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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 12:24
12 novembre 1989, la chute du Mur de Berlin change la face du monde

12 novembre 1989 : la chute du Mur de Berlin change la face du monde

Il se trouve que le 13 août 1961, date où le Mur fut soudainement érigé à la consternation du monde occidental, je me trouvais à Berlin avec mes parents, rendant visite à un oncle militaire, en poste dans la zone française.

Rappelons qu’à la conférence de Yalta, en 1945, les Alliés avaient partagé Berlin en quatre zones. La France contrôlait la partie Nord-Ouest, l’Angleterre l’Ouest et les USA le Sud-Ouest de la ville. Toute la partie Est de Berlin restait sous contrôle de l’Union soviétique.

Plus tard, au sein de l’armée de l’Air, je fis plusieurs vols sur Berlin Tegel en utilisant les trois couloirs aériens traversant la RDA et reliant Berlin Ouest à la RFA. Mais en 1961, c’est en voiture que je gagnais Berlin Ouest.

Ce fut un voyage épique de Paris à Berlin en DS 19, la reine de la route de l’époque. Bien plus tard, je fus l’heureux possesseur de deux DS 21. Je n’ai jamais conduit voiture plus sensationnelle. Même les premium allemandes actuelles bardées d’électronique, ne font pas le poids en tenue de route, confort et freinage. Mais revenons au Mur.

En 1961, la guerre froide en était à son niveau le plus intense. L’URSS faisait la course en tête dans la conquête de l’espace. Trois ans plus tôt, en octobre 1956, les chars soviétiques avaient maté la révolte de Budapest, accentuant la domination totale de Moscou sur l’Europe de l’Est. La rivalité entre les deux blocs était à son comble.

Et s’il n’y avait pas eu ce salutaire équilibre de la terreur que confère l’arme nucléaire présente dans les deux camps, nul doute que la troisième guerre mondiale n’aurait pas tardé à embraser le monde.

C’est donc dans la nuit du 12 au 13 août 1961 que les Vopos avaient dressé des barbelés sur 165 kilomètres, avant de bâtir le Mur haut de quatre mètres, doté de 200 miradors et surveillé par 10 000 soldats. Moscou avait décidé d’en finir avec l’exode massif et continu des Berlinois, fuyant la RDA vers la RFA.

Quelques années plus tard, en 1989, alors que j’étais en poste au Togo en coopération, je me retrouvais assis à côté d’un membre de l’ambassade de Russie, lors d’une soirée officielle à Lomé.

Rappelons que nous étions en pleine Pérestroïka, Mikhaïl Gorbatchev ayant lancé un vaste programme de réformes et souhaitant s’ouvrir à l’Ouest.

Au fil d’une discussion très animée et fort sympathique avec mon voisin, au grand dam de l’ambassadeur des Etats-Unis qui nous observait de loin, l’attaché d’ambassade russe me dit :

“Vous, les Occidentaux, n’avez rien compris à ce qui se passe en Russie. C’est une véritable révolution qui va changer le monde.”

Je lui rétorquais que les Soviétiques, après les coups de Prague et de Varsovie, après la crise de Cuba, ne nous avaient guère habitués à des démonstrations pacifiques. Derrière les sourires de Gorbatchev, la méfiance était donc de mise.

Mon interlocuteur était sincère et très désolé de voir que l’ouverture vers l’Occident voulue par le maître du Kremlin n’obtenait pas l’accueil bienveillant que Moscou attendait des Occidentaux.

Il avait raison et j’avais tort. Quelques mois plus tard, le 12 novembre 1989, le Mur de la honte tombait.

En réalité les relations entre les Etats-Unis et l’URSS s’étaient nettement réchauffées depuis la visite historique de Gorbatchev à Ronald Reagan en 1987.

La même année, en visite à à Berlin-ouest, sous des applaudissements nourris, Ronald Reagan avait prononcé son célèbre discours devant la Porte de Brandebourg : “Mr. Gorbachev, open this gate. Mr. Gorbachev, tear down this wall” ! (Monsieur Gorbatchev, ouvrez cette porte. Monsieur Gorbatchev, abattez ce mur !). Deux ans plus tard, son vœu était exaucé.

En quelques heures, trois millions de visas furent délivrés aux Allemands de l’Est fuyant le joug communiste.

“Il y a des pleurs, des cris, des heures qui marqueront l’Histoire”, déclara un journaliste sur place.

“Je crois qu’on ne réalise pas tout à fait ce qui se passe ici. Nous vivons les événements les plus importants depuis 1945”, ajouta Simone Veil.

“Le système totalitaire communiste est mort, qui reposait sur le mensonge”, affirma Alain Madelin.

Oui, l’Histoire vient de basculer. C’est le délire à la porte de Brandebourg. Bientôt les drapeaux des deux Allemagne flottent côte à côte. La réunification de l’Europe est en route.

Au total, de 1961 à 1989, ce sont 140 Allemands qui seront morts pour la liberté.

L’Allemagne a été réunifiée et les satellites de l’ex-URSS ont rejoint l’Otan et l’UE. Mais il n’y a toujours pas de paix en Europe et la situation se tend entre l’Occident et le Sud global, mené par la Fédération de Russie et la Chine.

34 ans après la chute du Mur, par la faute des Américains qui ont refusé que la Russie soit arrimée au continent européen, nous en sommes revenus à l’époque de la guerre froide.

Américains et Russes relancent la course aux armements. Washington n’a qu’une obsession, affaiblir la Russie qu’elle considère encore comme son ennemie et ruiner un peu plus l’UE, en la poussant à intégrer tous les pays des Balkans, l’Ukraine et la Moldavie, pays pauvres et corrompus qui vont entraîner l’Union par le fond.

En définitive, la chute du Mur a fait le bonheur des satellites de l’URSS, sans apaiser le monde pour autant. L’Amérique dominatrice est prête au pire pour conserver son hégémonie sur un monde qui lui échappe de plus en plus.

Et dans ce climat incertain, l’Europe n’a toujours pas compris que sans armée ni matières premières, elle ne pèse rien sur l’échiquier international. En Ukraine, tout va se décider entre Washington et Moscou. En Israël, c’est Washington qui discute avec le Qatar et Tel-Aviv. 

La chute du Mur fut donc une incontestable avancée vers la paix. Mais si cet évènement signa temporairement la fin des rivalités entre les deux blocs Est/Ouest, la soif de domination des Etats Unis a fini par briser ces espoirs de paix durable.

Rappelons qu’aux multiples demandes de Poutine pour établir des garanties de sécurité en Europe, Washington n’a répondu que par le mépris. Le résultat est une longue guerre en Ukraine qui pouvait être évitée, mais que Washington fait trainer jusqu’aux élections américaines.

Depuis sa naissance en 1776, l’Amérique est incapable de vivre en paix.

Jacques Guillemain

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