« La France a toujours été en retard d’une guerre. En 1914, nous étions fins prêts pour celle de 1870 et en 1940 parfaitement au point pour gagner celle de 14… » (Jean Amadou (1)).
Nous sommes peut-être – je le crains ! – à l’aune d’une Troisième Guerre Mondiale.
Des tas de gens, stratèges de plateaux télé, matamores de Café du Commerce, bellicistes en pantoufles, zélateurs de l’OTAN (ou de Joe Biden), et autres va-t-en-guerre semblent ardemment le souhaiter. Et on se fait traiter de froussard, de lâche, de pacifiste, quand on ose simplement rappeler que la Première Guerre Mondiale – la « Der des Der » – a fait 18 millions de morts (dont 1,4 million de Français), la Seconde… 50 millions et, compte tenu de l’arsenal nucléaire impressionnant détenu par les futurs belligérants, on peut supposer que la Troisième en fera 200 ou 300 millions, voire plus.
Mais peut-être que les tenants du Nouvel Ordre Mondial comptent là-dessus pour régler de façon drastique le problème de la surpopulation mondiale ? A moins que ce ne soit qu’un moyen de relancer leurs économies malades ou pour camoufler un énorme crash financier à venir ?
On a coutume de dire que « l’histoire ne repasse pas les plats » mais nous savons pourtant comment l’occident est sorti de la grande crise de 1929. Les Accords de Bretton Woods, le Plan Marshall, tout ceci semble oublié par des peuples décadents, avachis, embourgeoisés, ramollis, qui cultivent le confort, l’individualisme et le narcissisme égocentrique.
Quand on ose s’inquiéter d’une possible guerre, on nous sert l’« esprit munichois », ce poncif qui tourne en boucle dans les médias. Rappelons à ceux qui pérorent sur le sujet que les Accords de Munich, entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie (représentés par Hitler, Daladier, Chamberlain et Mussolini), le 30 septembre 1938, étaient un lâchage pur et simple, un abandon indigne, de la Tchécoslovaquie avec laquelle nous avions un traité d’alliance. La France de Daladier était à la veille d’élections et ne souhaitait pas entrer en guerre sans la présence du Royaume-Uni à ses côtés. On a donc abandonné lâchement la Tchécoslovaquie. Léon Blum, pourtant favorable aux Accords, se disait « partagé entre un lâche soulagement et la honte ». Et Churchill a eu cette belle envolée envers Daladier : « Vous avez préféré le déshonneur à la guerre ; vous aurez le déshonneur ET la guerre ! » C’est cela « l’esprit munichois » : le non-respect honteux d’un traité d’alliance.
Pour ma part, le risque d’un conflit nucléaire m’obsède. Non par peur d’y laisser ma peau, je ne suis plus mobilisable (même si je sais que les guerres modernes tuent trois ou quatre fois plus de civils que de militaires), mais j’ai peur, très peur, d’assister à la fin d’un monde…
Depuis le début du conflit en Ukraine, je ne cesse de clamer que la France aurait dû songer à ses propres intérêts. Il lui fallait, pour une fois, faire de la « realpolitik », refuser les oukases de Biden et d’Ursula Von Der Leyen, et ne pas prendre position pour l’une ou l’autre des parties.
Ce conflit, qui a débuté en 2014 sans que cela émeuve l’OTAN, se joue entre deux nations aux histoires intimement liées et imbriquées. L’Ukraine a été baptisée en 1187 d’après un mot slave qui veut dire « frontière ». Elle s’étire aux marges du monde russe, dont elle a été le berceau, à la jonction entre le monde orthodoxe et le monde catholique.
À partir du XVI° siècle, beaucoup de paysans ukrainiens s’enfuyaient vers le Sud, au-delà des cataractes du Dniepr, et créaient des communautés indépendantes, les « Cosaques zaporogues » (qui signifie : « hommes libres d’au-delà des rapides »). En 1654, las d’être harcelés par les Polonais, ils se plaçaient sous la protection du Tsar de Moscou. Il s’en suivra une longue guerre entre la Russie et la Pologne, qui se terminera par le Traité d’Androussovo, le 31 janvier 1667. La Russie des Romanov récupère la rive orientale du Dniepr. Vingt ans plus tard, Kiev et Smolensk passent à leur tour à la Russie. Dans l’esprit du Tsar, l’Ukraine est terre russe et n’a droit à aucun statut particulier. Ainsi le métropolite de Kiev, chef religieux de l’Église orthodoxe ukrainienne, est placé sous l’autorité du patriarcat de Moscou. Mais les Cosaques et autres Ukrainiens supportent mal le joug russe.
