Dissoudre l'OTAN et créer un nouveau système de sécurité en excluant les Etats-Unis, c'est le seul moyen d'éviter une nouvelle guerre mondiale. Sahra Wagenknecht, députée au Bundestag, partage avec RT sa vision du monde.
Sahra Wagenknecht, femme politique allemande, docteur en sciences économiques, députée au Bundestag et membre du parti Die Linke
RT : La gauche allemande est en train de préparer un projet de résolution au Bundestag sur la dissolution de l'OTAN et la création d'un nouveau système de sécurité. En quoi consistent ces projets ?
Sahra Wagenknecht (S. W.) : Tout d'abord, nous sommes préoccupés par le tour qu'a pris le développement de l'OTAN ces dernières années, surtout dans ses actions les plus récentes et notamment dans ses manœuvres en Europe orientale. Des troupes seront déployées à proximité des frontières russes, des bases militaires avec des missiles sont en train d'y être construites. Nous sommes persuadés que tout cela menace sérieusement la sécurité en Europe. Nous avons toujours critiqué l'expansion de l'organisation à l'Est. Nous estimons que l'Allemagne devrait revenir à cette vieille idée de Willy Brandt selon laquelle la sécurité en Europe n'est possible qu'avec la Russie et pas contre. C'est pour cela que nous appelons à créer un nouveau système collectif de sécurité, avec la participation de la Russie, et qui représentera les intérêts des Européens au lieu d'être dominé par les Etats-Unis.
RT : Des milliers des soldats de l'OTAN, y compris des militaires allemands, ont participé aux entraînements en Europe de l'Est et dans les pays Baltes. A quoi se prépare l'OTAN et pourquoi les organise-t-elle maintenant ?
S. W. : Personnellement, je les crois inutiles. Quand ils prétendent que c'est pour dissuader, cela ne me convainc pas. Je pense que mener des manœuvres de ce type avec la participation de l'Allemagne 75 ans après la guerre déclenchée par cette dernière contre l'URSS, c'est oublier l'histoire. Ces manœuvres ne peuvent pas être justifiées et nous les voyons comme un anachronisme.
RT : Selon vous, quelle est - et sera - la réaction de Moscou à ces entraînements près de la frontière russe ?
S. W. : La Russie a déjà rétorqué qu'elle répondrait avec les mesures militaires appropriées. Ainsi, les deux parties déstabilisent la situation. Mais c'est absolument naturel : si une parties déploie des troupes, l'autre rapproche les siennes de la frontière. Je crois que les deux devraient se rendre compte qu'il s'agit de l'affrontement de deux puissances nucléaires possédant un grand arsenal et que l'Europe ne survivra tout simplement pas à un conflit. Au regard de tout cela, je crois qu'il est même inapproprié de faire [des exercices] de répétition d'un conflit pareil, et ces manœuvres sont justement des répétitions des soi-disant «cas d'urgence» qu'on ne peut en aucun cas laisser arriver.
RT : Les Etats-Unis et les pays-membres de l'OTAN ont-ils des raisons pour considérer la Russie comme une menace immédiate ?
S. W. : Les intérêts des Etats-Unis sont assez transparents. Leur hégémonie et leur position dominante en Europe sont basés sur l'idée que [la Russie] est comme les flammes d'enfer, une image affreuse, dont il faut nous protéger, et cette idée a de plus en plus de soutien. Je ne comprends pas pourquoi il y a de plus en plus de partisans, en Europe de l'Est, auprès de certains partis. Car au cas où il y aurait une escalade militaire, c'est l'Europe de l'Est qui serait parmi les premières victimes. Quand on voit ces grandes manœuvres et le déploiement des armements, il y a un danger grandissant qu'un malentendu survienne et ce serait suffisant pour déclencher une guerre. C'était le cas pendant la guerre froide, c'était très dangereux. Il ne faut pas revenir à cette époque-là.
RT : Que pensez vous de l'idée selon laquelle l'OTAN serait le plus grand garant de la paix en Europe d'un point de vue sécuritaire ?
RT : C'est ce que l'OTAN dit elle-même. Mais d'après le comportement de l'alliance, elle en est plutôt le plus grand saboteur. Helmut Schmidt a clairement dit il y a quelques années : «La plus grande menace provient des Etats-Unis plutôt que de la Russie.» Malheureusement, c'est ainsi. Quand j'observe les élections présidentielles aux Etats-Unis... Je me dis que, que ce soit une demi-folle ou le pantin du lobby des armements au pouvoir, la menace ne sera pas moins grande qu'aujourd'hui. C'est pourquoi il nous faut avoir une politique européenne indépendante. Nous n'avons pas besoin de la main de Washington.