Alors que la guerre fait rage en Ukraine, certains au sein même de nos élites politiques et du monde militaire montrent une véritable fascination pour les États-Unis de Joe Biden au point de leur faire perdre tout sens des intérêts de l’Europe et de la France.
Dans sa publication du 27 avril 2023, le magazine Challenges a présenté un article intitulé “Les liaisons dangereuses” https://www.challenges.fr/entreprise/defense/russie-revelations-sur-ces-militaires-francais-sous-influence_853283 qui vise à s’ériger en procureur pour accuser certains militaires français de faire montre d’une véritable fascination pour la Russie poutinienne. Cette accusation ne repose curieusement sur aucun argument si ce n’est celui de l’avoir simplement décrétée pour la simple raison que leurs déclarations, leurs propos ou leurs écrits n’épousent pas le discours officiel et dérangent fortement. En réalité, en prétendant révéler plusieurs affaires prétendument embarrassantes n’ayant d’ailleurs aucun lien entre elles, l’amalgame est fait par ses rédacteurs pour aboutir finalement – c’était l’objectif – à la dénonciation de ceux qui refusent le narratif otanien sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine et qui contestent l’alignement, voire la soumission de notre pays aux États-Unis et à l’OTAN dans cette guerre par procuration.
Cette démarche accusatoire, donc à charge, est cependant, dans sa forme, révélatrice d’une certaine fébrilité, d’un désarroi évident provoquant une mise en cause de certitudes, enfin d’une marque de faiblesse.
L’entrée en matière choisie par les rédacteurs pour atteindre leur cœur du sujet – à savoir l’établissement d’une liste de militaires ou de personnalités qu’ils considèrent « fascinés par la Russie poutinienne » et qu’ils classent arbitrairement comme pro-russes révèle ce besoin permanent de références pour valider leur jugement. Cela traduit un manque de confiance dans leur affirmation équivoque car non argumentée. Cela révèle également l’indigence de leur méthode pour masquer leur refus du débat en utilisant des événements inconnus des Français et présentés sous forme de roman de science-fiction ou d’espionnage pour allécher et exciter le lecteur. On en sourirait presque si le sujet ne prêtait pas plutôt à pleurer. Heureusement, le ridicule ne tue pas. Est-il cependant permis de le regretter ? Par ailleurs, au-delà de l’utilisation de ce procédé artificiel, on ne peut que déplorer le lot de litanies affligeantes et pitoyables déclamées dans une novlangue désormais adoptée par la nouvelle génération de médias et de journalistes, prétendus tels, convertis à une culture agonisante car privée de tout lien historique, spirituel et culturel.
C’est ainsi, par exemple, que certains de ces militaires montrés du doigt sont qualifiés de traditionnalistes, de catholiques fervents (?) ou ont pu être inquiétés dans leur avancement pour avoir participé à une manifestation anti-mariage pour tous. On ne perçoit pas le rapport avec le sujet traité…, mais à la réflexion, si, le ton étant réprobateur et valant donc culpabilité. C’est même dorénavant une tare que d’affirmer sa foi chrétienne. Ces journalistes ont simplement oublié le fait que la France est de culture gréco-romaine et de religion chrétienne. Eux n’ont plus de racines car ils ont renié leur propre histoire. De ce fait, défendre ces valeurs dépassées pour eux vous entraîne inéluctablement dans le camp du mal.
C’est ainsi, également, que certains de ces pestiférés sont signataires de la tribune dite des généraux de 2021. On notera le choix de la sémantique qui traduit ici une réelle attitude condescendante et méprisante à l’égard des généraux concernés, une « brochette d’officiers en deuxième section » qui auraient commis une infamie (?) avec « la fameuse tribune » en alertant sur le délitement de la France, démarche pourtant approuvée par une large majorité de Français. Les craintes émises dans cette tribune prémonitoire se sont d’ailleurs concrétisées avec les émeutes ethniques qui ont ébranlé récemment notre pays. Ces généraux avaient donc raison, mais ils n’ont pas été écoutés. De même, ils ne le sont pas aujourd’hui et ne le seront pas sur cette guerre par procuration entre l’Ukraine et la Russie. La condescendance et le mépris affichés par ces journalistes en témoignent. Lorsque la sentence tombera cependant, ils auront collaboré au malheur de la France.
C’est ainsi, par exemple, qu’ils stigmatisent la connaissance, la compétence et l’expérience acquises par ceux qu’ils qualifient de « secte » ou de « foyer de russo-béats » – en particulier les anciens Attachés militaires ayant servi en Russie – en soulignant le fait qu’ils sont russophones, donc forcément déloyaux et accessoirement agents de l’ennemi. Leur aveuglement, si ce n’est leur conditionnement, voire leur inculture du domaine militaire et de sa finalité, les empêche de comprendre l’impérieuse nécessité de maîtriser des langues comme le russe, le chinois, l’arabe lorsqu’on doit occuper des fonctions de ce niveau au sein de nos ambassades et, donc, au service des intérêts de la France. Cela dit, il en est de même avec les pays anglo-saxons. Mais il serait inconvenant de parler dans ce cas de « secte » ou de « foyer d’américano-béats ». Ces journalistes se discréditent en une seule phrase lorsqu’ils citent l’une de leurs sources : « Il y a une réelle fascination pour le régime poutinien chez certains officiers, notamment des profils traditionalistes violemment antiaméricains et anti-Otan ». Le propos recueilli est celui d’un officier général français, ancien chef de la division Euratlantique du commandement stratégique de l’OTAN à Norfolk (États-Unis), aujourd’hui en deuxième section et qui n’est bien évidemment ni violemment anti-russe, ni américano-béat, alors qu’il est probablement en situation de conflit d’intérêt avec l’OTAN !
