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12 octobre 2023 4 12 /10 /octobre /2023 08:16
Débats démocratiques en Ukraine : il faut contester Zelensky

Une économie ravagée

La situation économique est désastreuse. La guerre jette un voile pudique sur une économie déjà largement à la dérive depuis plusieurs décennies. Mais que vivent concrètement les Ukrainiens en 2022 ? En 2022, le PIB s’est effondré de 30 % et des secteurs comme le bâtiment se sont contractés des deux tiers. La situation de guerre engloutit l’économie du pays. Les gens n’ont plus d’emploi. Le taux de chômage est estimé à plus de 25 % et les estimations penchent pour un tiers de la population sans emploi fin 2022. L’Organisation internationale du Travail estime que plus de 5 millions d’emplois ont disparu. Les voisins ont des taux de chômage d’environ 10 %. À cette population sans revenus, il faut ajouter les pénuries et l’inflation estimé à 10-15 % et des pronostics pour 2023 voisinant les 30 %.

Faire la guerre est une chose, décider de la prolonger dans une telle situation pose question. Les Ukrainiens sont ruinés, ils n’ont pas d’emploi. La vie devient très difficile. L’État lui-même dispose de ce fait de bien moins de rentrées fiscales. Sans l’aide de l’Occident qui supporte à ce jour un coût mensuel estimé à près de 5 milliards, le pays serait en faillite. Or, les estimations du coût de la reconstruction par la Banque mondiale flirte avec les 400 milliards, soit 2 à 3 ans de la richesse nationale. « Les besoins de financement pour faire fonctionner l’État ukrainien sont de 5 milliards de dollars par mois », dit Volodymyr Vakhitov, économiste à la Kyiv School of Economics.

Une population de réfugiés miséreux

Après l’exil de millions d’Ukrainiens, il semblerait que la population revienne. Mais ces déplacements à l’intérieur du pays ou avec les pays limitrophes augmentent la portion d’inactifs sans perspective aujourd’hui. Les dommages de la guerre sont inestimables. Le Premier ministre parle de plus de 700 milliards en incluant la destruction des infrastructures, la disparition de secteurs dont l’industrie métallurgique. Et les régions prises par les Russes sont les plus riches. Donc, sans elles, les PIB des années à venir seront moitié moindres que dans les années d’avant-guerre.  

Les Ukrainiens sont en droit de s’interroger sur l’intérêt de la guerre pour eux. Pourquoi l’avoir presque provoquée en refusant de négocier le statut russophone des régions de l’Est ? Pourquoi avoir provoqué un front de guerre depuis 2014 en bombardant des Ukrainiens de l’Est ? Eux savent bien que ce sont des faits, avec des morts : 14 000 sans doute. Pourquoi ne pas avoir négocié avec les Russes en vertu des accords de Minsk ? Toutes ces questions sont là, car finalement, la misère est au rendez-vous. Quel sens donner à une telle folie ? Rappelons qu’avant la guerre, l’Ukraine était déjà un des pays le plus pauvres d’Europe !

Comment ces populations peuvent-elles soutenir un projet de guerre au lieu de s’entendre pacifiquement avec les Russes ? Que pensent ces millions de gens déplacés, ballottés, arrachés à leur maison, sans entreprise, sans emploi ?

