L’agriculture occupait le premier secteur d’emploi en 1946. Elle occupe aujourd’hui une place secondaire, mais son importance reste grande, vu les bases de sa puissance.
Des conditions naturelles variées favorisent pratiquement toutes les formes de culture :
une SAU, Surface Agricole Utile de 30 millions d’hectares, avec montagnes moyennes et plaines,
une situation propice à l’activité humaine, au cœur de la zone tempérée, entre les 41e et 51e parallèles, des sols généralement fertiles, améliorés par l’homme.
Un gros effort de modernisation a été effectué depuis 1945 : modification des structures agraires, concentration des terres, augmentation de la taille des entreprises, renouvellement des techniques, développement de l’agriculture spécialisée aux dépens de la polyculture, évolution des habitudes alimentaires (plus de viande, de légumes, de fruits), et donc augmentation des rendements, de la productivité.
L’agriculture est désormais intégrée à un vaste secteur agro-alimentaire, une activité de transformation et de commercialisation des produits agricoles : des industries qui vendent aux agriculteurs à l’amont de la production, machinisme agricole, engrais, des industries agro-alimentaires à l’aval de la production, industries laitières, industries qui transforment la viande, conserveries de poissons, de légumes, fromages, biscuiteries, plats cuisinés, produits congelés.
Ainsi, l’agriculture française dispose d’excellentes conditions naturelles et humaines, d’excellents atouts pour produire en masse et en qualité, pour satisfaire exploitants et consommateurs. Mais un malaise accable l’activité et ses ressortissants.
Le mouvement actuel a commencé aux Pays-Bas à l’automne 2022. Il s’est ensuite étendu à la Belgique.
En Allemagne, les agriculteurs se mobilisent massivement depuis début janvier 2024, contre la réforme de la fiscalité sur le diesel agricole, qui prévoit la suppression d’une exonération dont ils bénéficiaient. Ces mouvements s’étendent à toute l’Europe. La Roumanie, la Pologne sont en première ligne.
Parti du Tarn en septembre 2023, un mouvement de retournement des panneaux signalétiques des communes a essaimé partout en France. Une façon de dire : « On marche sur la tête ».
Depuis le 18 janvier 2024, les agriculteurs se mobilisent dans le Sud-Ouest de la France, et le mouvement de grogne se propage dans les campagnes. Des blocages d’ampleur, des opérations escargot, des défilés de tracteurs se produisent sur les autoroutes, sur les routes nationales, occasionnant des kilomètres de bouchons. Des déchets sont déversés devant des bâtiments publics. Des pneus sont répandus sur les voies ferrées. Des rassemblements devant les administrations ou sur des ronds-points rappellent la fronde des Gilets jaunes.
Malheureusement, lundi matin 22 janvier, vers 5 h 30 du matin, à hauteur de Pamiers, en Ariège, sur la RN20, un véhicule a forcé l’entrée du barrage et foncé à vive allure en direction d’un mur de paille. Le véhicule a percuté trois manifestants se trouvant derrière ce mur, trois personnes de la même famille : la femme est morte, son mari et sa fille sont gravement blessés.
Toutes ces actions démontrent le ras-le-bol collectif des agriculteurs français qui ne s’en sortent plus, pour de très nombreuses raisons :
– l’augmentation de la redevance sur l’eau et sur les produits phytosanitaires,
– l’augmentation des taxes,
– la crainte des conséquences de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (marché commun en Amérique du Sud), en cours de négociation,
– la fin progressive de la défiscalisation du gazole non routier, donc le coût du carburant, la flambée des prix de l’énergie, la hausse des coûts de production,
– l’importation de produits ne respectant pas les normes des agriculteurs français,
– le refus de Bruxelles de prolonger en 2024 la dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère,
– la tension alimentaire provoquée par la guerre en Ukraine, les importations de produits ukrainiens,
– l’afflux de produits agricoles ukrainiens dans l’Union européenne depuis la levée des droits de douane en 2022, (céréales, volaille, sucre),
– les normes écologiques, le Pacte vert de l’Union européenne visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, Pacte vert visant à décarboner l’économie européenne,
– un texte proposé par la Commission européenne, encourageant les biotechnologies génétiques, promesse de semences plus résistantes et durables pour les uns, mais OGM cachés pour leurs détracteurs,
– un projet législatif vise à réduire de moitié l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2030, rejeté au Parlement européen fin novembre 2023,
– les obligations environnementales croissantes imposées au secteur, l’édiction de règles et de normes de plus en plus lourdes à supporter, la peur des agriculteurs d’être contrôlés,
– la charge administrative incombant aux exploitations.
