Voilà maintenant une semaine, un terrible accident ravageait Notre-Dame, brûlant les toitures de la cathédrale et sa charpente du XIIIe siècle ainsi que la flèche de Viollet-le-Duc, effondrant également plusieurs voûtes du chœur et du transept et une travée de la nef. Un drame national qui a bouleversé un très grand nombre de Français, mais aussi d’étrangers pour qui Notre-Dame est l’image de notre pays, de son histoire, de son art, de sa spiritualité, de son identité. Notre-Dame, pour tous ceux-là, est la France comme Paris en est la capitale. Et ce qui vient l’ébranler nous ébranle.
Un élan et une ferveur inattendus se sont exprimés soudain, mêlant croyants et incroyants, tous attachés à ce symbole, car cette nef unique au monde et aux proportions si parfaites, parle à chacun de son histoire et des valeurs que, consciemment ou inconsciemment, il nourrit. Et voilà que cette France que l’on disait déchristianisée, indifférente à son passé, à ses racines, retrouve tout à coup ses valeurs, son épaisseur vivante qui n’avaient donc pas disparu, ce dont témoignaient déjà les Gilets jaunes. Dans ce joyau architectural où des milliers d’artisans, de tailleurs de pierre, de sculpteurs, de compagnons, de charpentiers, d’artistes, de peintres, ont œuvré pour affirmer leur foi en dressant vers le ciel leur témoignage, ces hommes et ces femmes venus du passé, anonymes, nous transmettent leur message, leur travail, leur témoignage, leur espérance. Qui étaient-ils, eux sur les traces desquels nous marchons ? Nous connaissons seulement les grands de ce monde qui, tout au long de l’histoire et des grands événements, sont passés ici, de Saint-Louis à Philippe-le-Bel, d’Henri IV à Louis XIV, de Napoléon à de Gaulle… Mais les acteurs et les foules anonymes sont là, leur visage est inscrit dans la pierre, leurs voix s’élèvent avec la musique des grandes orgues, leur regard habite la lumière des rosaces et, dans leurs prières, nous retrouvons nos interrogations.
Il est aujourd’hui de bon ton de dénigrer ces valeurs, de ridiculiser le passé, de déconstruire la nation, de rejeter ceux dont nous sommes les héritiers ; de remettre en cause nos origines, nos spécificités taxées de ringardes, au nom d’un présent sans fin et illusoire, d’une liberté sans contraintes, d’un individualisme forcené s’incarnant dans le consumérisme, le paraître, le pouvoir et l’argent, de nier ce qui fonde l’homme. Mondialistes inconditionnels, profiteurs toujours plus avides, jouisseurs sans entraves, comment pourraient-ils un seul instant partager la désolation de cette France profonde que l’on a marginalisée, défigurée, spoliée, et qui voit s’évanouir un des plus beaux fleurons de son patrimoine et de sa mémoire ?
Certes, le président, flanqué de Brigitte et d’Anne Hidalgo, affichait la gravité et l’émotion que les Français attendaient. Et, de proclamer un peu plus tard, sur un ton prophétique : « Oui, nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore. » Qu’il se contente seulement de la restituer dans sa perfection originelle sans rajouter des fioritures. Le Premier ministre renchérissait en évoquant, de son côté, un concours d’architectes pour reconstruire la flèche soit « à l’identique » soit de la remplacer « par une nouvelle flèche adaptée aux techniques et aux enjeux de notre époque ». Peu importe que les Français, dans un récent sondage, refusent à 73 % la reconstruction de la flèche dans un style contemporain, la caste au pouvoir se soucie de l’opinion publique comme d’une guigne : prévalent à leurs yeux « les enjeux de notre époque » alors qu’un monument aussi emblématique doit être respecté dans sa richesse et sa complexité.
Notre-Dame n’est pas là pour servir d’utilité à des politiques en mal de notoriété, prêts à promouvoir les projets les plus déjantés, acclamés par les modernes et les bien-pensants. Pourquoi pas une flèche en forme de minaret, œcuménisme oblige, ou un index à la Jeff Koons, ou encore au « Plug anal » à l’image de celui que la mairie de Paris inflige à la place Vendôme ? Sinon, carrément, une fusée spatiale… On pourrait aussi demander à Christo d’emballer Notre-Dame comme il le fait pour l’Arc-de-Triomphe. Ce serait d’un avant-gardisme décoiffant. La dictature de l’événement, de l’insolite à n’importe quel prix l’emporte sur l’amour du patrimoine. Le temps long fait place à l’événementiel, l’esprit des lieux à la dictature de la mode et au formatage des mentalités.
Il y a tellement de pistes déshonorantes mais branchées que l’on peut craindre le pire pour Notre-Dame, à voir comme on enlaidit la capitale chaque jour un peu plus sous prétexte de la rendre plus attractive, plus conforme aux goûts de notre époque, aux prétendues attentes d’un public de consommateurs et de touristes, en lieu et place d’un peuple amoureux de son patrimoine.