Quand Pierre le Grand entre en guerre avec le Roi de Suède Charles XII, le nouveau chef des Cosaques, Ivan Mazeppa, se vend à la Suède. Et Charles XII, désireux de soutenir son providentiel allié, décide de le rejoindre avec son armée au lieu de marcher sur Moscou. Il met le siège devant Poltava mais en est délogé par les Russes le 8 juillet 1709.
Charles XII et Mazeppa n’ont plus d’autre choix que de demander asile à la Turquie. C’en est fini, pour deux siècles, des espoirs d’indépendance ukrainienne. La reconquête de l’Ukraine par Moscou est complétée à la faveur des deux premiers partages de la Pologne, en 1772 et en 1793. Ils font passer l’ensemble du territoire ukrainien mais aussi la Biélorussie sous l’autorité du Tsar.
En 1876, la Russie interdit la langue ukrainienne dans les écoles, et la limite aux journaux et la littérature. De grandes villes sont fondées comme Odessa, Ekaterinoslav, Sébastopol, etc…
Après la Révolution de 1917, l’Ukraine est brièvement indépendante jusqu’en 1920.
Le 30 décembre 1922, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) naît du Traité qui réunit la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine et la Transcaucasie.
Quand Staline déclenche sa révolution industrielle, à la fin des années 1920, l’Ukraine devient l’une des sources indispensables de son financement. Mais il ne ménage pas les efforts pour réprimer le moindre signe d’un réveil nationaliste ukrainien, interprété comme un rejet du pouvoir bolchevik et une menace pour l’intégrité de l’URSS. Des exécutions et des déportations d’Ukrainiens, accusés de nationalisme, sont organisées durant les purges staliniennes de 1937-1939 : plusieurs millions d’Ukrainiens sont exécutés ou envoyés dans les camps de travail soviétiques (2).
À l’été 1941, l’Ukraine est envahie par les troupes allemandes. À leur arrivée, les Allemands sont reçus en libérateurs par une partie des Ukrainiens. Mais, au fur et à mesure de leur progression vers l’Est, en raison des mauvais traitements infligés à la population, les Allemands rencontrent une forte résistance, laquelle va perdurer jusqu’au retour des Soviétiques en 1944.
Cependant de nombreux Ukrainiens vont collaborer avec les Nazis. Le 28 avril 1943, le haut commandement de la Wehrmacht annonce la création de la Division SS « Galicie » constituée de volontaires ukrainiens. Plus de 220 000 Ukrainiens se sont engagés aux côtés des Allemands durant la Seconde Guerre Mondiale pour combattre le Communisme.
En 1944, l’Armée Rouge libère la plus grande partie de l’Ukraine. À la fin du conflit, le bilan des pertes ukrainiennes est de 8 millions de morts (dont 1,4 million de militaires).
En 1954, le 1er secrétaire du Parti Communiste d’Union Soviétique, Nikita Khrouchtchev, natif d’Ukraine, transfère la péninsule de Crimée à la République Soviétique Socialiste d’Ukraine.
L’Ukraine est alors considérée comme un modèle au sein des Républiques Soviétiques.
Brejnev, qui a dirigé l’URSS pendant 18 ans (de 1964 à 1982), est d’origine ukrainienne, comme Nikita Khrouchtchev. Puis, en 1989, le Bloc de l’Est se fissure et finit par s’effondrer.
Le 16 juillet 1990, le Parlement ukrainien adopte la Déclaration sur la souveraineté politique de la République d’Ukraine. C’est le premier pas vers l’indépendance complète du pays. Celle-ci est proclamée le 24 août 1991 et confirmée par le référendum du 1er décembre 1991.
Le 8 décembre 1991, la dislocation de l’URSS est actée par les Accords de Minsk, signés par les dirigeants russe, ukrainien et biélorusse.
Avec ce bref survol, je veux simplement dire que le désamour entre l’Ukraine et la Russie ne date pas d’hier. Mais quand ces deux peuples sont entrés à nouveau en conflit, il eût été raisonnable de ne pas nous en mêler. Dès 1991, après la chute du bloc de l’Est, nous aurions dû nous rapprocher de la Russie. C’était NOTRE intérêt, mais nous avons préféré humilier l’ogre russe pour complaire aux Américains. Et pourquoi voler au secours de l’Ukraine, qui est archétype d’un état mafieux ?
