Le Blog de Lazare

Les Ukrainiens ont élu Zelensky sur un programme pacifique et vertueux. Son succès incontestable : 73 % des voix, s’est construit sur plusieurs promesses : la lutte contre la corruption et indirectement les oligarques, la réconciliation et la paix avec les populations russophones, le développement social et économique. Que va-t-il se passer lors des prochaines élections présidentielles de mars 2024 ? 

Le résultat risque de lui être fatal. À la promesse de paix s’est imposée la guerre, poussée par des puissances étrangères. À la fin de la corruption s’est ensuivie une emprise toujours plus sordide, même pendant la période de misère consécutive de la guerre. À la promesse de réconciliation s’est installée une haine criminelle, la conscription des hommes en âge de se battre, l’effondrement économique, l’exil de près de 10 millions d’Ukrainiens et, à ce jour, la perte d’environ 20 % du territoire national qui représente environ 80 % de la richesse du pays.

En matière de liberté publique, la guerre a bon dos, comme la crise de la covid chez nous, pour entraver la presse, poursuivre les journalistes, refuser de communiquer des chiffres qu’un État doit à son peuple souverain dans une société démocratique et libre dont le nombre d’invalides de guerre et de morts. Même la liberté religieuse a été abîmée, l’Église orthodoxe étant menacée du fait de sa filiation à la Russie, les étrangers y voyant le moyen d’affaiblir l’influence orthodoxe en séparant l’Église de Kiev du patriarcat de Moscou.

Enfin, la situation économique d’un des pays les plus pauvres de toute la région, même avant la guerre, s’est évidemment aggravée. Le PNB fin 2022 est a peu près moitié moindre que celui des années précédentes. Amputée et en état de guerre, l’économie ukrainienne ne produira pas grand chose en 2023. La population s’enfonce dans la misère et la malnutrition. 

Le bilan du gentil candidat Zelensky a de quoi soulever les cœurs et inciter à la colère, la révolte, voire l’insurrection. Le peuple ukrainien peut-il encore soutenir un candidat qui aura successivement trahi sa parole et trompé le peuple, ruiné son pays, détruit son territoire, etc. ? Le peuple ukrainien a de quoi entretenir aussi un terrible ressentiment. Concernant les Russes, peut-être, mais concernant ces puissances étrangères qui ont encouragé au sacrifice de toute l’Ukraine aussi, voire plus. 

On peut imaginer que tout le monde prépare le terrain. Les pro-russes ont peut-être un boulevard, selon les événements de la guerre et de la diplomatie des mois à venir, pour pousser des candidats pacifistes qui passeront le message d’une entente indispensable avec la Russie. Les Américains, dont on ne peut imaginer qu’ils négligent cette échéance, doivent chercher le remplaçant, le candidat fantoche qui promettra la reconstruction, l’assistance internationale, l’intégration dans l’Union européenne, etc.  Dans tous les cas, on ne peut imaginer une seconde que Zelensky puisse se succéder à lui-même. Mais le procès de la guerre en Ukraine par les Ukrainiens eux-mêmes peut créer quelques surprises politiques. Il y a du chaos dans l’air pour l’Occident dans cette aventure, parce que le débat en Ukraine va nous confronter aux faits et vérités de notre action et de notre entêtement : la ruine, la mort, l’exil, l’impasse. Un effet boomerang n’est d’ailleurs pas à exclure.

Pierre-Antoine Pontoizeau