Les plus de vingt ans doivent se souvenir de l’excellente comédie “Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes”, parue en 1993.
Moi j’ai eu mieux : un père communiste, et en plus communiste chilien. De surcroît, j’ai grandi dans les banlieues rouges pendant les années 70. Arrivé avec mes parents en 1967, je garde un souvenir ému et attendri de cette enfance passée entre Antony, Rungis, Athis-Mons et Massy.
Il faut dire que ces municipalités rouges – ou rouges-roses lorsque le PC s’alliait au PS – fonctionnaient très bien et il faisait bon vivre sous leur administration. En plus de tous les commerces et services de proximité, parcs et jardins, il y avait une riche vie culturelle et sportive. Tout était impeccable dans ces cités HLM où j’ai vécu. Les appartements lumineux et entièrement équipés, les caves, escaliers et halls d’entrée propres. En bas des tours il y avait des aires de jeux pour enfants, des terrains de sport, et même un local pour activités sociales et culturelles tenu par l’Amicale des Locataires.
La gauche, et en particulier les communistes, défendaient des valeurs comme le travail et le mérite, la famille, le patriotisme, l’identité et à la fois un certain universalisme. Par ailleurs, elle promouvait un développement intégral de l’être humain face à l’abrutissement et l’individualisme de la société de consommation capitaliste. Ainsi, de nombreux centres sportifs, piscines, patinoires, Maisons des Jeunes et de la Culture, bibliothèques, conservatoires de musique et de danse ou théâtres, étaient mis à disponibilité de tous. À Massy il y avait même un opéra !
La gauche c’était également ces merveilleux artistes qui faisaient rayonner la France : Gérard Philipe, Jean-Louis Barrault, Marcel Marceau, Marcel Mouloudji, Simone Signoret, Yves Montand, Isabelle Aubret ou encore Jean Ferrat. Le PCF avait son propre label discographique, Le Chant du Monde, qui arborait un prodigieux catalogue de musique classique et musiques du monde.
Nos voisins étaient des braves gens, aimables, polis, travailleurs, joyeux et rigolards. Toujours prêts à rendre service et à inviter les adultes à prendre l’apéro et les enfants pour le goûter. Souvent on était conviés à des dîners qui finissaient tard et le plus souvent en chansons : Brassens, Aufray, Le Forestier, Moustaki… Ils étaient, pour la plupart d’entre eux, Français de souche, beaucoup de provinciaux et quelques Antillais. En plus de la mienne, il y avait d’autres familles immigrées, principalement espagnoles et portugaises, mais aussi marocaines et kabyles algériennes, mais on était minoritaires et c’était très bien ainsi.
Avec mes potes, l’ambiance était très franchouillarde, avec moult histoires de Toto et chansons paillardes qu’on chantait à tue-tête. C’est qu’on était tous des p’tits gaulois! Peu importe l’origine de nos parents dont on prenait un malin plaisir à imiter les accents. Moi je faisait hurler de rire mes camarades avec: “yé souis ouné rréfougié dou Tchili et yé vé vou tchaneté ouné tchanesone de mone país: laïlalala…!”
À l’école on aimait les cours d´histoire de France et les héros de la nation nous faisaient rêver. Un jour nous avons eu la visite de deux vieux résistants. Leur témoignage m’a profondément bouleversé. À la cantoche on mangeait tous la même chose, avec ou sans cochon, et je revois mon pote Djamel demander du rab de jambon…
Chaque semaine papa avait son Humanité Dimanche et moi mon Pif. En plus des ingénieux gadgets, cette revue communiste transmettait les valeurs de solidarité, courage, générosité, loyauté à travers des héros qui s’appelaient Rahan ou Docteur Justice. Chaque année, fin septembre on allait à la Fête de l’Huma. De nombreux stands étaient destinés à la jeunesse : sciences et initiation à différentes disciplines sportives. L’exhibition de boxe française m’avait d’autant plus impressionné que j’adorais la série TV Les brigades du Tigre. C’était également le rendez-vous des intellectuels, et je crois me souvenir d’avoir vu Louis Aragon signer des autographes dans un stand de littérature.