L’Ukraine n’est pas membre de l’Union Européenne pas plus qu’elle n’est membre de l’OTAN. Nous ne lui devons pas aide et/ou assistance. Qu’elle règle seule son différend avec son voisin russe, et que le meilleur gagne, à la grâce de Dieu !
Et qu’on ne vienne pas m’invoquer le « droit d’ingérence humanitaire », ce concept fumeux inventé par Bernard Kouchner car il est à géométrie variable. Que ne l’a-t-on invoqué quand l’OTAN a bombardé les civils de Belgrade pendant 70 jours ? Ou quand la sulfureuse « Brigade Azov » pilonnait les populations pro-russes de Donetsk et Lougansk ?
Bien sûr, il est de notre devoir d’accueillir et d’aider matériellement les réfugiés ukrainiens, mais notre engagement devrait s’arrêter là. Je le répète, ce conflit ne nous concerne pas !
Alors, pourquoi avons-nous mêlé nos voix, nos menaces, nos gesticulations, nos sanctions, à celles de Biden et d’Ursula Von Der Leyen ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
Les Américains ont contribué à nous chasser de notre Empire. Avec leur Guerre du Golfe, ils nous ont brouillés avec le monde musulman, et ils sont encore en train d’affaiblir l’Europe.
En injectant des milliards de dollars dans l’aide militaire à l’Ukraine, ils ne font qu’attiser le feu qui couve. Et l’Europe, une fois de plus, s’est mise à la remorque des USA qui nous vendront leur gaz et leur pétrole de schiste au prix fort. On a l’impression que ce monde marche sur la tête !
Faisons ici une courte digression pour dire que les velléités de rattachement à la Russie des enclaves de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia ne sont ni plus farfelues ni plus scandaleuses que l’indépendance du Kosovo proclamée unilatéralement en 2008. Fermons la parenthèse !
Il importe peu de savoir qui de Poutine, Zelensky, Biden, Ursula Von Der Leyen, ou…Macron, est celui qui soufflera le plus fort sur les braises, au risque d’attiser un brasier qui ne demande qu’à se transformer en gigantesque incendie. Mais je suis effrayé et abasourdi quand j’entends, dans les salons, les dîners mondains, ou à la télé, le nombre de va-t-en-guerre qui appellent à la croisade du camp du bien contre la Russie. Et je note que la plupart d’entre eux sont adeptes du « armons-nous et…partez ! » car leur âge, souvent canonique, les rend inaptes à une éventuelle mobilisation.
Passionné d’histoire, je lis beaucoup. Il se trouve que je viens de lire (ou relire) plusieurs ouvrages sur la Grande Guerre. Les monuments aux morts de toutes les villes et villages de France sont là pour nous rappeler qu’elle fut tristement « égalitaire ». La République a envoyé 8 millions d’hommes au casse-pipe et en a fait tuer 1,4 million (plus 4,3 millions de blessés).
Quelle est la famille française qui n’a pas eu son ou ses mort(s) de la Grande Guerre ?
J’ai relu, entre autres, « Le gâchis des généraux » de Pierre Miquel(3) qui raconte comment Joffre limogeait ses subordonnés à tour de bras pour ne pas assumer ses propres erreurs ; comment des généraux incompétents – Nivelle et tant d’autres – lançaient leurs poilus dans des offensives aussi sanglantes qu’inutiles. Le général Pétain étaient l’un des rares à se soucier de la vie de ses hommes (4), les autres préféraient nier la supériorité de l’artillerie lourde allemande et ne croyaient qu’à l’offensive du fantassin à la baïonnette, comme durant les guerres napoléoniennes.
Ensuite, dans l’euphorie de la victoire, le pays a nommé huit maréchaux de France(5), sans doute pour faire oublier l’incompétence criminelle de certains d’entre eux ?
Après la défaite de Sedan, en 1870, la France était frappée d’un esprit revanchard, mais encore eût-il fallu se préparer sérieusement à la revanche. Or en 1911, alors que Krupp fondait des canons à longue portée qui allaient tragiquement inaugurer la guerre moderne, le général Faurie – qui mérite de passer à la postérité – écrivait ceci: « Il faut que le fantassin arrive à avoir, dans son adresse à manier la baïonnette, une confiance telle qu’il préfère l’emploi de celle-ci à un tir rapide qui lui fait perdre du temps » ; ça ne s’invente pas ! Et un certain capitaine Ledant – encore un génie méconnu – dans un livre intitulé « A la baïonnette, chargez ! », renchérissait en 1912 en écrivant :
« La baïonnette est une arme terrible, qui opère vite, c’est l’outil du bon travail, une blessure causée par elle est toujours grave. On peut rêver de posséder des armes qui tuent à plusieurs kilomètres, mais avec la baïonnette, tous les coups portent… ». On croît rêver !
