INFOGRAPHIES - Le nombre de traversées de la Méditerranée recensées par l'agence des Nations unies pour les réfugiés a chuté en trois ans.
Les dirigeants européens ne parlent - presque - que de ça : comment résoudre la crise migratoire ? Le sujet a failli faire tomber la chancelière allemande Angela Merkel. Il a contribué à porter au pouvoir un nouveau gouvernement en Italie et entraîné, depuis, des crises diplomatiques entre Rome et ses voisins. Certains craignent même que l'Union européenne puisse succomber à ce premier grand défi.
Pourtant, l'Europe ne vit pas aujourd'hui de crise migratoire, martèlent les chercheurs spécialistes du sujet. « Il y a un décalage complet avec le discours politique : nous ne sommes pas du tout en phase d'invasion ", explique Catherine de Wenden, directrice de recherche émérite au CNRS. « Le pic de 2015 est derrière nous ".
Quelques chiffres de l'UNHCR, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, sur les arrivées en mer en Europe depuis 2014 montrent en effet qu'elles se sont taries ces dernières années.
· Six fois moins d'arrivées en 2017 par rapport à 2015
Jamais autant de personnes n'ont tenté de traverser la Méditerranée qu'au cours de l'année 2015. Plus d'un million de migrants ont alors atteint les côtes européennes. Leur nombre a ensuite progressivement diminué. En 2017, ils étaient six fois moins nombreux qu'en 2015.
Cette année aussi, le nombre d'arrivées a encore nettement diminué : au 3 juillet, l'UNHCR a recensé 46.219 personnes arrivées en Europe par la mer. Si ce rythme se poursuit jusqu'à la fin de l'année, le nombre d'arrivées en 2018 sera... douze fois inférieur à celui de 2015.
Nombreux sont ceux qui n'ont malheureusement jamais pu parvenir jusqu'en Europe : 1.355 décès ou disparitions ont été recensés depuis janvier 2018, après un pic à plus de 5.000 en 2016 et plus de 3.100 en 2017.
Rapporté au nombre total de traversées, cela signifie que 2,8 % des personnes ayant entamé une traversée de la Méditerranée cette année n'ont pas pu atteindre les côtes européennes. La proportion était de 1,4 % en 2016 et 1,7 % en 2017.
· 7.600 arrivées par mois en 2018, contre 144.000 fin 2015
Dans le détail mois par mois, le pic d'arrivées apparaît très nettement à l'automne 2015. En six mois, plus de 860.000 personnes sont arrivées, soit une moyenne de 144.000 par mois. Par comparaison, la moyenne est de 7.600 arrivées par mois cette année.
L'évolution de la guerre en Syrie explique principalement cet afflux soudain. Les violences commises par le groupe Etat islamique qui a proclamé le califat fin 2014 puis les campagnes de frappes russes à partir de septembre 2015 poussent davantage de Syriens à fuir leur pays. Après la Jordanie et le Liban, puis la Turquie, ils prennent alors la route de l'Europe.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer que le flux se soit tari début 2016. La lutte contre les passeurs clandestins, la crise que traverse la Libye, la météo peu clémente et surtout l'accord entre Bruxelles et Ankara de mars 2016, qui prévoit de renvoyer en Turquie tous les migrants arrivés en Grèce.
Côté syrien, « la moitié de la population est déjà déplacée et la situation dans le pays devient progressivement moins invivable qu'avant 2015 », note également Catherine de Wenden.
· Les Syriens restent majoritaires, les Sub-sahariens en légère hausse
Les Syriens représentent en effet la grande majorité des arrivées même si leur part a fortement diminué. Ils étaient près de 490.000 en 2015, soit 48 % des arrivées, loin devant les Afghans (21 %) et les Irakiens (9 %). Leur nombre a chuté d'année en année : 82.000 en 2016, soit 23 % des arrivées et 17.600 l'année suivante, soit 10 % des arrivées.
Ils sont en revanche plus nombreux à quitter l'Afrique subsaharienne pour rejoindre l'Europe, mais leur proportion reste faible. Guinéens, Ivoiriens, Maliens et Nigérians représentent au total 10 % des arrivées depuis le début de l'année, contre 3,5 % en 2015.
Finalement, comme en 2015, les nationalités les plus représentées - à l'exception de la Tunisie - font partie de celles qui obtiennent le plus le droit d'asile : Syrie, Irak, Afghanistan, Eythrée... C'est pourquoi Hélène Thiollet, chargée de recherche au CNRS, tient à rectifier un « abus de langage " : « ce ne sont pas des migrants clandestins mais des gens qui, par définition, ne peuvent pas demander de visa dans leur pays et viennent demander l'asile ailleurs. ».
Une raison supplémentaire pour dire que nous ne sommes pas dans une « crise migratoire », insiste-t-elle, mais plutôt dans une « crise de l'asile ".
Comment la crise migratoire a évolué depuis le pic de 2015
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