Des Ukrainiens loyaux trahis par les nationalistes bandéristes

Lors du vote pour l’indépendance en 1991, le référendum d’autodétermination obtenait 90 % dans les oblasts de l’Est, quelques points de moins seulement derrière les plus motivés de l’Ouest (entre 90 et 95%). Ces Ukrainiens se sentaient bien géographiquement Ukrainiens depuis très longtemps. La République soviétique avait nourri cette appartenance. Mais ils parlaient russe et étaient orthodoxes, donc rattachés au Patriarche de Moscou. Comment ont-ils pu se retourner et se rebeller en 2014 ? Il y a bien des faits générateurs ? Les menaces sur la pratique de langue ont pesé lourd. Les pressions des bandéristes ont fait le reste. Voilà un deuxième débat démocratique sur l’identité de l’Ukraine. Un pays multi-linguistique comme beaucoup où quelques-uns ont voulu imposer une langue nationale en faisant table rase de la pluralité. Qui ignore dans ce pays que l’un des plus illustres écrivains russes était un descendant de Cosaque, un homme né au cœur de l’Ukraine et dont personne ne conteste qu’il soit une figure de la littérature russe ? Nicolas Gogol et ses âmes mortes ou ses récits pétersbourgeois. Être russe et ukrainien en même temps, voilà tout. Les nationalistes bandéristes portent la responsabilité d’une œuvre de purification identitaire et ethnique, voulant chasser les slaves de l’Est, interdire la langue russe, éliminer les traces du communisme. Les Ukrainiens savent bien ce qu’il en est d’être polonais, hongrois. La ville de Lviv à l’Ouest porte au moins quatre noms : Lvov en polonais et elle fut polonaise, Lemberg en Allemand et elle fut sous influence autrichienne, en hongrois Illyvo, et sous influence magyar au Moyen-Âge. Partout, l’Ukraine a été sous diverses influences.

Le choix d’un étatisme culturel fondé sur la fiction d’une identité nationaliste exclusive a provoqué des réactions en chaîne : agression, haine, conflit identitaire. Les Ukrainiens le savent et il n’est pas sûr que ce projet ait un sens.

Des Ukrainiens face à la corruption généralisée

C’est le fléau sur lequel l’élection de Zelensky devait agir. Or, la population constate les magouilles, les détournements de fonds publics, les reventes d’armes, les marchés truqués, l’enrichissement des oligarques alors que la misère est au coin de la rue. Et cette corruption touche à la vie et à la mort. Les jeunes recrutés de force, la loi interdisant aux hommes de quitter le territoire, mais les fils des oligarques en vadrouille dans le monde pour ne pas aller sur le front. Le ministère de la Défense a été sous le feu des critiques, des soupçons et des allégations motivées sur les achats dispendieux de la nourriture des forces armées. D’autres ont été poursuivis, pour combien qui ne sont pas inquiétés ? Le détournement de l’argent de contrats d’achat d’équipements et de générateurs électriques dans une région, des contrats d’aménagements du réseau routier attribué à la société de la compagne du commanditaire, des détournements de véhicules destinés à l’aide humanitaire, des hauts fonctionnaires en vacances à l’étranger en pleine guerre ou des achats de villas inaccessibles à leurs acquéreurs, au regard de leur revenu officiel, etc.

Un autre débat démocratique sur l’éthique, le sens de l’honneur, la probité des agents de l’État et une gangrène révoltante, sans véritables mesures, puisque les démissions évitent les mesures de privation de liberté par des enquêtes pénales et des jugements exemplaires. Le désarroi et la révolte sont bien présents face à cette ploutocratie cupide d’oligarques constitués en pouvoir népotique.

La liberté religieuse et les poursuites des popes fidèles à la Russie

Comment accepter qu’on poursuive des religieux au motif que leur chef spirituel réside à Moscou ? On imagine des prêtres soupçonnés d’être pro-romains ou italiens parce que fidèles au Pape ? Absurde. Le patriarche a une autorité spirituelle sur les orthodoxes. Or, là encore, les Ukrainiens ont bien vu les nationaliste bandéristes. Le journal La Croix titrait ainsi un article du 23 février 2023 : « Départs de paroisses, perquisitions dans des lieux de culte, projet de loi pour limiter ses activités… Un an après le début de la guerre en Ukraine, l’Église orthodoxe historiquement liée au Patriarcat de Moscou est confrontée à des pressions accrues des autorités ukrainiennes pour clarifier ses positions et son statut. »

Les Ukrainiens ont été aux premières loges de ces menaces d’expulsions proférées contre les moines du principal monastère de Kiev. Les autorités Ukrainiennes leur ont ordonné de quitter le monastère de la Laure des Grottes. On soupçonne des moines de complicité avec la Russie parce qu’ils sont obéissants au Patriarcat de Moscou ? Les bandéristes sont des nationalistes acharnés qui veulent couper tous les ponts des signes de l’appartenance de leur société à la civilisation slave. Après la « décommunisation », après l’interdiction de la langue Russe et ses conséquences politiques et militaires, ils poursuivent des moines, avant sans doute de poursuivre la religion orthodoxe elle-même, car elle est Russe ?

