Je suis bien intrigué par cette affaire de statue de la Vierge sur la commune de la Flotte et ses démêlés judiciaires avec les membres de la Libre Pensée qui n’ont pas l’air d’avoir les mêmes pudeurs de gazelle mélenchonistes avec l’Islam si je comprends l’article de Monsieur Jacques Chassaing :
https://ripostelaique.com/les-deboulonneurs-de-la-vierge-marie-de-lile-de-re-encensent-lislam.html
J’ai pu lire les jugements, et à partir de ceux-ci seulement, car je n’ai pas accès aux mémoires des parties déposées devant les juridictions, j’ai ces quelques réflexions à faire valoir qui pourront servir à qui de droit si ces pistes n’avaient pas été à explorées aux premières instances.
Il convient bien sûr de partir du texte légal invoqué dans les jugements, l’article 28 de la loi de 1905 :
« Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ».
Puis en partant de l’inéluctable loi, revenir sur l’origine du bien et son caractère indivis public-privé reconnu par la juridiction administrative :
Ainsi une collectivité ou l’état propriétaire d’un terrain ou d’un édifice a interdiction, depuis 1905 et pour l’avenir, « d’élever ou d’apposer aucun signe religieux sur les monuments publics ou en quelques emplacement public que ce soit .. ».
Si on reprend les circonstances historiques de l’origine de propriété, la statue litigieuse a été initialement édifiée sur un terrain privé après-guerre ( 1939/ 1945 ) en remerciement d’un retour sains et saufs d’un père et de son fils du conflit mondial.
Edifiée sur un terrain privé à l’origine, ce n’est que par acte de cession à titre gratuit ( donation ) que le terrain est entré dans le domaine public de la Mairie en 2005, transfert de propriété acté le « 2 novembre 2006, par lequel la moitié indivise de cette parcelle lui a été cédée à titre gratuit, et de la délibération de son conseil municipal du 4 juillet 2013, incorporant ladite parcelle dans son domaine public,).
Toutefois la Cour d’Appel reconnait le caractère indivis du bien, mais sans en tirer toutes les conséquences qui mériteraient d’être examinées :
« Ainsi, la commune est propriétaire de ladite parcelle en indivision avec M. J== J==. Par suite, le moyen tiré de ce que la statue ne peut être regardée comme située sur un « emplacement public » au sens de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 doit être écarté dès lors que le terrain supportant la statue relève en partie du domaine de la commune ».
On aimerait savoir si l’indivision porte sur l’ensemble parcellaire ou sur une fraction de parcelle clairement identifiée au plan sur laquelle la statue a été remise en l’état.
Si l’indivision vaut pour l’ensemble, alors la statue est mi-privée mi-collectivité publique, et là le juge ne devrait pas pouvoir écarter ce caractère indivis puisque la part privée se confond dans la surface totale de la parcelle avec la quote-part collective échue par cession à titre gratuit incorporée au domaine public : dit autrement, chaque indivisaire est propriétaire pour la totalité de la surface puisqu’il n’y a pas répartition cadastrale en m² à chacun, mais pour moitié seulement en valeur.
Alors la filière juridictionnelle administrative est-elle compétente pour juger de la légalité au regard de la loi de 1905 d’une statue religieuse édifiée sur un terrain privé en totalité en surface et pour moitié en valeur seulement ???
Vous voyez déjà comme j’emmerde, au sens noble de l’expression, le ronronnement juridique administratif. Le Conseil d‘Etat sera-t-il sensible à l’argument de compétence ???
Allons plus loin. Voyons la partie indivise privée du terrain et ses éventuels intérêts affectifs propres :
La reconnaissance par la filière juridictionnelle administrative du caractère indivis du terrain privé/public permettrait d‘ouvrir un nouveau front judiciaire : en effet le propriétaire indivis du terrain, s’il s’estimait lésé dans la mémoire et les volontés de ses aïeux dans la décision du juge administratif de déplacer la statue, pourrait saisir les tribunaux civils.
Ainsi nous aurions, en parallèle, une action devant les juridictions administratives : Tribunal administratif/ Cour Administrative d’Appel/ Conseil d‘Etat avec la Mairie de la Flotte, et une action civile, Tribunal civil, Cour d‘appel/ Cour de Cassation avec le propriétaire indivis privé qui attaquerait le juge administratif.
Imaginons maintenant que le Conseil d‘Etat valide les décisions de l’ordre juridique administratif, mais que dans le même temps, la Cour de Cassation valide les tribunaux civils qui auraient décidé que la statue n’avait pas lieu à être interdite ou déplacée puisque localisée sur une parcelle privative : en l’absence d’harmonisation qui ne pourrait intervenir que par réunion mixte juges du Conseil d’Etat et juges de la Cour de Cassation réunis en conclave pour l’occasion, il y aurait deux droits applicables à la statue réinstallée sur ce terrain.