On peut aussi parler du « pantalon garance » dont on dota nos poilus au début de la Grande Guerre. Ainsi vêtu le fantassin offrait une cible magnifique au Boche, mais ce pantalon était un signe distinctif auquel tenaient les généraux. Il avait conquis ses titres de gloire en Algérie avec les troupes du Duc d’Aumale, et le supprimer eût été infamant.
Et puis, comme disait Cyrano de Bergerac, « on n’abdique pas l’honneur d’être une cible » et des cibles, les mitrailleuses allemandes allaient en avoir quelques centaines de milliers.
Pourquoi parler de la Première Guerre Mondiale dans un article qui évoque la probabilité (ou la crainte) de la Troisième ? Disons que je suis enclin à penser, comme Clémenceau, que « la guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier à des militaires ». Les erreurs de 14-18 auraient dû nous servir de leçons or en juin 1940 nous avons subi la plus mémorable raclée de notre histoire.
En 1996-97, Jacques Chirac, sur les conseils de son ministre des Armées, Charles Million (lui-même exempté de Service Militaire) décide l’abandon de la conscription qui « emmerde les jeunes ».
Et, dans la foulée, des généraux nous expliquent que le péril à l’Est n’existe plus, que nous n’avons plus besoin d’appelés du contingent car les guerres de demain seront des conflits « du fort au faible » et que la technique remplacera l’homme.
Tous ces hauts gradés – à quelques exceptions près – acceptaient, souvent par carriérisme, que les sommes allouées à la défense servent de variable d’ajustement budgétaire au gouvernement.
Nous avons, à l’heure actuelle, une armée remarquable. Certaines de nos unités d’élites sont enviées ou copiées dans le monde entier, mais nos forces sont réduites à une peau de chagrin.
« En cas d’engagement majeur…peut-on lire dans un hebdomadaire crédible(6), une brigade de l’armée française tiendrait environ 20 km, et chaque brigade est constituée de 6 000 hommes et 150 véhicules, ce qui renvoie donc aux seuls 80 kilomètres de front que l’armée de terre pourrait tenir efficacement. Quant aux armées de l’air et la marine, elles seraient focalisées sur les missions dans leur milieu et ne pourraient pas pallier les manques. Le nombre d’hommes est insuffisant dans cette armée française « échantillonnaire », qui a toujours privilégié posséder tous les moyens mais en petite quantité… ». Ce même article nous apprend que nous manquons cruellement de missiles, de munitions et de drones. En clair, nous ne sommes absolument pas prêts pour un conflit dit « de haute intensité ». Qu’il est facile de menacer, de rouler des mécaniques, d’assurer le vibrionnant Zelensky de notre soutien, mais avons-nous les moyens de jouer les durs ? Assurément non !
Alors, on peut me traiter de froussard, de pacifiste, de « munichois », je m’en moque.
Mais quand, dans quelques mois peut-être, vous manquerez de tout ; quand faire le plein de votre voiture sera devenu un luxe ; ou pire, quand vos enfants ou vos petits-enfants iront se faire trouer la peau dans une guerre que nous aurions pu éviter, de grâce, ne venez pas pleurer comme des madeleines, ce serait indécent.
Eric de Verdelhan
1)- Citation tirée de « Les Français mode d’emploi » de Jean Amadou ; Robert Laffont ; 2008.
2)- Les citoyens russes ne seront pas mieux traités lors des purges staliniennes.
3)- « Le gâchis des généraux » de Pierre Miquel ; Plon ; 2001.
4)- Mais il ne faut surtout pas dire du bien du « vainqueur de Verdun », Pétain, c’est Vichy !
5)- Joffre, Foch, Pétain, Gallieni, Fayolle, Franchet d’Esperey, Lyautey et Maunoury.
6)- « Valeurs actuelles » du 5 octobre 2022.
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On peut me traiter de " Munichois ", mais je ne veux pas d'un conflit nucléaire
" La France a toujours été en retard d'une guerre. En 1914, nous étions fins prêts pour celle de 1970 et en 1940 parfaitement au point pour gagner celle de 14... " (Jean Amadou (1)). Nous somme...