Ces liaisons dangereuses (titre choisi par ces journalistes pour leur article) pourraient donc tout aussi bien caractériser les relations que nous entretenons avec les États-Unis et l’OTAN, notamment depuis notre retour dans le commandement militaire de l’Alliance atlantique, annoncé par le président Sarkozy en novembre 2007 et entériné en avril 2009 (sommet de l’OTAN à Strasbourg). Pardon d’avoir repris ce titre et son sous-titre (ou résumé) en les adaptant ironiquement pour cette tribune, mais la tentation était trop forte. Car il serait facile de faire de tels procès d’intention dans l’autre sens même si nous sommes des alliés des États-Unis. N’oublions cependant pas qu’un État, comme la France, n’a pas d’amis mais des intérêts propres que doivent lui dicter sa souveraineté et son indépendance, intérêts qui convergent au sein d’une alliance, ce qui est naturel, mais qui peuvent également diverger et donc devoir faire évoluer notre position selon les situations ou les circonstances. Il est fâcheux pour la France que nos dirigeants n’œuvrent pas dans cette perspective. Car cette guerre par procuration – avec ses conséquences funestes pour les pays européens – sera menée, malheureusement pour l’Ukraine, jusqu’à son effondrement et son démembrement. L’Ukraine et les pays européens seront les grands perdants de ce conflit qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Il n’y a rien de pro-russe dans un tel propos ni dans ceux déjà émis Ukraine – Russie, du fantasme à la réalité (volontaires-france.org) et Ukraine-Russie, un an de conflit (place-armes.fr) . Il faut affronter froidement la réalité. Si parce que l’analyse d’une situation n’est pas en phase avec le narratif officiel c’est être pro-russe et que cela vous vaut d’être censuré, alors il n’y a plus de débat possible. C’est, de plus, mentir et cacher aux citoyens les graves difficultés, voire les souffrances à venir. C’est insensé et dramatique !
Des liaisons dangereuses, puisque cela semble être la préoccupation de ces journalistes, on peut bien évidemment les évoquer, les dénoncer même, lorsqu’elles sont établies clairement par des faits et non par des spéculations. Mais que penser – et que pensent ces journalistes ? – lorsque des liaisons dangereuses sont entretenues par l’État lui-même et donc par ses dirigeants ? Car c’est bien ce qu’il s’est passé au cours de la crise sanitaire du Covid 19 avec la sollicitation continue de cabinets de conseil, le Procureur de la République ayant été saisi par le Sénat après sa commission d’enquête et son rapport explosif, ce qui a conduit d’ailleurs des associations et des collectifs à déposer une plainte. Au-delà du coût financier représenté par le recours à ces cabinets de conseil, c’est surtout de la mise au jour d’un acte de trahison, dirigé contre les intérêts de la France et des Français, ce que la loi désigne comme l’atteinte aux intérêts supérieurs de la Nation, qu’il s’agit. Car l’enquête a montré que ces cabinets privés ont eu, au minimum, une influence avérée sur la décision publique, ce qui est scandaleux. Avoir laissé des sociétés privées très puissantes, telle que le cabinet américain McKinsey, accéder au cœur même de l’État n’est pas acceptable. Or, ces cabinets ont ainsi eu accès à une masse considérable d’informations et de renseignements sur le fonctionnement même de l’État dans ses moindres rouages. La conséquence est que de telles informations (pouvant être confidentielles, voire relevant du secret d’État ou du secret défense) ont pu ou peuvent tomber entre des mains étrangères, que ce soit des sociétés privées mais même, et surtout, le gouvernement américain, ce qui est de nature à mettre en cause la souveraineté nationale !
Ces journalistes pourraient alors rétorquer que nous nous éloignons du sujet. Précisément pas, bien au contraire, car ce dernier point révèle, en fait, le niveau de soumission et de vassalisation de notre pays aux États-Unis, prêt à lui déléguer sa souveraineté. Cette liaison-ci est donc bien dangereuse. La guerre entre l’Ukraine et la Russie en est l’illustration parfaite. L’Histoire offrait pourtant à la France qui présidait l’Union européenne au premier semestre 2022 – c’est à dire avant et après le déclenchement du conflit – l’opportunité de se distinguer en se présentant comme une puissance d’équilibre et proposer ses efforts et ses bons offices pour l’organisation d’une conférence internationale pour la paix. C’était l’intérêt de l’Europe et la France y aurait énormément gagné. En ne le faisant pas, l’irréparable s’est produit. Le réveil sera brutal et douloureux pour les Européens.
Le 08 août 2023
Général (2s) Antoine MARTINEZ
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