernements de droite et de gauche. Les dirigeants de la FNSEA sont en contact permanent avec les ministères de l’Agriculture. Ils ordonnent aux routiers de ne pas participer pour éviter le chaos.
On donne des subventions à l’agriculture, mais c’est le consommateur qui paie. En 1984, le blé était payé 1 500 francs la tonne, aujourd’hui, 200 euros la tonne, le même prix quarante ans plus tard. C’est pareil pour le lait. De la belle viande de Charolais, élevée au maïs et à la luzerne, était vendue au boucher 32 francs le kg, au consommateur 45 francs le kg. Aujourd’hui, cette viande est vendue à la grande surface 5 euros le kg, au consommateur 25 euros le kg, cinq fois plus. Les pommes sont vendues 30 centimes le kg au producteur, on les trouve à 4 euros dans le magasin. 1 kg d’oignon rouge vendu 0,50 euro le kg est revendu à 7,80 euros. Le chou-fleur vendu 0,70 euro est revendu 5,95 euros. Ce n’est plus du commerce, c’est du racket. Les Anglais et les Suisses ne manifestent pas parce qu’ils sont sortis de l’Europe. La Suisse a un marché fermé, impose beaucoup de taxes à l’importation.
Les agriculteurs sont étouffés par des normes proliférantes, notamment dans le domaine environnemental. La concurrence se fait de façon déloyale, face à des producteurs étrangers soumis à beaucoup moins de contraintes que les producteurs français. Les petits producteurs deviennent de simples sous-traitants d’acheteurs dans des marchés cartellisés. Ces acheteurs imposent des prix plus faibles que les prix de production. Finalement, l’objectif est de réduire les capacités de la production française, de ruiner les agriculteurs français qui seront obligés de vendre pour une bouchée de pain leur exploitation, et d’ériger des domaines gigantesques aux mains des milliardaires. Les politiques font des promesses, mais se gardent bien d’évoquer leurs véritables buts : suppression du droit de propriété, alimentation uniforme et infecte.
Cette stratégie permettra d’ouvrir à terme notre marché aux produits nouveaux comme les insectes et la viande de synthèse.
Jean Saunier
P-S. Les chiffres et les exemples proviennent de deux agriculteurs : Thierry Sénéclauze et Sébastien Béraud.