À la Cité Internationale on défendait les identités des peuples face à l’invasion culturelle anglo-américaine et naturellement, le stand du Chili était notre deuxième maison. J’y ai entendu toutes les musiques du monde ainsi que des régions de France métropolitaine et d’Outre Mer. Dans la scène de l’URSS on avait droit à d’extraordinaires spectacles de chants et danses folkloriques des différentes républiques soviétiques. Cela n’empêchait pas la présence insolite d’un stand des USA et de Pete Seeger sur la grande scène centrale. Je revois celui-ci terminer sa prestation par une vibrante Guantanamera en espagnol, accompagné du groupe chilien Quilapayún. C’était la grande fraternité internationale-prolétarienne.
Suite au divorce de mes parents, j’ai passé mes années adolescentes au Chili chez mes grands parents. Ce fut une période intense marquée par les premiers mouvements de contestation contre le régime militaire. Le pays était au bord de l’insurrection générale, le pouvoir était vacillant, et c’est tout naturellement que je suis devenu militant des Jeunesses Communistes en période de clandestinité. J’avais 17 ans, l’âge de Guy Mocquet. Comme lui j’étais prêt à mourir en héros pour la patrie. Puis ça a été l’attentat raté contre le général Pinochet par une faction paramilitaire du Parti, la dissolution de notre cellule, puis mon Bac, et le début d’une jeunesse aventurière qui m’a emmené jusqu’au Pérou, puis enfin de retour en France pour finir mes études.
En arrivant après plus de cinq ans d’absence, j’ai eu un choc et une grande déception. Le pays de mon enfance était devenu méconnaissable ! Le socialiste François Mitterrand avait trahi les millions de Français qui avaient cru en lui. La gauche était en train de transformer ma France bien aimée en un pays de merde. Côté culturel, tout était devenu vulgaire, frivole et décadent et Jack Lang sacralisait le rap et les graffitis. En politique extérieure ce n’était pas mieux ; en 1991 Mitterrand avait entraîné le pays dans une guerre américaine contre l’Irak.
Avec tristesse et dégoût, j’ai vu la France s’auto-détruire et s’auto-dénigrer dans la joie et l’autosatisfaction. J’ai vu la lâcheté des Français s’aplatissant piteusement face à l’arrogance des premiers petits groupes de racailles. C’était pourtant facile de les mater à l’époque. Une fois d’ailleurs, dans le métro, j’ai eu la bonne idée de foutre une beigne à l’un d’eux qui molestait une femme et à l’expulser hors du wagon à grands coups de latte. Vous croyez que j’ai été remercié ou félicité ? Que nenni ! J’ai eu droit à des réflexions du genre : “on ne répond pas à la violence par la violence !”
Et puis j’ai commencé à me faire traiter de facho et de lepéniste à chaque fois que j’exprimais mon indignation… Moi qui me considérais de gauche pur jus ! C´est le cœur plein de rage et d’amertume que j’ai décidé de quitter la France et de m’installer dans le sud de l’Espagne.
Ici, en plus de pouvoir me réaliser personnellement et professionnellement, j’ai retrouvé une gauche ouvrière et honnête. L’ambiance était optimiste, la vie était agréable. Le socialiste Felipe González avait beaucoup fait pour son Andalousie natale : modernisation, infrastructures, politique sociale et culturelle. Par ailleurs, le pays avait gardé de fortes connexions avec sa communauté historique et les immigrés, qui venaient principalement de l’Amérique Hispanique, contribuaient à me faire sentir chez moi.
Hélas, à la fin de son dernier mandat, de nombreux cas de corruption avaient éclaté au grand jour. De plus, pour entrer dans l’Union Européenne, l’Espagne avait dû abandonner une grande partie de son tissu industriel et, ce qui est pire, renoncer à son récit national. C’était le début de la décadence: ce Nouveau modèle de gauche “mitterrandienne” importée d’outre-Pyrénées, commençait à pervertir la société: immigration incompatible, délinquance, laxisme, système éducatif “progressiste”, etc. Avec l’arrivée au pouvoir de José Luis Rodríguez Zapatero, en 2004, la gauche espagnole adopta ce qui allait devenir le wokisme et instaura la loi de “mémoire historique”, qui imposa un récit unique de la guerre civile de 1936 à 39, à savoir celui du “camp du bien”.