Des divergences existent déjà entre le juge civil et le juge administratif en matière de conventions fiscales internationales où la Cour de Cassation applique résolument l’article 55 de notre Constitution pour juger qu’une convention fiscale prime le droit interne jusqu’à pouvoir créer une imposition inconnue en droit interne, alors que le Conseil d’Etat subordonne la convention fiscale au droit interne :
https://www.lexbase.fr/article-juridique/26687079-jurisprudence-l-assemblee-pleniere-de-la-cour-de-cassation-adopte-une-regle-de-raison-a-propos-de-l
Ou entre le juge pénal et le juge administratif, et les professionnels du droit appellent les filières juridictionnelles à se coordonner :
https://www.etudes-fiscales-internationales.com/tag/divergence+entre+le+juge+penal+et+le+juge+fiscal
Inutile de préciser qu’une décision harmonisée aurait valeur de jurisprudence pour tous les biens en situation indivise public-privé pour l’avenir.
Autre front judiciaire à explorer, le texte de loi lui-même combiné à l’origine du bien et aux clauses de l’acte de donation s’il y en a.
Il arrive que des actes de cession à titre gratuit à des collectivités ou à l’état comprennent des charges imposées au nouveau propriétaire public : ainsi la magnifique Villa Eilen Roc du Cap d’Antibes reçue par donation impose à la Mairie son utilisation pour la réception d’hôtes de marque :
« En 1982, Madame Beaumont lègue sa propriété à la Ville d’Antibes Juan-les-Pins. La donation est assortie de conditions précises dont les plus remarquables sont : la création d’une Fondation Beaumont destinée à gérer et exploiter ce patrimoine ; l’utilisation de la propriété par la ville pour des expositions, des réceptions et l’accueil d’hôtes illustres ; l’ouverture des jardins au public. La ville d’Antibes Juan-les-Pins entreprend alors un vaste programme de restauration des bâtiments, du mobilier et des jardins ».
https://www.antibesjuanlespins.com/a-voir-a-faire/culture-et-patrimoine/le-patrimoine/la-villa-eilenroc-2031716
La magnifique villa à visiter sur ce site :
https://www.academie-clementine.org/visites/villa-eilen-roc-antibes_3010-07-02-2015.html
Il conviendrait de vérifier si dans l’acte de cession à titre gratuit de la quote-part indivise du terrain sur laquelle est édifiée la statue à la commune de la Flotte il n’y aurait pas une clause d’obligation de maintien, préservation ou reconstruction en cas de sinistre de ladite statue : dans cette hypothèse les juges devront admettre que la mairie n’a pas édifié ou apposé de son propre chef un signe religieux mais n’a fait qu’obéir à une disposition émanant d’un propriétaire-donateur privé : en quelque sorte par analogie avec les dispositions testamentaires, elle n’a été que l’exécutrice de la volonté d’un tiers privé échappant à la loi de 1905 à laquelle, par acte, elle s’était engagée, et n’a jamais agi pour son propre compte.
Prenons également dans la foulée le texte de loi littéral combiné aux causes qui ont conduit à l’édification d’une copie de la statue en 2021 :
Ainsi, la loi « interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit ».
Or c’est suite à un sinistre qui avait entrainé la destruction de la statue que la mairie a décidé d’en réinstaller une : il ne s’agit donc aucunement d’une édification ou apposition postérieure à la promulgation de la loi, mais d’une réparation-installation suite à sinistre postérieur à la loi.
Or l’article 28 du texte de la loi de 1905 est muet sur les reconstructions d’objets religieux sur une parcelle qui à l’origine échappait à la loi de 1905 car entièrement privée.
On devrait ici pouvoir soutenir devant le Conseil d‘Etat que les juridictions administratives du premier degré et d‘appel ont « ajouté à la loi » pour en réclamer la censure :
« Une décision judiciaire peut être censurée pour avoir « ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas ».
https://www.dalloz-actualite.fr/revue-de-presse/condition-ajoutee-loi-par-juge-20091119#.Y8gIEhWZOUk
Enfin il reste l’arme fatale si elle trouvait à s’appliquer après recherches pointilleuses et sourcilleuses des avocats défenseurs : vérifier si les membres de la Libre Pensée et les magistrats des première et seconde juridictions administratives ne seraient pas tous membres d’une franc-maçonnerie quelconque, ce qui permettrait d’embrayer la mécanique vers une requête en suspicion légitime.
Là, tout devient politique, comme pour Dreyfus, une petite statue de rien de la Flotte pourrait mettre la France dans un grand bain en la coupant en deux.
En deux, je parle de la France, pas de la statue, bien qu’à mes yeux, sauf clause contraire figurant dans l’acte dont je n‘ai pas la disposition, elle reste indivise puisque seule une fraction en aurait été donnée à la Mairie avec la fraction de terrain.
Jean d’Acre
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Statue de la Vierge et espace public : Réflexions sur le verdict des juges
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