Le tout dans un contexte tendu pour plusieurs professionnels, confrontés à la présence de la grippe aviaire ou de la maladie hémorragique épizootique, ou encore aux difficultés de la filière biologique.
L’exaspération face à une « surchauffe réglementaire » et un manque de considération ressenti.
Les revenus des activités agricoles ne suffisent plus pour vivre, l’agriculture ne suffit plus aux ménages agricoles pour vivre, 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté.
La pénibilité morale prend la place de la pénibilité physique.
Les décisions administratives, prises à Bruxelles ou à Paris, créent une incompréhension majeure, et finalement une sorte de révolte.
Les agriculteurs ne savent même plus ce qu’ils ont le droit de faire ou non.
Ils ne plantent pas de haies parce qu’il y a 14 textes réglementaires, des haies pourtant utiles contre l’érosion et pour la biodiversité.
L’Union européenne tue ses vaches. Et nous importons de la viande du Brésil, du Mexique, de l’Inde.
Parmi les multiples revendications : des simplifications administratives, la réduction des normes environnementales,
– la fin des augmentations du prix du gazole pour les tracteurs,
– une meilleure rémunération, des indemnisations plus rapides après des calamités,
– la réduction des marges bénéficiant aux grands groupes alimentaires,
– a pleine application de la loi Egalim, censée obligée les industriels et les grandes surfaces à mieux payer les agriculteurs,
– une meilleure considération par la société,
– la fin des contrôles intempestifs,
– un meilleur accès à l’eau,
– pas d’interdiction de produits phytopharmaceutiques sans solutions alternatives,
– la restriction des importations accusées de plomber les prix.
Deux grands points se dégagent de ce catalogue de protestations et de doléances.
D’une part, l’argent. Les prix des produits établis à leur juste valeur offriraient aux agriculteurs des revenus convenables.
D’autre part, les normes et règles. Un aménagement, voire un allégement strict de la règlementation accorderait aux agriculteurs une certaine liberté de travail.
Or, qui est responsable de ces problèmes liés à l’agriculture, problèmes qui découragent et révoltent les exploitants, les poussent même parfois au suicide ?
L’Union européenne qui multiplie les accords de libre-échange et qui entasse les lois et les décrets contraignants et astreignants.
L’écologie au service du mondialisme, l’écologie qui impose les normes et les règles.
Le gouvernement français qui applique doctement ces lois, décrets, normes et règles. De plus, Macron, par sa politique pro-Ukraine et russophobe, maintient les prix de l’énergie à un niveau très élevé. Macron, par sa politique dédiée à la finance, favorise les grands groupes qui retirent des profits considérables, au détriment des agriculteurs.
Premier responsable. L’écologie, un mythe du Cosmos, s’inscrit dans la régression rationnelle de la Renaissance et du cartésianisme.
La mythologie écologiste accompagne un culte de la Terre, qui rappelle le culte de la déesse Gaïa, le culte de la Terre-Mère, c’est-à-dire le culte cosmique illustré par la « pierre noire », comme la Kaaba. D’où la sympathie des écologistes envers l’islam. Et comme la « Pierre philosophale » de l’alchimie, source de la philosophie de la Renaissance, donc de la philosophie moderne.