Voilà bien un autre objet de débat sur la liberté religieuse, les appartenances libres des religieux à leur confession et son organisation, fussent-elles ce rattachement au patriarche de Moscou. On chasse donc des moines sur des procès d’intention alors que l’archevêque Kliment écrit : « Notre Eglise a été la première de toutes les organisations religieuses d’Ukraine à condamner la guerre de Poutine contre l’Ukraine. Elle a béni l’armée ukrainienne pour qu’elle défende la patrie. » Même Zelensky parle d’une « indépendance spirituelle ». Qu’est-ce que cela veut dire que d’être un croyant orthodoxe si l’État ou le nationalisme vient commander la religion ?

Les Ukrainiens savent bien qu’il y a une guerre larvée contre l’Église. La police arrête la circulation, entrave les déplacements des croyants. L’Ukraine veut expulser, mais elle veut confisquer le monastère en l’attribuant au ministère de la Culture. Pour quoi faire ?

De nombreuses questions à discuter avant de choisir un président

Ce petit aperçu montre que le quotidien des Ukrainiens a été ravagé par une entrée en guerre ruineuse dont tout le monde savait qu’elle le serait. Dès les premiers jours, alors que les troupes Russes étaient massées à la frontière et que les Américains vociféraient sur la menace, pourquoi l’Ukraine n’a-t-elle pas négocié pour éviter le pire ? Le choix politique était ouvert et les conditions de la paix étaient possibles : respect des Oblasts de l’Est, autonomie linguistique. Il y a donc eu un choix politique et il est contestable, car ce nationalisme bandériste a provoqué la ruine. Il en est bien responsable. La misère quotidienne, sans parler des centaines de milliers de veuves de guerre et d’orphelins interroge aussi la guerre. Pourquoi un tel entêtement, pourquoi un tel sacrifice ? Les Ukrainiens voulaient la paix. Il est peu probable que la majorité silencieuse, comme souvent, n’aspire pas à la tranquillité, à un retour à la vie normale. Que les jeunes hommes reviennent travailler, reconstruire et vivre. Et puis la loi, le droit, une justice d’exception peut-être, pour lutter voire éradiquer une grande corruption qui est la sangsue de l’Ukraine. Les Ukrainiens avaient envie de justice, de liberté économique, d’éthique, comme beaucoup dans le monde.

La réalité quotidienne n’est pas celle des chimères des nationalistes bandéristes, ces identitaires acharnés, sans doute largement instrumentalisés par les puissances étrangères pour mener l’Ukraine dans un combat qui ne lui rapporte rien. Leur bilan est nihiliste, destructeur et sans lendemain. Beaucoup en Ukraine ne veulent pas de ces nazis, or avec le concours de l’Occident, la terreur bandériste continue de sévir, jusqu’à priver les Ukrainiens du droit fondamental de débattre de leur avenir. Car aujourd’hui, un référendum dans chaque Oblast serait intéressant. Le fracas des armes a cassé la fragile unité et elle fracasse chaque jour l’Est et l’Ouest qui deviennent au quotidien irréconciliables. Eux savent aussi que les chasses aux sorcières, les exécutions sommaires au poteau de la mort existent.

Il se peut bien que la division de l’Ukraine soit la conséquence d’une politique nationaliste folle et déraisonnable. Tous les choix de Zelensky étaient très discutables. Il y avait d’autres options qui ont toutes été éliminées. Le résultat est un enfer.

Pierre-Antoine Pontoizeau

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