Interdit désormais de parler du coup d’État socialiste de 1934, des crimes du Frente Popular et de ses centres de tortures, les sinistres Checas, des destructions d’églises, des persécutions religieuses, des exactions en tout genre qui ont déclenché le soulèvement militaire, puis la terrible guerre civile. C’était surtout détruire le formidable travail de réconciliation nationale entrepris, avec patience et générosité, par tous les partis, de gauche comme de droite, à la mort du général Francisco Franco et qui aboutit à la constitution démocratique de 1978. Les vieux militants socialistes, communistes ou anarchistes, vétérans de toutes les luttes qui avaient connu la clandestinité, les persécutions ou l’exil pendant la dictature, étaient consternés. Le pire était à venir avec l’actuel Pedro Sánchez arrivé au pouvoir en 2018, trahissant ses propres électeurs en pactisant avec l’extrême gauche de Podemos et les groupuscules séparatistes basques, catalans ou autres.
Parlons-en d’ailleurs de ces “imbéciles heureux qui sont nés quelque part”, de ces suprémacistes provinciaux et de leurs théoriciens illuminés. Leur mouvance fit irruption à la fin du XIXe siècle dans le contexte d’un profond pessimisme national exprimé par les intellectuels depuis l’invasion napoléonnienne, le déclin de l’Empire Espagnol, et la perte en 1898 de ses derniers vestiges: Cuba, Puerto Rico et les Phillipines à la faveur des USA.
L’universalisme hérité de Rome céda alors la place à des nationalismes locaux nombrilistes et fanatiques. Le basque Sabino Arana, tout come Hitler, parlait de supériorité raciale et traitait le reste des Espagnols comme des “sous-hommes” dont le sang avait été corrompu par des siècles de métissage entre romains, wisigoth, juifs, arabes et gitans. Il évoquait l’histoire d’une nation basque originelle asservie et souillée par le “colonialisme castillan” et qu’il fallait libérer de ces “maketos” dégénérés. Du côté catalan, avec Valentí Amirall, on retrouve le même discours victimaire, la même supériorité et surtout le même récit mythique, farfelu et mensonger. Au début ce n’étaient que des groupuscules insignifiants mais, depuis le retour de la démocratie en 1978 et pour des raisons de politique politicienne, les successifs gouvernements centraux ont cédé à toutes leurs exigences. Cela leur a permis de détenir actuellement un pouvoir absolu, tyrannique, tribal et mafieux dans les régions où ils se sont implantés, et dans lesquelles la langue espagnole, commune à tous, a été marginalisée. Et n’oublions pas les crimes du groupe terroriste basque ETA dont les héritiers siègent désormais au congrès national comme d´honorables députés, grâce au socialiste Pedro Sánchez.
Comble de l´absurde, cette gauche prétendument républicaine et moderniste fait retourner le pays plus de cinq siècles en arrière, avant l’unification réalisée par des Rois Catholiques, dans une espèce de néo-féodalisme. La vérité historique est qu’il n´y a jamais eu ni de nation basque ni de nation catalane. L’Espagne moderne, bâtie par les Rois Catholiques à la fin du XVe siècle, est le fruit de l’union volontaire de tous les royaumes ibériques. Parmi les nombreux basques qui ont participé aux gloires espagnoles, on peut nommer le navigateur Juan Sebastián Elcano qui accomplit le premier tour du monde, ou encore l’amiral Blas de Lezo y Olavarrieta, héros de la Marine Nationale. Par ailleurs, de nombreux catalans ont participé à la conquête des Amériques et se sont distingués dans la haute administration ecclésiastique ou civile, comme le père Bernat Boïl, vicaire apostolique des Indes Occidentales ou encore Manuel d’Amati Junyent, vice-roi du Pérou.
On peut donc constater que le révisionnisme et la haine de soi ne sont pas des spécificités hexagonales. La gauche ibérique aurait pourtant de grandes choses à revendiquer de l’histoire espagnole comme, par exemple, la doctrine juridique de l’École de Salamanque qui précéda de plus de deux siècles la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, ou encore, la Loi du Travail, signée en 1593 par le roi Philippe II et qui avait établi la journée de huit heures.