Derrière la Révolution, derrière l’écologie, il y a les mêmes croyances archaïques. L’écologie, absurdité intellectuelle, sert à convertir les masses aux cultes du Cosmos.
L’écologie, « religion » cosmique, « religion » de la Terre, nouvelle forme de culte cosmique, doctrine irrationnelle et anti-scientifique, exploitée par les mondialistes en tant que croyance, est un instrument du cosmopolitisme pour soumettre l’humanité à un gouvernement mondial.
L’écologie personnifie une Nature qui se suffirait à elle-même, c’est-à-dire hors de Dieu. Elle s’insère dans la suite des philosophies naturalistes. La Nature est divine et éternelle. La Nature est le nouveau « Dieu » et l’écologie est son culte. L’écologie divinise la Nature, la Terre-Mère dans les anciens cultes cosmiques.
La préservation de la Nature serait menacée par la civilisation technique, la civilisation mise en place par l’homme occidental, le « fasciste ». Alors, l’espèce humaine devient nuisible à la Nature, d’où la possibilité, voire la justification de son éradication. C’est la finalité du transhumanisme, la philosophie à la mode. Il faut éradiquer l’humanité ancienne pour créer un homme « nouveau », c’est-à-dire un homme qui retourne à « l’état de nature » de la philosophie moderne.
Les gauchistes, révolutionnaires modernes, veulent une société post-industrielle, une société post-moderne dans laquelle vivra une humanité « nouvelle », une post-humanité.
En tant que « religion », l’écologie est au service du cosmopolitisme, implication des cultes du Cosmos sur le politique. Et les initiés veulent substituer ces cultes du Cosmos à la religion de la Bible.
Pour les écologistes, la Nature, divinité cosmique, ne doit pas être détruite par l’homme et survivra à l’homme. Dans la Bible, Dieu place l’homme au centre de la nature pour qu’il la domine à des fins eschatologiques. Le rôle de l’homme est donc un Bien, à condition qu’il respecte l’Ordre naturel.
Deuxième responsable. L’Union européenne, acquise à l’écologie, au mondialisme, et au libre-échange, régule le cadre de travail des agriculteurs. Ce cadre est défini par la PAC, Politique Agricole Commune. La PAC conditionne certaines aides aux agriculteurs à la mise en place de certaines pratiques plus écologiques, de contraintes environnementales. Par exemple, l’obligation d’avoir une diversité de culture sur ses sols, d’avoir une part de prairies permanentes. Couvrir ses sols en hiver. Laisser des surfaces à la biodiversité. Des règles relatives à la façon de travailler les terres.
Troisième responsable. Macron et le gouvernement. Les médias ont longtemps censuré les manifestations paysannes, en Allemagne comme en France, sur les ordres de Macron sans doute. Mais l’agitation, d’abord régionale, se répand et se généralise, dans les milieux agricoles. Et le peuple semble adhérer à ces revendications. D’où un risque de soulèvement. Macron comprend que cette démarche peut lui échapper et se retourner contre lui. Aussitôt il se précipite pour récupérer le mouvement, et entame des négociations avec les dirigeants agricoles, par l’intermédiaire de son lampiste Attal. Macron et Attal vont occuper le terrain et les médias, attirer des proches, et interdire toute critique sérieuse.
Une idéologie européiste, mondialiste, cosmopolite, écologiste, libre-échangiste, autoritaire et totalitaire, constitue les bases et les fondements de la politique des trois responsables des problèmes des agriculteurs. En conséquence, ces mêmes agriculteurs n’obtiendront que des miettes, mais des miettes présentées comme de grandes avancées. À moins que…
Si les agriculteurs veulent de meilleures conditions de vie et de travail, ils doivent substituer une Europe des nations à l’Union européenne, dire non à l’écologie politique, changer de président et de gouvernement, sinon de régime. Cela fait beaucoup.
Jean Saunier