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4 avril 2025 5 04 /04 /avril /2025 08:11
Le mirage de la menace russe en Europe

« Celui qui ne regrette pas l’Union soviétique n’a pas de cœur, celui qui veut la reconstruire n’a pas de tête. »
Vladimir Poutine
« Qui croit encore à la menace d’une invasion soviétique ? En revanche, la présence de bases et de forces américaines en France et l’appartenance de notre pays à une organisation militaire dirigée par les Américains risquent de mêler un jour la France, contre son gré, à des conflits qui ne la concerneraient pas ».
De Gaulle en Conseil des ministres

La Russie d’aujourd’hui n’est plus l’URSS de la guerre froide

L’URSS représentait un contre-pouvoir terriblement efficace dans le monde contre les risques d’une hégémonie américaine ; l’unilatéralisme américain est la cause de l’expansion de l’OTAN à l’est de l’Europe, de la guerre en Ukraine.
À quoi ressemblerait le monde si l’Union soviétique avait été préservée ? C’est la question à laquelle a répondu Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant du régime, auprès du quotidien britannique The Times : « Je pense que le monde serait meilleur. Il serait plus stable, plus sûr, plus juste ». Gorbatchev a rappelé la fin de la guerre froide et le traité de désarmement nucléaire. Il considère avoir donné au peuple soviétique la liberté de mouvement, d’expression, de réunion, de religion et se targue aussi d’avoir apporté la démocratie avec les élections multipartites.

Poutine a la seule ambition historique justifiée de rassembler le monde russe

Dans une interview au Figaro, Alexeï Venediktov, rédacteur en chef de la radio indépendante russe Écho de Moscou, a décrypté le psychisme et les motivations de Vladimir Poutine. Il est tout à fait normal que l’Occident agresseur qui, avec l’OTAN, n’a pas respecté les paroles de non-extension à l’Est, promesses ayant été faites à Gorbatchev et à Eltsine, soit peint chaque jour en Russie comme un ennemi dont on moque les faiblesses. Si la Russie n’avait pas réarmé, après la chute du Mur de Berlin, l’Amérique du « Deep State » toujours terriblement hostile, comme l’ont montré les deux guerres en Ukraine, n’en aurait fait qu’une bouchée. Le rêve des néoconservateurs américains, c’est de dépecer la Russie en trois ; c’est écrit noir sur blanc dans le Grand Échiquier de Zbigniew Brzezenski.

L’Amérique et l’Occident n’ayant pas accepté le projet de « Maison Commune Europe » que proposait Gorbatchev après la chute du Mur de Berlin, il est tout à fait normal que Vladimir Poutine considère aujourd’hui que « la guerre froide ne s’est jamais arrêtée », note Alexeï Venediktov dans son livre de Mémoires publié à Moscou. Il remarque également que l’obsession de Poutine est de revenir à un cadre géopolitique où la Russie reprendrait le contrôle du « monde russe », par la restauration de « zones d’influence », bref une sorte de Yalta du XXIe siècle. La question est de savoir qui rentrerait dans ce monde russe. Poutine met les pays Baltes dans une case à part. Par monde russe, il faut comprendre la Russie, mais aussi la Biélorussie, une partie de l’Ukraine (Novorossia), la Transnistrie, le Kazakhstan du Nord. Poutine, selon Venediktov, estime que Staline a créé des frontières arbitraires avec un crayon, pour diviser les peuples de l’URSS. Il dit toujours que les Russes sont « un peuple divisé », « comme l’étaient les Allemands ».

Poutine considère l’Ukraine comme l’Algérie russe, car c’est une partie du peuple russe, beaucoup plus même que l’Algérie française d’avant l’Indépendance en 1962, pour des raisons historiques, religieuses, linguistiques et ethniques. La Russie s’est constituée à l’origine, au IXe siècle, par les fleuves, entre Novgorod, à l’est de l’actuelle Saint-Pétersbourg, et la Rus de Kiev, capitale de l’actuelle Ukraine. C’est de plus, en Crimée, au bord de la mer Noire, à Chersonèse, tout près de Sébastopol, en 988, que le prince Vladimir le Grand, et donc la Russie, s’est converti à la religion chrétienne orthodoxe de Constantinople (Byzance). Poutine considère l’Ukraine, la Russie historique à son origine, comme un État failli et artificiel qui a été disputé tout au long de son histoire entre la Pologne et la Russie, après les terribles et cruelles invasions tartaro-mongoles de la Rus de Kiev de 1236 à 1380. Avant ces invasions, la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine actuelle, alors centre principal de la Russie, parlaient une seule langue : le russe.