Et, par malheur, ce fut au tour de mon Chili, tout comme le reste de l’Amérique Hispanique, de sombrer dans ce gauchisme postmoderne. Se revendiquant indigéniste, la gauche “latino” a repris à son compte le discours anti-espagnol autrefois rédigé par la propagande ennemie, principalement britannique. Il est assez cocasse de voir le président du Mexique Andrés Manuel López Obrador, indigéniste notoire mais 100 % d’origine ibérique, exiger des excuses au roi d´Espagne pour la conquête de l’Amérique au nom des peuples autochtones, tout en se gardant de froisser son voisin du nord qui pourtant a annexé en 1848 le Texas, la Californie, le Nevada, l’Arizona, entre autres, soit 60 % du territoire mexicain. Imaginez vos cousins québecquois ou acadiens vous reprocher, à vous Français, de les avoir colonisés tout en se gardant de critiquer les britanniques. Ou imaginez Pedro Sánchez exigeant des excuses au roi du Maroc pour la conquête musulmane. Avouez tout de même que ça aurait de la gueule…
Là encore la vérité historique est que l’Espagne n’a pas eu de colonies aux Amériques mais des royaumes d’outre mer appelés “virreinatos” dans lesquels tous les habitants étaient citoyens à part entière et les indiens étaient protégés par la couronne d´Espagne depuis le début de la conquête. En témoigne le testament d’Isabel la Catholique et les nombreuses lois qui ont été rédigées à cette fin, comme celle de Burgos en 1512. D’autre part la constitution de 1812 rappelait dans son préambule que l’Espagne est la réunion de tous les Espagnols “des deux hémisphères”.
Quant à cette “légende noire” qui décrit une vieille Espagne supposément rétrograde, obscurantiste, ennemie des sciences et des libertés, il suffit de se renseigner sur les énormes progrès accomplis en navigation, cartographie, médecine, technologie, et dans tous les domaines des arts et des lettres, pour la démentir. En témoigne le formidable patrimoine culturel, artistique et architectural des pays de l’Amérique Hispanique, et la formidable vivacité de la langue espagnole, aujourd’hui parlée par près de 600 millions de personnes.
La gauche hispano-americaine a bien changé depuis les célèbres coups d’éclat de Fidel Castro contre les yankees. Maintenant elle a adopté servilement tous les dogmes importés des USA. Il est curieux de constater que les actuels mouvements d’hystérie collective contre les statues de Christophe Colomb ont commencé chez l’Oncle Sam, avant de se répandre comme une traînée de poudre dans tout le continent jusqu’en Terre de Feu. A-t-on peur de la communauté hispanique de plus en plus nombreuse, au point de vouloir lui ôter la mémoire historique pour l’affaiblir? Que sont devenus les vaillants combattants anti-impérialistes des glorieuses années 60 et 70?
Encore une fois la vérité est aisée à rétablir. Dans cette “grande démocratie”, il ne reste pas plus de 1 % de la population indienne, ceux qui ont survécu aux campagnes d’extermination de George Custer ont été parqués dans des réserves. Au Mexique ils sont près de la moitié de la population, en Bolivie ou au Guatemala ils sont majoritaires. Mais ce sont les statues de Christophe Colomb qu’on renverse, celles de Custer sont toujours bien en place… Bravo les néo-revolucionarios!
Enfin, à travers ce témoignage, j’ai souhaité remettre quelques pendules à l’heure et je revendique clairement les valeurs que la gauche d’antan défendait. Pour moi elles ne sont pas dépassées mais, bien au contraire, de pleine actualité. Et je n’ai pas l´impression d’avoir tellement changé, c’est le monde et la configuration politique qui, après la chute du mur de Berlin, ont été bouleversés. Pourtant, depuis ces dernières années il y a de bonnes raisons pour retrouver espoir. En Europe, tout comme comme aux Amériques, de plus en plus de citoyens se réveillent et commencent à réagir. Les peuples renouent avec leur histoire et leur identité, et des milliers de jeunes reconnectent avec leurs ancêtres, et ce malgré les ravages du pédagogisme et de tous les dogmes modernistes imposés depuis plus de quarante ans. Non, tout n’est pas perdu!
À chaque élection, le parti patriotique Vox, auquel j’ai l’honneur d’appartenir, progresse, et se rapproche du pouvoir.
Et comme disaient les anciens : La lutte continue !
Santiago Cartagena
Ancien communiste chilien, je milite à Vox pour sauver l'identité de l'Espagne
Les plus de vingt ans doivent se souvenir de l'excellente comédie "Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes", parue en 1993. Moi j'ai eu mieux : un père communiste, et e...