Quand j’étais enfant, lors de la messe, mon curé montait en chaire pour son sermon qui toujours comportait un volet « séculier ». Il évoquait la vie locale, quitte parfois à être un peu intrusif, et la vie nationale sur les grands sujets du moment. De sa position dominante, le prêtre appliquait ses leçons de morale chrétienne à la vie de ses paroissiens. Il n’y avait pas besoin d’avoir un esprit fin et délié pour tenter d’en traduire l’application à ce que le pécheur vivait. Le curé parlait « cash » comme on dirait maintenant. Même pendant l’occupation du pays par les Allemands, certains dimanches, il tenait des discours qui faisaient craindre pour sa sécurité. Il n’était pas un cas particulier. Il était courant, admis, attendu que les prêtres se comportent ainsi. On attendait, parfois on appréhendait le sermon du prêtre.
C’était l’époque bénie où le Christianisme n’avait pas de concurrent sérieux sur le continent européen ; certains trouvaient même les curés un peu trop « bavards » et impliqués. Ce n’est plus le cas depuis longtemps.
On a ensuite descendu les curés de leur chaire. Ils sont devenus moins audibles, malgré les progrès techniques qui leur offraient une sonorisation ne rendant plus nécessaire de s’élever pour se faire entendre. C’était l’époque où l’Église, acharnée d’humilité, avait déjà le désir de se fondre dans la masse. On avait peur que la position dominante du prédicateur puisse faire croire que l’Église cherchait à manifester sa domination sur l’auditoire ; insupportable dans ces moments où commençait à être rejetée toute autorité même morale. Le déni de soi les a frappés comme les instituteurs qu’on a descendus de leur estrade. Étant presque comme tout le monde, ils n’impressionnaient plus grand-monde.
Les curés sont donc descendus à hauteur des fidèles et depuis ils n’ont plus rien à dire. Même lors des journées patriotiques, les allusions en rapport direct avec la commémoration de l’événement sont rares, exprimées en quelques mots, et parfois bien timides. J’ai entendu, il y a quelques années, lors de la cérémonie commémorative du 8 mai 1945, un prêtre déclarer que la violence ne règle jamais rien ; alors qu’il rendait hommage aux victimes du nazisme qui ne put être abattu que par la violence. Seules les cérémonies d’obsèques échappent en général à la règle. Les messes sont désormais interchangeables ; les mêmes à Dieppe qu’à Carcassonne ; déconnectées du réel ; du prêt-à-porter de la messe.
Bien sûr, la messe est d’abord un acte religieux dont la liturgie est le cœur ; ce n’est pas une tribune politique. Les évangiles traitent certes au fond de tous les aspects de la vie ; mais leur sens restera obscur pour beaucoup s’il n’est pas explicité, traduit en termes clairs appliqués au monde d’aujourd’hui pour le rendre accessible à tous. Ce doit être le rôle du prêtre. Il y a des choses qui peuvent être dites ; et qui doivent être dites. Le Père Boulad, connu pour ses prêches « musclés » peut servir d’exemple.
Cette déconnexion de l’acte religieux de la vie terrestre a été longtemps sans grande importance. Mais depuis la constante progression de l’Islam en terre chrétienne, ce mutisme de l’Église devient de plus en plus étonnant, assourdissant, incompréhensible. Les imams, eux, n’ont pas de ces pudeurs et n’hésitent pas à haranguer leur auditoire, exaltant la résistance à l’emprise sociétale du pays dans lequel il a pourtant choisi de vivre ; quand ils ne font pas carrément appel au djihad, à la guerre contre les insoumis, c’est-à-dire contre tous les non-Musulmans, Juifs et Chrétiens en tête. Ils ont une grande chance. Leurs textes religieux sont essentiellement des appels au combat pour conquérir le monde par la conversion, la soumission ou la mort des infidèles. Tout imam peut, comme récemment celui de Beaucaire, dire qu’il n’appelle pas personnellement au meurtre en citant des versets du Coran puisque c’est Allah qui parle.
En face rien ou presque. Des prêtres taiseux armés de textes humanistes prêchant même l’amour de son ennemi. La partie n’est pas égale. Pourtant l’opposition aveuglante entre les textes religieux chrétiens, pétris d’amour de l’autre et les textes islamiques, chargés de violence à toutes les pages dès qu’il s’agit des autres, permettent de faire des comparaisons, de la « com », de la publicité comparée on dirait de nos jours. À destination des Musulmans si possible ; mais l’efficacité de ce prosélytisme sera marginal tant cette collectivité est déjà encadrée, soumise. Mais à destination des Chrétiens inconscients de ce qu’ils vont perdre, c’est nécessaire.
Ou alors, faudra t-il se résigner, comme les témoins de Jéhovah qui refusent toute violence quelles que soient les circonstances car Dieu s’occupera de tout à la fin des temps ? Peut-on s’en remettre à l’État seul dont l’obsession laïcarde s’exprime en paroles vaines et qui est incapable d’endiguer l’invasion en cours ?
Toutes les civilisations sont adossées à une religion. La nôtre est issue de 60 générations imprégnées de Christianisme. Elle est menacée par une autre qui ne la vaut pas. L’Église ne peut pas se contenter de regarder passer le train. Elle doit parler. Elle dispose pour cela de milliers de bouches qui sans doute ne demandent qu’à être autorisées à le faire. Il nous faut une Église de combat. Mais est-ce un espoir raisonnable avec le pape François ?
Général Roland Dubois