Or les Églises ont regroupé selon leur logique certains versets pour faciliter la mémorisation. Il se trouve que dans l’histoire du judaïsme et dans l’organisation du christianisme, trois traditions essentielles ont proposé un agencement successif des 10 Paroles. Ce qui explique qu’on peut y retrouver le contenu des mêmes 10 commandements, mais dans un ordre sensiblement différent.
La fixation des textes a été entérinée à la suite de la mise en place du judaïsme rabbinique postérieur à l’académie de Yavné (90 ap. JC). Le regroupement des dix paroles est différent de celui qu’adopteront les chrétiens : en effet, la première mitsva est le rappel de la sortie d’Egypte grâce à la force de Yahvé. Ce qui souligne le fait que l’éthique pratiquée par les hommes n’a été possible que par l’initiative aimante de Dieu.
Elle s’appuie sur St Augustin et s’est imposée au cours du temps dans l’Eglise catholique. A la Réforme, Luther l’a reprise telle quelle dans son catéchisme.
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Elle s’appuie sur la version d’Origène. Reprise par les Eglises orthodoxes elle fut adoptée plus tard par les Eglises protestantes, à l’exception des Luthériens où elle est identique à celle des catholiques.
Quelle que soit la version des Dix Paroles, il faut observer son impact historique civilisationnel. Les droits de l’homme ne seraient pas ce qu’ils sont sans les Dix Commandements, et on constate facilement que ce message n’a rien perdu de son actualité dans la vie du monde.
Les décalages entre ces versions juives, catholiques, orthodoxes et protestantes peuvent évidemment poser question. Mais c’est d’abord la classification des versets qui peuvent induire ce genre de difficulté. Elle n’a pas toujours existé sous la forme que nous connaissons, et il était bien difficile de se référer à telle phrase distinguée de telle autre.
Les Ecrits originaux de la Sainte Bible se présentaient sous forme de blocs de textes, sans ponctuation, sans tête de chapitre. La transmission des Saintes Ecritures hébraïques se faisait oralement et scripturairement. Des copistes juifs du Haut Moyen Age eurent l’idée de diviser la Bible hébraïque, non pas en chapitres, mais en versets, par des signes de ponctuation repérable, système qui inspirera plus tard des chrétiens.
C’est au XIII° s. que l’archevêque catholique Stephen Langton, titulaire de Canterbury, divisa en chapitres le Premier et le Nouveau Testament à partir de la Vulgate (St Jérôme). Puis de là il passa au texte de la Bible hébraïque, et il établit pour les versions grecques une division en chapitres afin d’identifier et de recourir plus facilement aux passages recherchés. Dès 1226, les libraires de Paris introduisirent ces chapitres dans le texte biblique, et cette présentation fut adoptée dans le monde entier. Quant aux versets, c’est un juif catholique italien Santes Pagnino qui fut le premier à diviser les chapitres bibliques en versets portant des numéros. Sa Bible fut imprimée à Lyon dans une version assez littérale qui fut appréciée des humanistes et chercheurs de l’époque.
Robert Estienne, humaniste français et imprimeur, se réfugia à Genève en tant que calviniste. Trois siècles après Langton, il mis au point la division en versets du Nouveau testament et imprima en 1555 l’édition latine de toute la Bible. Pour le Premier testament hébraïque, il reprit telle quelle la numérotation de Santes Pagnino. Ce découpage en chapitres et en versets eut l’avantage de faciliter l’étude des textes.
La première Bible intégralement divisée en chapitres et versets, appelée « Bible de Genève » parut en 1560. Les éditeurs avaient opté à la fois pour les chapitres de l’archevêque Langton et pour les versets du calviniste Estienne. En 1592, le pape Clément VIII fit publier une version de la Vulgate pour la lecture officielle dans l’Eglise catholique, comportant la présentation actuelle en chapitres et versets. On peut dire qu’à la fin du XVI° s. les juifs, les catholiques et les protestants avaient tous adopté la subdivision en chapitres et versets de Langton et d’Estienne.
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Ces différences de classification des textes selon les traditions d’Eglises expliquent les présentations diversifiées des dix commandements. Ainsi, pour certains spécialistes, si on suit littéralement l’énoncé des mitsvot, ils ne seraient pas 10 mais 12 !
1/Tu n’auras pas d’autres dieux que moi (v3)
2/Tu ne feras aucune image sculptée (v4)
3/Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne leur rendras un culte (v5)
4/Tu ne prononceras pas faussement le nom de Yahvé ton Dieu (v7)
5/Souviens-toi du jour du shabbat pour le sanctifier (v8)
6/Honore ton père et ta mère (v12)
7/Tu ne tueras point (v13)
8/Tu ne commettras pas d’adultère (v14)
9/tu ne voleras pas (v15)
10/Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain (v16)
11/Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain (v17a)
12/Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain (v17b)
Cette classification a longtemps été débattue. Au premier siècle, Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe avaient leur interprétation. Ils y voyaient 4 commandements s’appliquant à Dieu et 6 s’appliquant au prochain. Origène, Tertullien, Grégoire de Nazianze adoptèrent cette façon de voir, vision reprise par Luthériens, Calvinistes et Anglicans.
Le judaïsme rabbinique laissa de côté cette classification et les rabbins regroupèrent les phrases différemment au niveau du sens des mitsvot. Pour eux le v 2 , prologue du Décalogue, représentait le 1er commandement.
Au V° s. St Augustin développa une troisième présentation, s’inspirant des réflexions du talmud, il voulut réunir les versets 2 à 6 en un seul commandement. De sa perception dans l’enchaînement signifiant des versets s’ensuivit un décalage par rapport aux présentations précédentes. Mais sa classification remaniée fut adoptée dans l’ensemble de l’Eglise catholique. Le but pédagogique étant de permettre au peuple de mémoriser plus facilement les préceptes.
Les 10 Paroles – héritage commun des juifs et des chrétiens – n’ont pas fini de faire parler d’elles et d’inspirer spirituellement et éthiquement les adhérents à l’alliance.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
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Les dix paroles dans la Bible et selon les Eglises chrétiennes
Les dix commandements, ou plutôt les dix paroles, sont également appelés le Décalogue. Ils sont issus du Livre de l'Exode (Ex 20. 2-17), et du Deutéronome (Dt 5.6-21) assez similaires. Ils ...
https://www.dreuz.info/2019/03/29/les-dix-paroles-dans-la-bible-et-selon-les-eglises-chretiennes/