Vis-à-vis de l’Ukraine, la position de l’homme du KGB Poutine, non conquérant du style Bonaparte, n’est pas très claire. Après avoir récupéré la Crimée, russe depuis les conquêtes de Catherine II contre les Turcs, Odessa ayant été fondée par la grande tsarine, Poutine s’est limité à aider les séparatistes russophones du Donbass industrialisé ; il a renoncé à conquérir, en 2014, les ports de Marioupol et Odessa, au sud-est de l’Ukraine, afin de faire la jonction avec la Transnistrie russophone (Novorossia). Suite à la deuxième guerre en Ukraine déclenchée en février 2022, il est probable que la Russie récupérera au minimum tout le Donbass, Karkhov, et le sud de l’Ukraine, la partie restante de l’Ukraine, complètement coupée de la mer Noire n’étant plus, alors, un État viable. Dans l’hypothèse d’une capitulation ou d’un effondrement total de l’Ukraine, comme l’Allemagne en 1918 ou le Japon en 1945, Kiev pourrait être aussi annexée.

En fait la seule région irréductiblement antirusse de l’Ukraine, c’est la Galicie, qui fut polonaise, puis partie intégrante de l’Empire austro-hongrois des Habsbourg, qui a mis une division SS à la disposition de l’Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Toutes les autres régions de l’Ukraine pourraient potentiellement redevenir russes du jour au lendemain, sans qu’il y ait d’opposition fondamentale des populations, l’ukrainien étant aussi proche du russe que le portugais de l’espagnol. La gare principale de Kiev, construite par les soviétiques, est tout à fait similaire aux autres gares de Russie. Tous les Ukrainiens parlent et comprennent le russe qui est toujours très parlé entre Ukrainiens.
Poutine est donc très proche des idées de l’ultranationaliste Alexandre Douguine qui veut annexer une partie de l’Ukraine et reconstituer l’Empire russe, mais en beaucoup plus modéré. Poutine en Russie est un centriste autoritaire de Droite.

La Russie ne songe pas à envahir l’Europe de l’Ouest, mais à défendre son pré carré assiégé

Les Russes ont repoussé plusieurs invasions dans leur histoire : les Suédois à la bataille de la Neva, le 15 juillet 1240 ; les Chevaliers de l’ordre Teutonique à la bataille du lac gelé Peïpous (« la Bataille sur glace ») en avril 1242, avec à leur tête toujours le même et célèbre Alexandre Nevski ; la Horde d’Or tartaro-mongole le 8 septembre 1380 à la bataille de Koulikovo, près du Don ; les Suédois éliminés à la bataille de la Poltava (en Ukraine) en 1709, et qui ne dominent plus ensuite la Baltique ; les Polonais qui avaient tenté de mettre la main sur Moscou en 1610, vaincus définitivement le 24 octobre 1795 lors du troisième partage de la Pologne entre la Russie, l’Autriche et la Prusse ; l’Empire français de Napoléon en octobre 1812, début de la retraite de Russie ; les Allemands du IIIe Reich qui avaient envahi la Russie, le 8 mai 1945 (capitulation de l’Allemagne).
Aujourd’hui les Russes se sentent encerclés par l’OTAN à l’Ouest, par la Chine à l’Est, par les pays musulmans d’Asie centrale ainsi que par la Turquie et l’Iran au Sud, avec environ 20 millions de musulmans, descendants de la Horde d’Or, à l’intérieur de leur pays.

Le Russe est toujours dans une posture guerrière, imaginant, à juste titre, être entouré d’ennemis voulant lui prendre son territoire grand et vide. En Asie, l’Européen, c’est le Russe ! La Russie devrait être plutôt considérée par les Européens de l’Ouest comme le « chien de garde », le bouclier protecteur de l’Europe à l’Est, face aux pays musulmans et à la Chine. Quant à l’Europe, elle devrait se considérer et être considérée comme l’Hinterland de la Russie par les Russes, plutôt que comme partie intégrante de l’agresseur OTAN, prête-nom pour l’Amérique. Si un jour le monde musulman devait se trouver à Stravopol, point de départ de la colonisation russe au XIXe siècle, ou si les Chinois devaient se trouver à l’Oural, cela constituerait pour les Européens une défaite civilisationnelle et stratégique, encore plus retentissante que la prise de Byzance (Constantinople) par les Turcs en 1453.
(à suivre)

Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique / Pour une Alliance avec la Russie »  -Préface de Piotr Tolstoï – 369p- Éditions Librinova – 2024

 

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