De son côté, le président met la pression et s’engage à reconstruire la cathédrale « d’ici cinq années ». Reconstruire est inadéquat car la structure de pierre est intacte. Grâce aux pompiers, les tours, les rosaces, les arcs-boutants, les façades ont été préservés et ne demandent qu’à être restaurés, la seule reconstruction étant celle de la toiture et de la flèche. Mais pourquoi cinq années ? Pourquoi tant de hâte alors que les spécialistes chevronnés parlent de délais plus importants si l’on veut préserver l’esprit des lieux et réaliser une restauration harmonieuse et durable ? Tout simplement parce que 2019 + 5 = 2024, année des Jeux Olympiques. Pour ces nouveaux marchands du temple, inaugurer une Notre-Dame new-look pour l’ouverture des Jeux serait un must : l’inscription de l’éphémère et du frelaté dans le temps immémorial, le triomphe du Veau d’or, l’asservissement de l’esprit.
Les dons qui ont afflué couvrent largement la restauration de Notre-Dame et le surplus pourrait aider à la préservation du patrimoine national laissé à l’abandon, 5000 églises dont plusieurs romanes étant en péril. Mais le président veut mettre le paquet et faire de Notre-Dame sa grande cause nationale. En jeune-vieux routier, il a d’ailleurs pris soin de verrouiller les travaux à venir en proposant une loi rédigée à la sauvette, transmise au Conseil d’État dans la foulée pour examen sur les chapeaux de roue. En fait, cette loi permettrait de s’affranchir des procédures en vigueur en matière de monuments historiques et de déroger à un certain nombre de règles comme le Code des marchés publics, ce qui, par exemple, permettrait des adjudications préférentielles.
Passons sous silence la non-responsabilité des services chargés de la conservation du patrimoine comme de ceux du ministère de la Culture qui n’ont aucunement été mis en cause alors qu’un joyau de l’art occidental s’embrasait. Très vite, la thèse de l’accident fut retenue, avant même que l’enquête soit lancée. Bizarre tout de même que Notre-Dame qui, dans sa longue histoire, a connu nombre de travaux d’entretien et de rénovation n’ait jamais subi pareille catastrophe. Bizarre aussi que cet incendie survienne en début de semaine pascale et qu’il fasse suite à la tentative d’incendie de l’église Saint-Sulpice et de la basilique Saint-Denis… Autant d’actes qui s’inscrivent dans la longue série d’incendies, de vandalisations, de dégradations qu’ont subis en 2018 plus de 850 églises de France. Pourquoi avoir écarté d’entrée de jeu la thèse de l’attentat alors que les attaques d’églises et de chrétiens par des fanatiques islamistes s’intensifient chaque jour et causent de plus en plus de victimes ? On vient de le voir au Sri-Lanka où près de 400 catholiques ont été tués durant la messe de Pâques.
En même temps que le pays, face à cette douloureuse épreuve, retrouvait sa fierté et son unité, un petit groupe de gauchistes tendance crétins, arborait son mépris pour l’histoire de France et ses « petits Blancs », dénonçait « l’identité française » et ironisait « sur des petits bouts de bois partis en fumée ». Telle est l’idéologie marécageuse de ces lointains héritiers de la « gauche morale » des années 1970 à laquelle ils ont ajouté toutes les frénésies postmodernes : haine du pays et de la civilisation judéo-chrétienne, multiculturalisme effréné, ce dont se gausse Régis Debray : « À force de vouloir accueillir toutes les identités, l’Europe n’a plus d’identité. » Ces contestataires en chambre ont des phobies : haine de l’hétérosexuel blanc et glorification des minorités LGTB ; ostracisation de l’histoire nationale au profit d’autres histoires, condamnation à peine déguisée des juifs et des chrétiens et exaltation de la cause musulmane soi-disant révolutionnaire. Adeptes du racialisme décolonial, ces militants, vent debout contre tout ce qui incarne la citoyenneté, la communauté, l’identité, appartiennent à l’Unef dont ils représentent une fraction non négligeable. Ces nouveaux inquisiteurs, ces puritains prêts à s’allier avec le diable dans leur haine suicidaire de civilisation occidentale, ne constitueraient-ils pas une sorte de cinquième colonne se drapant dans les plis d’une vérité qu’on ne saurait remettre en cause ?
Ne comptons pas sur le président pour dissiper le doute. Mardi 13 avril, il a remercié pêle-mêle « pompiers, policiers, soignants, Parisiens, Français, étrangers, journalistes, écrivains, photographes » car, précisait-il, « chacun a donné ce qu’il a pu, chacun à sa place, chacun dans son rôle ». Un inventaire à la Prévert dont on peine à comprendre le sens, qui mélange l’essentiel et l’anecdotique, et qui oublie seulement de parler des catholiques, les premiers meurtris par le drame. Comme l’a fait remarquer l’archevêque de Paris, Mgr Aupetit : « Pas un mot de compassion pour la communauté catholique. Pourtant, le mot catholique n’est pas un gros mot ! Ça vient du grec universel. » Nul doute que si une mosquée avait flambé, le président aurait assuré les musulmans de sa compassion la plus profonde.
Max Chaleil
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